Lot Essay
Cet élégant lustre illustre parfaitement le passage du XVIIIe au XIXe siècle, qui malgré l’abolition des corporations en 1791 avec la loi Le Chapelier, voit perdurer le savoir-faire des bronziers sous l’Empire débouchant sur une maîtrise parfaite de la technique du bronze doré. Claude Galle appartient à cette génération et démontre à travers ce lustre rare la perfection du dessin d’époque Empire avec ses palmettes et ses palmes, lui-même retranscrit par une ciselure précise mise en valeur par les brunis et amatis de l’or.
LES GALLE : UNE DYNASTIE DE BRONZIERS
Les origines paysannes des Galle ne laissait aucunement présumer d’une destinée aussi prestigieuse : le père de Galle était un simple éleveur de volaille et quelques décennies plus tard, son fils livrera des bronzes pour la Cour royale puis impériale. Les historiens de l’art n’ont mis à jour que récemment l’existence de son fils Gérard-Jean qui reprend l’atelier avant la fin de l’Empire.
Claude Galle (1759-1815) accède à la maîtrise de bronzier doreur à la fin des années 1780. Il collabore avec Jean Hauré qui pour sa part travaille pour le Garde-Meuble de la Couronne de 1785 à 1788, ou encore avec Antoine-André Ravrio (1759-1814). Hauré joue un rôle déterminant dans la carrière de Galle lui permettant à son tour de livrer pour la Couronne et de jouir d’une clientèle prestigieuse. Galle livre des bronzes notamment pour les châteaux de Versailles et Saint-Cloud. Il fournit par ailleurs des bronzes d’ornement pour certains meubles de Guillaume Benneman destinés à la Cour.
Après la Révolution, Galle fournira le Garde-Meuble impérial, notamment pour le château de Saint-Cloud pour lequel il livrera plus de 65.000 francs de bronzes d’ameublement, ou encore les palais de Fontainebleau et de Compiègne, du Quirinal à Rome et Stupinigi à Turin.
Comme beaucoup de ses pairs, il n’a malheureusement pas apposé de signature sur ses œuvres mais il compte cependant parmi les bronziers les plus doués et les plus influents de la fin du XVIIIe – début du XIXe siècle ; il est considéré aujourd’hui comme l’un des concurrents directs de Pierre-Philippe Thomire (1757-1853). On estime que Galle employait environ 400 ouvriers pour son atelier, indiquant le volume conséquent de commandes à traiter.
Parmi ses enfants, certains rejoignent son atelier, dont Gérard-Jean Galle (1788-1846) qui reprend l’atelier prestigieux et prolifique de son père en 1813. A défaut de signature, il est intéressant de noter que Galle fils signait sur ses courriers «Sr GALLE / Fabt. De Bronzes et de Dorures Rue Vivienne n°9 et rue de Colbert n°1 ».
Cependant, la chute de l’Empire freine les commandes officielles et également privées. Galle est confronté à une baisse vertigineuse de commandes et d’achats.
Pour relancer son activité, Galle participe à l’Exposition des Produits de l’Industrie Française de 1819 où il expose quelques-unes de ses créations ; il reçoit une médaille d’argent. Cette exposition n’a pas l’effet escompté ; il n’a procédé à aucune vente et en ressort très affaiblit financièrement.
Afin de sauver son atelier, il va jusqu’à solliciter, mais en vain, auprès du roi Louis XVIII le 24 juillet 1820 une aide financière : « Toutes les marchandises que j’avais fabriquées (…) étant encore en magasin, et la Grandeur et le prix de ces objets étant un obstacle à la vente, je viens prier Votre Excellence de proposer à S.M. d’en acquérir pour une somme de 20 à 25.000 f. Je regarderais cette acquisition comme un secours qui me serait accordé, et qui rendrait plus précieux la position dans laquelle m’a placé l’établissement même de ces marchandises. Cette situation est si critique qu’il ne me reste d’autre espoir que la réussite de ma demande (…) ». Il rappelle plus loin dans sa lettre de sollicitation que ces objets « peuvent orner ses Palais, déjà meublés de dorures sorties de [ses] ateliers ».
Suite à ce refus d’achat royal, il est cependant nommé Fournisseur de sa majesté reconnaissant cependant la qualité de ses bronzes.
Parallèlement, comme nombre d’artisans, il est également accablé par l’accumulation des commandes non réglées et malgré le prestige de ces divers titre et récompense, Gérard-Jean Galle se voit dans l’obligation de réduire drastiquement ses effectifs de la moitié après la Révolution de 1830. Il meurt dans la pauvreté en 1846.
