拍品專文
Crucifix plat comprenant deux parties croisées avec un anneau de suspension. La traverse avec le personnage bras écartés représentant Jésus Christ est moulé en relief, la tête légèrement inclinée sur un côté entourée d’un halo, et des impressions naturalistes sur le corps. Au-dessus de la tête, une cartouche porte l’inscription ‘INRI’ (‘Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum’), l’acronyme du nom du Christ. Un plus petit personnage représentant la Vierge Marie priant les mains jointes se tient debout dans la partie inférieure de la croix avec une petite croix au-dessus de la tête.
Son style et la qualité de la fonte permettent de dater l’objet du XVIIe et XVIIIe siècle, d’après les récentes études de Julien Volper pour l’exposition « Du Jourdain au Congo : Art et christianisme en Afrique centrale » qui s’est tenue fin 2016 au musée du quai Branly. On peut comparer le style de cette oeuvre à celui de cette série datant des XVIe et XVIIe siècles et révélant un plus grand contenu naturaliste et une relation plus marquée avec l’iconographie européenne traditionnelle. Après un siècle d’assimilation dans la culture Kongo, cette oeuvre s’oriente vers l’abstraction de la forme humaine et s’associe à une esthétique plus congolaise.
Aux XVIe et XVIIIe siècle, sous l’influence du Royaume, la vaste région subit les ravages de la guerre civile, le commerce des esclaves sur le littoral atlantique, et le prosélytisme chrétien. Pour faire face aux nouveaux troubles qu’ils subissaient, les artistes congolais et les chefs religieux s’inspirèrent des objets rituels apportés par les Européens pour créer de nouveaux outils spirituels capables d’expliquer et d’atténuer leurs tourments. Ces crucifix de l’art kongo furent façonnés pendant cette longue et fructueuse interaction entre la pensée religieuse de l’Afrique centrale et le catholicisme.
Comme l’écrit Cécile Froment dans sa description d’un crucifix très similaire de la même période conservée à la Menil Collection : « Ce Nkgani kiditu, ou Christ attaché, que les artistes congolais ont produit dans des styles et matériaux divers et variés, témoignent de l’interaction poussée en Afrique centrale des icônes chrétiennes et des symboles locaux. Objets de prestige et de pouvoir, les crucifix étaient moulés dans des alliages de métaux précieux, puis retouchés avec des incisions pour être fixés sur des croix latines en bois ou en métal, puis agrémentés d’autres éléments plus petits dérivés de l’iconographie chrétienne, comme des orants – personnages en train de prier, figures d’ange, halos et cartouches INRI. Le crucifié décharné, bras écartés sur la croix, la tête inclinée à droite pour suggérer la mort imminente, incarne le lien entre la mort et la résurrection qui est au coeur de la religion chrétienne et congolaise. Les yeux, la poitrine, le ventre et le haut de la tête - centres de contact avec les pouvoirs surnaturels dans la tradition congolaise, ont été accentués par les artistes congolais et sont patinés par l’usage. L’appropriation des icônes chrétiennes par le peuple congolais trouve son expression achevée dans la juxtaposition étroite du corps du Christ agonisant avec la croix ou rhombe, cosmogramme signifiant le concept congolais d’un passage bidirectionnel entre le monde des vivants et le monde des morts… »
Bibliographie
Bassani, Ezio, et Fagg, William Buller, Africa and the Renaissance : Art in Ivory, New York, 1988
Brincard, Marie-Thérèse (ed.), The Art of Metal in Africa, New York, 1983
Conferência Episcopal Portuguesa, Encontro de Culturas : Oito Séculos de Missionação Portuguesa, Coimbra, 1994
Europália 91 Portugal, Via Orientalis, Bruxelles, 1991
Lagamma, Alisa, The Metropolitan Museum of Art, New York, African Arts, vol. XXXIV, no. 2, Summer 2001
Lopes, Duarte, and Pigafetta, Filippo, Description du Royaume du Congo et des Contrées Environnantes, Louvain, 1965
Volper J., Du Jourdain au Congo, Art et Christianisme en Afrique Centrale, Paris, 2016
Son style et la qualité de la fonte permettent de dater l’objet du XVIIe et XVIIIe siècle, d’après les récentes études de Julien Volper pour l’exposition « Du Jourdain au Congo : Art et christianisme en Afrique centrale » qui s’est tenue fin 2016 au musée du quai Branly. On peut comparer le style de cette oeuvre à celui de cette série datant des XVIe et XVIIe siècles et révélant un plus grand contenu naturaliste et une relation plus marquée avec l’iconographie européenne traditionnelle. Après un siècle d’assimilation dans la culture Kongo, cette oeuvre s’oriente vers l’abstraction de la forme humaine et s’associe à une esthétique plus congolaise.
Aux XVIe et XVIIIe siècle, sous l’influence du Royaume, la vaste région subit les ravages de la guerre civile, le commerce des esclaves sur le littoral atlantique, et le prosélytisme chrétien. Pour faire face aux nouveaux troubles qu’ils subissaient, les artistes congolais et les chefs religieux s’inspirèrent des objets rituels apportés par les Européens pour créer de nouveaux outils spirituels capables d’expliquer et d’atténuer leurs tourments. Ces crucifix de l’art kongo furent façonnés pendant cette longue et fructueuse interaction entre la pensée religieuse de l’Afrique centrale et le catholicisme.
Comme l’écrit Cécile Froment dans sa description d’un crucifix très similaire de la même période conservée à la Menil Collection : « Ce Nkgani kiditu, ou Christ attaché, que les artistes congolais ont produit dans des styles et matériaux divers et variés, témoignent de l’interaction poussée en Afrique centrale des icônes chrétiennes et des symboles locaux. Objets de prestige et de pouvoir, les crucifix étaient moulés dans des alliages de métaux précieux, puis retouchés avec des incisions pour être fixés sur des croix latines en bois ou en métal, puis agrémentés d’autres éléments plus petits dérivés de l’iconographie chrétienne, comme des orants – personnages en train de prier, figures d’ange, halos et cartouches INRI. Le crucifié décharné, bras écartés sur la croix, la tête inclinée à droite pour suggérer la mort imminente, incarne le lien entre la mort et la résurrection qui est au coeur de la religion chrétienne et congolaise. Les yeux, la poitrine, le ventre et le haut de la tête - centres de contact avec les pouvoirs surnaturels dans la tradition congolaise, ont été accentués par les artistes congolais et sont patinés par l’usage. L’appropriation des icônes chrétiennes par le peuple congolais trouve son expression achevée dans la juxtaposition étroite du corps du Christ agonisant avec la croix ou rhombe, cosmogramme signifiant le concept congolais d’un passage bidirectionnel entre le monde des vivants et le monde des morts… »
Bibliographie
Bassani, Ezio, et Fagg, William Buller, Africa and the Renaissance : Art in Ivory, New York, 1988
Brincard, Marie-Thérèse (ed.), The Art of Metal in Africa, New York, 1983
Conferência Episcopal Portuguesa, Encontro de Culturas : Oito Séculos de Missionação Portuguesa, Coimbra, 1994
Europália 91 Portugal, Via Orientalis, Bruxelles, 1991
Lagamma, Alisa, The Metropolitan Museum of Art, New York, African Arts, vol. XXXIV, no. 2, Summer 2001
Lopes, Duarte, and Pigafetta, Filippo, Description du Royaume du Congo et des Contrées Environnantes, Louvain, 1965
Volper J., Du Jourdain au Congo, Art et Christianisme en Afrique Centrale, Paris, 2016