拍品專文
COMMUNION ARCTIQUE
par Marie Mauzé
Considérée comme une oeuvre yup’ik en raison des caractéristiques stylistiques qu’il partage avec les masques des Yupiit de la côte occidentale de l’Alaska et du delta des fleuves Kuskokwim et Yukon, le masque de la collection Périnet a été acquis à Anvik, en amont du fleuve Yukon, dans une communauté athapascane. Le personnage central du masque figure un esprit animal doté des attributs physiques d’une loutre identifiée par sa tête, ses narines et ses yeux ronds, et ceux d’un poisson ressemblant à un saumon. Sur le ventre de cet animal hybride a été sculpté, en creux, un visage humain stylisé aux yeux et à la bouche en demi-lune représentant son yua (littéralement « sa personne »), ou encore son intériorité. Le yua est aussi représenté par l’ajout aux pattes palmées de la loutre de jambes et de mains. Réputé immortel, le yua se réincarne perpétuellement sous forme humaine dans les masques. L’arceau qui entoure l’esprit animal représente le monde extérieur. Quant aux mains aux pouces coupés, elles attestent de la puissance de l’esprit auquel elles sont associées. Deux pièces mobiles à l’effigie d’un saumon sont fixées au corps de l’esprit animal.
Ce type de masque était utilisé dans des spectacles ritualisés au cours desquels les humains entraient en communication avec les esprits animaux, les exhortant de satisfaire leurs besoins en leur fournissant un gibier abondant. Pour les Yupiit, les sons que produisaient les pièces mobiles des masques et autres accessoires pendant les danses étaient censés attirer l’attention des esprits auxquels le chasseur voulait s’adresser.
Entré dans les collections du National Museum of the American Indian en 1916, ce masque a été vendu par George Heye, le fondateur du musée, au marchand parisien Charles Ratton en 1935. Il fait partie d’un ensemble de masques yup’ik et de la côte Nord-Ouest, acquis par Ratton, à New York, lors de l’exposition African Negro Art au Museum of Modern Art pour laquelle il avait été un des principaux prêteurs. Cette collection d’objets fut présentée au public français dans la galerie Charles Ratton lors de l’exposition Masques et ivoires anciens de l’Alaska et de la côte nord-ouest de l’Amérique, en juillet 1935. Exposé sous le nom de « Grand masque eskimo, Anvik, rivière Yukon », ce masque fut de nouveau montré aux côtés d’oeuvres de Picasso, Arp et Duchamp (Cliché in Ottinger, 2013, p. 78), avec quatre autres masques yup’ik, en mai 1936 chez Ratton lors de l’Exposition surréaliste d’objets dont le poète et fondateur du mouvement surréaliste, André Breton, fut le maître d’oeuvre. C’est à cette date que des masques yup’ik sont reconnus pour la première fois comme participant de la vision surréaliste du monde. Oeuvres composites relevant de l’art de l’assemblage, ces masques complexes, nés de visions et de rêves, et témoignant d’une grande liberté d’invention, étaient pour les surréalistes la source première de la création poétique et artistique.
ARCTIC COMMUNION
by Marie Mauzé
Considered a Yup’ik work for the stylistic characteristics that it shares with the Yupiit masks from the west coast of Alaska and the delta of the Kuskokwim and Yukon rivers, the mask from the Périnet collection was purchased in Anvik, upstream of the Yukon River, from an Athapascan community. The central character of the mask represents an animal spirit with physical characteristics identified as those of an otter for its head, nostrils and round eyes, combined with those of a salmon-like fish. A stylised human face is sculpted on the animal’s abdomen, with eyes and a half-moon mouth representing its yua (literally “its person”) or its inwardness. The yua is also represented by the addition of the palmed paws of the otter, as well as legs and hands. The yua, thought to be immortal, perpetually reincarnates in human form through masks. The arched shape surrounding the animal spirit represents the outside world. As for the hands with truncated thumbs, these attest to the power of the spirit with which they are associated. Two mobile pieces in the effigy of a salmon are fastened to the body of the animal spirit.
This type of mask was used in ritual performances during which humans entered into communication with animal spirits, exhorting them to satisfy the people’s needs by providing them with abundant game. For the Yupiit people, the sounds made by the mobile pieces of the masks and other accessories during the dances were intended to attract the attention of the spirits that the hunters sought to contact.
This mask, which joined the collections of the National Museum of the American Indian in 1916, was sold by George Heye, the museum’s founder, to the Parisian trader Charles Ratton in 1935. It is part of an array of Yup’ik masks and other masks from the northwest coast that Ratton purchased in New York City at the African Negro Art exhibition at the Museum of Modern Art, for which he had been one of the principal lenders. This collection of objects was presented to the French public at the Charles Ratton gallery for the Masques et ivoires anciens de l’Alaska et de la côte nord-ouest de l’Amérique exhibition in July 1935. Bearing the label “Grand masque eskimo, Anvik, rivière Yukon” (“Large Eskimo mask, Anvik, Yukon River”), the piece was again displayed alongside works by Picasso, Arp and Duchamp (Cliché in Ottinger, 2013, p. 78), as well as four other Yup’ik masks, in May 1936. This took place at the Ratton gallery for the Exposition surréaliste d’objets, and was managed by the poet and founder of the Surrealist movement, André Breton. That was the first time that Yup’ik masks were recognised as a contribution to the Surrealist view of the world. Composite works that reveal the art of assembly, these complex masks - born of visions and dreams - show a great freedom of invention, which the Surrealists saw as the primary source of poetic and artistic creation.
