HYACINTHE RIGAUD (PERPIGNAN 1659-1743 PARIS)
HYACINTHE RIGAUD (PERPIGNAN 1659-1743 PARIS)

Portrait du cardinal Pierre Paul Guérin de Tencin (1679-1758)

細節
HYACINTHE RIGAUD (PERPIGNAN 1659-1743 PARIS)
Portrait du cardinal Pierre Paul Guérin de Tencin (1679-1758)
huile sur toile, non rentoilée, sans cadre
81 x 65 cm. (31 7/8 x 25 5/8 in.)
出版
A. James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Le catalogue raisonné, Dijon, 2016, tome II, p. 530, sous le no. P.1510bis, ill.
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H. RIGAUD, PORTRAIT OF CARDINAL PIERRE PAUL GUÉRIN DE TENCIN, OIL ON CANVAS, UNLINED, UNFRAMED

拍品專文

Issu d’une famille parlementaire du Dauphiné, Pierre Paul Guérin de Tencin (1679-1758) [1] passa auprès de ses contemporains pour être l’une des âmes damnées du cardinal Dubois, conseiller intime du Régent et principal ministre. Poussé par sa sœur, la « scandaleuse » Mme de Tencin, mère de l’encyclopédiste d’Alembert, dont le salon, surnommé le « bureau d’esprit », jouissait alors d’une renommée au moins égale à celle de sa galanterie, Pierre Paul s’illustra notamment en 1719 dans la conversion au catholicisme du financier écossais John Law dont il profita du fameux Système au point de réunir une fortune considérable. Son protecteur Dubois l’en remercia en l’envoyant à Rome comme chargé des affaires du roi auprès du Saint-Siège. De son séjour de trois ans (1721-1724) dans la Ville éternelle, on retiendra surtout qu’il fut à l’origine de la construction de la « Scalinata », le majestueux escalier de la Trinité-des-Monts. Élevé au siège archiépiscopal d’Embrun à l’été 1724, il demeura éloigné de la Cour pendant quinze ans, avant de rentrer en grâce et d’obtenir non seulement la pourpre cardinalice (23 février 1739), mais encore le titre de primat des Gaules (24 septembre 1740). Éphémère ministre d’État (1742-1743) sans portefeuille grâce au soutien du cardinal Fleury, il se retira définitivement, à la mort de celui-ci, dans son diocèse de Lyon où il mourut en 1758. Tout en reconnaissant ses mérites, Saint-Simon dresse de Monseigneur de Tencin le portrait haut en couleurs d’un « scélérat » : « Un esprit vaste, mâle, hardi, entreprenant, surtout incapable de se rebuter d’aucune difficulté, et d’une patience de plusieurs vies, mais toujours agissante vers son but, sans jamais sans détourner ; un esprit plein de ressorts et de ressources, bien souple, fin, discret, doux et âpre selon le besoin […] maître en artifices, contempteur souverain de tout honneur et de toute religion en gardant soigneusement tous les dehors de l’une et de l’autre, fier et bas toujours selon les gens et les occurrences, et toujours avec esprit et discernement, d’une ambition démesurée, et surtout altéré d’or, non par avarice ni par désir de dépenser ou de paraître, mais comme voie abrégée de parvenir à tout. Il joignait quelque savoir et tous les agréments de la conversation, des manières et du commerce, à une singulière souplesse et à un grand art de cacher avec jugement tout ce qu’il ne voulait pas être aperçu. » [2].
Le nom de Pierre Paul Guérin de Tencin n’apparaît pas dans les livres de comptes de Hyacinthe Rigaud (1659-1743), mais un autre témoignage contemporain, tout aussi digne de foi, pallie ce silence qui, on le sait depuis les travaux d’Ariane James-Sarazin [3], concerne une part non négligeable de la production de l’artiste. En effet, le catalogue qui accompagna la vente, le 14 novembre 1761, de la collection du filleul de Rigaud, le peintre Hyacinthe Collin de Vermont (1693-1761), mentionne sous le numéro 87 « un grand portrait du cardinal Tencin, non fini, par idem [M. Rigaud] », qui partit pour 22 livres et 10 sols. Il