LE LUSTRE A GLOBE CELESTE : UN CORPUS D’ŒUVRES TRES REDUIT
Le globe céleste est assez rarement employé dans les lustres ; on le retrouve généralement sur les lustres suédois. Les ornemanistes ont en effet souvent privilégié le lustre en corbeille ou à couronne ou encore les lanternes pour les luminaires suspendus.
La sphère bleue dérive très probablement comme certains historiens d’art l’affirment, du motif de montgolfière. Rappelons-le, c’est le 19 septembre 1783 qu’a lieu l’un des premiers vols de Montgolfière au château de Versailles en présence de Louis XVI. Ce vol aura une répercussion dans les arts décoratifs comme l’illustre un certain modèle de pendule « à la montgolfière » ou encore les sièges au dossier « à la montgolfière », comme les célèbres chaises du menuisier Jean-Baptiste Demay conservées au musée de Carnavalet (inv. MB 93 et MB 94).
Notre lustre avec sa sphère ornée des signes du zodiaque est à rapprocher de celui conservé au Getty Museum de Los Angeles (inv. 73.DH.76), exécuté par Gérard-Jean Galle vers 1818-1819. La sphère est ici ceinte de ces mêmes douze signes. L’autre particularité notable de ce lustre est qu’il comporte en partie basse une coupe en verre destinée à contenir des poissons rouges et leur eau, celle-ci pouvant s’évacuer à l’aide d’un bouchon en bronze doré ; d’où le nom original et pour le moins surprenant de lustre à poisson. Galle expose à l’Exposition des Produits de l’Industrie de 1819 ce lustre « dont le mouvement continu [des poissons] récréé l’œil agréablement ». Malgré de multiples sollicitations auprès de Louis XVIII, Galle n’arrive pas à le lui vendre. L’argument qui lui est avancé est l’impossibilité pour le gouvernement de procéder à des achats de ce type compte tenu du contexte social et politique de la Restauration monarchique.
Un très beau modèle de ce lustre à poisson se trouve aujourd’hui conservé dans les collections Royales de Stockholm. (ill. M. Shapiro, “Monsieur Galle, Bronzier et Doreur”, The J. Paul Getty Museum Journal, volume 6-7, Malibu, 1979, p. 64, fig. 6). Cette acquisition s'explique très certainement par la mise en place du jeune français Jean-Baptiste Bernadotte (1763-1844) en 1818 au gouvernement suédois en tant que Roi.
On connaît un autre lustre à poisson de la collection du Royal Rail Pension Fund présentant également une demi-sphère étoilée, vendu en 1977 (Sotheby Parke Bernet, Monte Carlo).
On retrouve un globe bleu étoilé sur un imposant lustre à 24 lumières livré pour le salon particulier de l’Impératrice au palais de l’Elysée appartenant aujourd’hui aux collections nationales (inv. GML 1272) et illustré dans M.-F. Dupuy-Baylet, L’heure, le feu, la lumière. Les bronzes du Mobilier National 1800-1870, Dijon, 2010, pp. 184-185.
Pierre-Victore Ledure a réalisé vers 1810 un lustre à globe céleste très proche du nôtre avec cependant un système de suspension simplifié. Il est illustré dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Munich, t. I, Munich, 1986, p. 359, fig. 5.II.4.
Le motif de sphère étoilée mais entièrement en bronze doré se retrouve également sur deux lustres livrés par Lucien-François Feuchère en 1810 pour le château de Meudon. Toutefois la sphère est également appliquée de branches de laurier. Ils font aujourd’hui partie des collections du Mobilier National (inv. GML 26/1 et 26/2) et l’un deux est illustré dans M.-F. Dupuy-Baylet, Op. cit., p. 171.
LA COLLECTION DANIEL-BRUNET
Humaniste distingué, entrepreneur avisé et savant renommé, Alfred Daniel-Brunet était aussi un remarquable amateur d’art que ses goûts portaient vers les styles du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Cet esthète avait constitué une magnifique collection de meubles et d’objets d’art, réunis dans sa demeure de Saint-Cloud. Construite par l’architecte Louis Mouros dans les années 30, cette propriété d’inspiration antique et palladienne -devenue l’actuel Musée des Avelines en 1988- offrait un somptueux écrin à un ensemble d’une grande qualité illustrant la richesse des arts décoratifs Directoire et Empire. Certaines pièces se distinguaient par leurs provenances, ayant appartenu à des hommes célèbres tels que Jean-Jacques-Régis Cambacérès ou François-Joseph Talma. Toutes illustraient ce moment passionnant dans l’histoire des arts décoratifs, marqué par les changements politiques, sociétaux et stylistiques.
