PAIRE DE VASES COUVERTS D'EPOQUE LOUIS XV
LA CHINE MAGNIFIEE PAR DUPLESSIS DANS LES COLLECTIONS ROTHSCHILD
PAIRE DE VASES COUVERTS D'EPOQUE LOUIS XV

ATTRIBUEE A JEAN-CLAUDE CHAMBELLAN DUPLESSIS, VERS 1750

Details
PAIRE DE VASES COUVERTS D'EPOQUE LOUIS XV
ATTRIBUEE A JEAN-CLAUDE CHAMBELLAN DUPLESSIS, VERS 1750
En porcelaine rouge de cuivre, Chine, dynastie Qing, XVIIIIe siècle, la monture en bronze ciselé et doré à motif rocaille d'agrafes de feuilles d'acanthe et autres enroulements feuillagés, le couvercle amovible muni d'une riche prise composée de fleurettes, le corps flanqué d'anses ; différences de couleurs entre les deux vases, un couvercle restauré
H.: 35,5 cm. (14 in.) ; L.: 35, 5 cm. (14 in.)
Provenance
Alfred C. de Rothschild (1842-1918) ;
puis par descendance Lionel de Rothschild (1882-1942) ;
puis par descendance Edmund L. de Rothschild (1916-2009) ;
Galerie Alexander and Berendt Ltd., Londres, 1975.
Further details
A PAIR OF LOUIS XV ORMOLU-MOUNTED CHINESE PORCELAIN COVERED-VASES, ATTRIBUTED TO JEAN-CLAUDE CHAMBELLAN DUPLESSIS, CIRCA 1750