est probable que ce tableau inachevé provenait du fonds d’atelier de Hyacinthe Rigaud dont Collin de Vermont fut l’un des principaux héritiers. Le fait que son exécution n’ait pas été menée à son terme est de nature à accréditer l’hypothèse d’une exécution tardive, dans les cinq dernières années d’activité de Rigaud. La version en buste qui est aujourd’hui proposée et dans laquelle Ariane James-Sarazin voit désormais, sur la foi d’un examen de visu après restauration de la toile [4], une œuvre entièrement autographe du maître, a pu être exécutée soit immédiatement après la mise en chantier du grand format, celui-ci ayant été suffisamment avancé pour permettre d’en tirer un buste, soit antérieurement au grand format. On notera à cet égard que dans notre tableau, c’est la seule dignité de cardinal du modèle qui est mise en avant et non, celle, supplémentaire, de récipiendaire de l’ordre du Saint-Esprit (promotion du 1er janvier 1743) que l’on peut en revanche observer sur les différentes versions conservées, en grand (Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs) ou en buste (musée Dauphinois à Grenoble ; vente Paris, Drouot, Beaussant-Lefevre, 27 mai 2013, lot 26, etc.), du portrait de Pierre Paul Guérin de Tencin par Étienne Parrocel (1696-1776). La nature de l’habillement permet donc de situer l’exécution de notre tableau entre le 23 février 1739 et le 1er janvier 1743, Rigaud mourant le 29 décembre 1743 et l’élévation au cardinalat du modèle ayant certainement motivé sa commande. Satisfait du résultat, le prélat aurait pu revenir vers Rigaud pour un plus grand format, sans doute assis, dont l’ambition aurait pu répondre à l’une et/ou l’autre des nouvelles faveurs reçues : le siège archiépiscopal de Lyon (1740) ; la croix du Saint-Esprit (1743).
Mieux encore qu’Étienne Parrocel et son interprète le graveur Jean Georges Wille, Hyacinthe Rigaud a su saisir, avec toute l’acuité qui le caractérise, le regard spirituel et incisif, le port plein d’assurance et de volonté, de cet « habile fripon » de Tencin, dont un sourire presque imperceptible pince fort à propos les lèvres. Jamais Rigaud, auquel on peut parfois reprocher la sècheresse du pinceau à la fin de sa vie, n’avait autant excellé : si l’on reconnaît le soulèvement caractéristique, en vagues successives, du mantelet en partie basse, signature de nombre de ses bustes d’ecclésiastiques, ainsi que les effets variés d’enfoncements et de plis à la surface de la soie ou la transparence du rabat, on demeurera stupéfait par le mœlleux incomparable et l’illusionnisme consommé de la touche qui fait de ce tableau l’une des plus belles réussites du vieil artiste.

NOTES :
[1] Sur Tencin, voir Jean Sareil, Les Tencin : histoire d’une famille au dix-huitième siècle d’après de nombreux documents inédits, Paris, Droz, 1969.
[2] Saint-Simon, Mémoires (1718-1721). Additions au Journal de Dangeau, éd. Yves Coirault, tome VII, Paris, Gallimard, 1987, p. 918-921 et plus particulièrement p. 919.
[3] Ariane James-Sarazin, Hyacinthe Rigaud (1659-1743), tome I : L’homme et son art, Dijon, Éditions Faton, 2016, p. 290.
[4] Publié pour la première fois par Ariane James-Sarazin en 2016, op. cit., tome II : Le catalogue raisonné, n° *P.1510bis, p. 530, repr., le tableau avait été considéré prudemment, compte tenu, alors, de son très mauvais état de conservation qui en rendait la juste appréciation impossible et sur la seule base d’une photo avant restauration communiquée par le propriétaire, comme une réplique ou une copie. Il portera désormais le numéro PS.15 dans le supplément au catalogue raisonné de Hyacinthe Rigaud dû à Ariane James-Sarazin.

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