LES GALLE : UNE DYNASTIE DE BRONZIERS
Les origines paysannes des Galle ne laissait aucunement présumer d’une destinée aussi prestigieuse : le père de Galle était un simple éleveur de volaille et quelques décennies plus tard, son fils livrera des bronzes pour la Cour royale puis impériale. Les historiens de l’art n’ont mis à jour que récemment l’existence de son fils Gérard-Jean qui reprend l’atelier avant la fin de l’Empire.
Claude Galle (1759-1815) accède à la maîtrise de bronzier doreur à la fin des années 1780. Il collabore avec Jean Hauré qui pour sa part travaille pour le Garde-Meuble de la Couronne de 1785 à 1788, ou encore avec Antoine-André Ravrio (1759-1814). Hauré joue un rôle déterminant dans la carrière de Galle lui permettant à son tour de livrer pour la Couronne et de jouir d’une clientèle prestigieuse. Galle livre des bronzes notamment pour les châteaux de Versailles et Saint-Cloud. Il fournit par ailleurs des bronzes d’ornement pour certains meubles de Guillaume Benneman destinés à la Cour.
Après la Révolution, Galle fournira le Garde-Meuble impérial, notamment pour le château de Saint-Cloud pour lequel il livrera plus de 65.000 francs de bronzes d’ameublement, ou encore les palais de Fontainebleau et de Compiègne, du Quirinal à Rome et Stupinigi à Turin.
Comme beaucoup de ses pairs, il n’a malheureusement pas apposé de signature sur ses œuvres mais il compte cependant parmi les bronziers les plus doués et les plus influents de la fin du XVIIIe – début du XIXe siècle ; il est considéré aujourd’hui comme l’un des concurrents directs de Pierre-Philippe Thomire (1757-1853). On estime que Galle employait environ 400 ouvriers pour son atelier, indiquant le volume conséquent de commandes à traiter.
Parmi ses enfants, certains rejoignent son atelier, dont Gérard-Jean Galle (1788-1846) qui reprend l’atelier prestigieux et prolifique de son père en 1813. A défaut de signature, il est intéressant de noter que Galle fils signait sur ses courriers «Sr GALLE / Fabt. De Bronzes et de Dorures Rue Vivienne n°9 et rue de Colbert n°1 ».
Cependant, la chute de l’Empire freine les commandes officielles et également privées. Galle est confronté à une baisse vertigineuse de commandes et d’achats.
Pour relancer son activité, Galle participe à l’Exposition des Produits de l’Industrie Française de 1819 où il expose quelques-unes de ses créations ; il reçoit une médaille d’argent. Cette exposition n’a pas l’effet escompté ; il n’a procédé à aucune vente et en ressort très affaiblit financièrement.
Afin de sauver son atelier, il va jusqu’à solliciter, mais en vain, auprès du roi Louis XVIII le 24 juillet 1820 une aide financière : « Toutes les marchandises que j’avais fabriquées (…) étant encore en magasin, et la Grandeur et le prix de ces objets étant un obstacle à la vente, je viens prier Votre Excellence de proposer à S.M. d’en acquérir pour une somme de 20 à 25.000 f. Je regarderais cette acquisition comme un secours qui me serait accordé, et qui rendrait plus précieux la position dans laquelle m’a placé l’établissement même de ces marchandises. Cette situation est si critique qu’il ne me reste d’autre espoir que la réussite de ma demande (…) ». Il rappelle plus loin dans sa lettre de sollicitation que ces objets « peuvent orner ses Palais, déjà meublés de dorures sorties de [ses] ateliers ».
Suite à ce refus d’achat royal, il est cependant nommé Fournisseur de sa majesté reconnaissant cependant la qualité de ses bronzes.
Parallèlement, comme nombre d’artisans, il est également accablé par l’accumulation des commandes non réglées et malgré le prestige de ces divers titre et récompense, Gérard-Jean Galle se voit dans l’obligation de réduire drastiquement ses effectifs de la moitié après la Révolution de 1830. Il meurt dans la pauvreté en 1846.
LE LUSTRE A GLOBE CELESTE : UN CORPUS D’ŒUVRES TRES REDUIT
Le globe céleste est assez rarement employé dans les lustres ; on le retrouve généralement sur les lustres suédois. Les ornemanistes ont en effet souvent privilégié le lustre en corbeille ou à couronne ou encore les lanternes pour les luminaires suspendus.