Lot Essay

Cette magnifique paire de vases est une audacieuse démonstration du style rocaille en vogue au milieu du XVIIIe siècle. C’est en effet vers 1750 que l’engouement pour les porcelaines de Chine enchâssées dans des montures françaises de bronze doré atteint son paroxysme. Amorcée dès la Régence, cette mode connaît avec la fantaisie et l’exubérance décorative caractéristiques du règne de Louis XV son développement le plus heureux.
Œuvre remarquable réalisée à plusieurs mains, ces superbes pièces illustrent le processus de création et le fonctionnement du luxueux marché parisien des arts décoratifs au XVIIIe siècle. Ces porcelaines étaient en effet le fruit d’une collaboration étroite entre ornemanistes, artisans, marchands merciers et commanditaires. Elles impliquaient l’importation de céramiques chinoises d’exception par le biais des compagnies maritimes qui approvisionnaient une France encore démunie de porcelaine dure et qui payait à prix d’or cette denrée recherchée.
La collaboration des ornemanistes avec les bronziers sous la houlette de marchands-merciers au service d’une clientèle choisie est une constante de l’époque. Et si tous les maillons de cette chaîne ne sont pas toujours identifiables, leur présence nécessaire et leur association a donné naissance aux chefs-d’œuvre les plus fameux que nous connaissons aujourd’hui. Ainsi, les frères Slodtz ont donné le dessin qui servit à la réalisation de la fontaine à parfum livrée par Hébert pour la garde-robe de Louis XV vers 1743 (Musée des châteaux de Versailles et de Trianon inv. V 5251.1). Et Antoine Moreau a travaillé le bronze d’après des modèles de Lambert-Sigisbert Adam, comme l’atteste une paire de feux « aux tritons » conservée au Musée du Louvre (inv. OA. 9515-9516). D’autres bronziers toutefois ont pu concevoir et réaliser leurs œuvres.
C’est le cas de Jean-Claude Chambellan Duplessis (v.1730-1783) dont le nom est avancé pour cette paire de vases. Ornemaniste, orfèvre, fondeur et ciseleur, Duplessis cumule les tâches avec un égal talent. Originaire de Turin, il est sans doute passé dans l’atelier de Juste-Aurèle Meissonnier (1695-1750) à son arrivée à Paris. Il travaillera à la Manufacture de Sèvres dont il sera le directeur artistique entre 1748 et 1774.
Les caractéristiques stylistiques de son œuvre se retrouvent sur notre paire de vases : la monture de bronze forme un tertre au bol de porcelaine avant de s’élever de part et d’autre de la panse dans un riche enroulement de feuilles d’acanthe. Le modelé généreux, la découpe nerveuse, la ciselure précise des éléments naturalistes atteignent un haut degré de virtuosité. Les montures de Duplessis père se distinguent par leur remarquable plasticité. Elles semblent animées, de la base au frétel, d’une même impulsion qui donne à l’ensemble un rythme continu. La cohérence de l’ensemble témoigne d’une sûreté de trait sans défaut et la réalisation d’une impeccable maîtrise technique.
L’absence de C couronné conjuguée à ces considérations techniques et stylistiques confortent l’idée d’une réalisation ultérieure à 1749, entre 1750 et 1760.
Quant à la porcelaine au profond teint « peau de pêche », sa rareté en fait un atout majeur. Les années 1750 voient en effet l’abandon progressif des porcelaines à décor dit bleu blanc ou famille verte pour des pièces monochromes qui mettent davantage en valeur les montures de bronze ciselé. On affectionne surtout les céladons, les porcelaines dites « truitées », c’est-à-dire gris craquelé, et les monochromes bleus dont les nuances sont multiples : turquoise, profonds, poudré, clair de lune... L’émail rouge de notre paire de vases est plutôt précurseur, l’utilisation des couvertes à bases d’oxyde de cuivre, oscillant entre peaux de pêche et sang-de-bœuf, s’étant plutôt généralisé sous Louis XVI, agrémentés de montures néoclassiques (Musée Cognacq-Jay, inv. J 279).
Pendant cette décennie, Duplessis a fourni le marchand-mercier Lazare Duvaux. Le Livre Journal de ce dernier mentionne en effet des porcelaines montées achetées par ses plus riches clients. Avec Gaignat et le prince de Talleyrand, le marquis de Voyer d’Argenson fait l’acquisition de nombreuses pièces de ce genre. Plus souvent, rapporte le journal du marchand, possesseur de pièces de choix, il [Voyer d’Argenson] chargeait Duvaux de les monter. Celui-ci le mit en rapport avec le célèbre modeleur Duplessis... » (Livre-Journal de Lazare Duvaux, 2 vols, Courajod, Paris, 1873, p. XXXIII). Madame de Pompadour figure aussi parmi cette clientèle, qui paye à Lazare Duvaux la somme de 1090 livres en janvier 1752 un vase de porcelaine céladon aujourd’hui exposé à la Wallace Collection (inv. F113).
Si le premier destinataire de nos vases demeure inconnu, nous savons néanmoins que ces pièces exceptionnelles ont figuré dans les collections Rothschild pendant trois générations. Elles appartinrent successivement à Alfred Charles de Rothschild (1842-1918), puis à son neveu Lionel de Rothschild (1882-1942), qui les transmet à son fils Edmond de Rothschild (1926-1997). Contemporain de son homonyme français Edmond James, Alfred de Rothschild joua outre-Manche le même rôle de mécène et philanthrope auprès des grandes institutions muséales de son pays. Grand collectionneur également, il réunit un ensemble de peintures et d’objets d’arts décoratifs de premier choix qui viennent embellir ses demeures d’Alton House et du 1, Seamore Place à Londres. Les éloges de ses contemporains sur la beauté de ses collections sont nombreux. Lady Dorothy Neville le considérait même comme « le meilleur juge amateur de l’art français du XVIIIème siècle ». Notre somptueuses paire de vases permet aujourd’hui de vérifier la véracité de ce jugement et d’entrevoir pourquoi les grandes fortunes de l’époque se sont évertuées à copier ce qu’elles-mêmes ont appelé « Le Goût Rothschild ».

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