par Marie Mauzé
Considérée comme une oeuvre yup’ik en raison des caractéristiques stylistiques qu’il partage avec les masques des Yupiit de la côte occidentale de l’Alaska et du delta des fleuves Kuskokwim et Yukon, le masque de la collection Périnet a été acquis à Anvik, en amont du fleuve Yukon, dans une communauté athapascane. Le personnage central du masque figure un esprit animal doté des attributs physiques d’une loutre identifiée par sa tête, ses narines et ses yeux ronds, et ceux d’un poisson ressemblant à un saumon. Sur le ventre de cet animal hybride a été sculpté, en creux, un visage humain stylisé aux yeux et à la bouche en demi-lune représentant son yua (littéralement « sa personne »), ou encore son intériorité. Le yua est aussi représenté par l’ajout aux pattes palmées de la loutre de jambes et de mains. Réputé immortel, le yua se réincarne perpétuellement sous forme humaine dans les masques. L’arceau qui entoure l’esprit animal représente le monde extérieur. Quant aux mains aux pouces coupés, elles attestent de la puissance de l’esprit auquel elles sont associées. Deux pièces mobiles à l’effigie d’un saumon sont fixées au corps de l’esprit animal.
Ce type de masque était utilisé dans des spectacles ritualisés au cours desquels les humains entraient en communication avec les esprits animaux, les exhortant de satisfaire leurs besoins en leur fournissant un gibier abondant. Pour les Yupiit, les sons que produisaient les pièces mobiles des masques et autres accessoires pendant les danses étaient censés attirer l’attention des esprits auxquels le chasseur voulait s’adresser.
Entré dans les collections du National Museum of the American Indian en 1916, ce masque a été vendu par George Heye, le fondateur du musée, au marchand parisien Charles Ratton en 1935. Il fait partie d’un ensemble de masques yup’ik et de la côte Nord-Ouest, acquis par Ratton, à New York, lors de l’exposition African Negro Art au Museum of Modern Art pour laquelle il avait été un des principaux prêteurs. Cette collection d’objets fut présentée au public français dans la galerie Charles Ratton lors de l’exposition Masques et ivoires anciens de l’Alaska et de la côte nord-ouest de l’Amérique, en juillet 1935. Exposé sous le nom de « Grand masque eskimo, Anvik, rivière Yukon », ce masque fut de nouveau montré aux côtés d’oeuvres de Picasso, Arp et Duchamp (Cliché in Ottinger, 2013, p. 78), avec quatre autres masques yup’ik, en mai 1936 chez Ratton lors de l’Exposition surréaliste d’objets dont le poète et fondateur du mouvement surréaliste, André Breton, fut le maître d’oeuvre. C’est à cette date que des masques yup’ik sont reconnus pour la première fois comme participant de la vision surréaliste du monde. Oeuvres composites relevant de l’art de l’assemblage, ces masques complexes, nés de visions et de rêves, et témoignant d’une grande liberté d’invention, étaient pour les surréalistes la source première de la création poétique et artistique.
ARCTIC COMMUNION
by Marie Mauzé
Considered a Yup’ik work for the stylistic characteristics that it shares with the Yupiit masks from the west coast of Alaska and the delta of the Kuskokwim and Yukon rivers, the mask from the Périnet collection was purchased in Anvik, upstream of the Yukon River, from an Athapascan community. The central character of the mask represents an animal spirit with physical characteristics identified as those of an otter for its head, nostrils and round eyes, combined with those of a salmon-like fish. A stylised human face is sculpted on the animal’s abdomen, with eyes and a half-moon mouth representing its yua (literally “its person”) or its inwardness. The yua is also represented by the addition of the palmed paws of the otter, as well as legs and hands. The yua, thought to be immortal, perpetually reincarnates in human form through masks. The arched shape surrounding the animal spirit represents the outside world. As for the hands with truncated thumbs, these attest to the power of the spirit with which they are associated. Two mobile pieces in the effigy of a salmon are fastened to the body of the animal spirit.
This type of mask was used in ritual performances during which humans entered into communication with animal spirits, exhorting them to satisfy the people’s needs by providing them with abundant game. For the Yupiit people, the sounds made by the mobile pieces of the masks and other accessories during the dances were intended to attract the attention of the spirits that the hunters sought to contact.
This mask, which joined the collections of the National Museum of the American Indian in 1916, was sold by George Heye, the museum’s founder, to the Parisian trader Charles Ratton in 1935. It is part of an array of Yup’ik masks and other masks from the northwest coast that Ratton purchased in New York City at the African Negro Art exhibition at the Museum of Modern Art, for which he had been one of the principal lenders. This collection of objects was presented to the French public at the Charles Ratton gallery for the Masques et ivoires anciens de l’Alaska et de la côte nord-ouest de l’Amérique exhibition in July 1935. Bearing the label “Grand masque eskimo, Anvik, rivière Yukon” (“Large Eskimo mask, Anvik, Yukon River”), the piece was again displayed alongside works by Picasso, Arp and Duchamp (Cliché in Ottinger, 2013, p. 78), as well as four other Yup’ik masks, in May 1936. This took place at the Ratton gallery for the Exposition surréaliste d’objets, and was managed by the poet and founder of the Surrealist movement, André Breton. That was the first time that Yup’ik masks were recognised as a contribution to the Surrealist view of the world. Composite works that reveal the art of assembly, these complex masks - born of visions and dreams - show a great freedom of invention, which the Surrealists saw as the primary source of poetic and artistic creation.