La sphère bleue dérive très probablement comme certains historiens d’art l’affirment, du motif de montgolfière. Rappelons-le, c’est le 19 septembre 1783 qu’a lieu l’un des premiers vols de Montgolfière au château de Versailles en présence de Louis XVI. Ce vol aura une répercussion dans les arts décoratifs comme l’illustre un certain modèle de pendule « à la montgolfière » ou encore les sièges au dossier « à la montgolfière », comme les célèbres chaises du menuisier Jean-Baptiste Demay conservées au musée de Carnavalet (inv. MB 93 et MB 94).
Notre lustre avec sa sphère ornée des signes du zodiaque est à rapprocher de celui conservé au Getty Museum de Los Angeles (inv. 73.DH.76), exécuté par Gérard-Jean Galle vers 1818-1819. La sphère est ici ceinte de ces mêmes douze signes. L’autre particularité notable de ce lustre est qu’il comporte en partie basse une coupe en verre destinée à contenir des poissons rouges et leur eau, celle-ci pouvant s’évacuer à l’aide d’un bouchon en bronze doré ; d’où le nom original et pour le moins surprenant de lustre à poisson. Galle expose à l’Exposition des Produits de l’Industrie de 1819 ce lustre « dont le mouvement continu [des poissons] récréé l’œil agréablement ». Malgré de multiples sollicitations auprès de Louis XVIII, Galle n’arrive pas à le lui vendre. L’argument qui lui est avancé est l’impossibilité pour le gouvernement de procéder à des achats de ce type compte tenu du contexte social et politique de la Restauration monarchique.
Un très beau modèle de ce lustre à poisson se trouve aujourd’hui conservé dans les collections Royales de Stockholm. (ill. M. Shapiro, “Monsieur Galle, Bronzier et Doreur”, The J. Paul Getty Museum Journal, volume 6-7, Malibu, 1979, p. 64, fig. 6). Cette acquisition s'explique très certainement par la mise en place du jeune français Jean-Baptiste Bernadotte (1763-1844) en 1818 au gouvernement suédois en tant que Roi.
On connaît un autre lustre à poisson de la collection du Royal Rail Pension Fund présentant également une demi-sphère étoilée, vendu en 1977 (Sotheby Parke Bernet, Monte Carlo).
On retrouve un globe bleu étoilé sur un imposant lustre à 24 lumières livré pour le salon particulier de l’Impératrice au palais de l’Elysée appartenant aujourd’hui aux collections nationales (inv. GML 1272) et illustré dans M.-F. Dupuy-Baylet, L’heure, le feu, la lumière. Les bronzes du Mobilier National 1800-1870, Dijon, 2010, pp. 184-185.
Pierre-Victore Ledure a réalisé vers 1810 un lustre à globe céleste très proche du nôtre avec cependant un système de suspension simplifié. Il est illustré dans H. Ottomeyer et P. Pröschel, Vergoldete Bronzen, Munich, t. I, Munich, 1986, p. 359, fig. 5.II.4.
Le motif de sphère étoilée mais entièrement en bronze doré se retrouve également sur deux lustres livrés par Lucien-François Feuchère en 1810 pour le château de Meudon. Toutefois la sphère est également appliquée de branches de laurier. Ils font aujourd’hui partie des collections du Mobilier National (inv. GML 26/1 et 26/2) et l’un deux est illustré dans M.-F. Dupuy-Baylet, Op. cit., p. 171.
LA COLLECTION DANIEL-BRUNET
Humaniste distingué, entrepreneur avisé et savant renommé, Alfred Daniel-Brunet était aussi un remarquable amateur d’art que ses goûts portaient vers les styles du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Cet esthète avait constitué une magnifique collection de meubles et d’objets d’art, réunis dans sa demeure de Saint-Cloud. Construite par l’architecte Louis Mouros dans les années 30, cette propriété d’inspiration antique et palladienne -devenue l’actuel Musée des Avelines en 1988- offrait un somptueux écrin à un ensemble d’une grande qualité illustrant la richesse des arts décoratifs Directoire et Empire. Certaines pièces se distinguaient par leurs provenances, ayant appartenu à des hommes célèbres tels que Jean-Jacques-Régis Cambacérès ou François-Joseph Talma. Toutes illustraient ce moment passionnant dans l’histoire des arts décoratifs, marqué par les changements politiques, sociétaux et stylistiques.