Lot Essay
Cette composition monumentale, savamment composée, frappe par son ampleur et sa théâtralité. Un petit putto, en en haut à gauche, nous en dévoile la scène en levant gracieusement un lourd et soyeux pan de rideau rouge : Danaé, enfermée dans une tour de bronze par son père Acrisios, roi d’Argos, est allongée sur son matelas, un bras appuyé sur un imposant oreiller. Tirée de son sommeil par une mystérieuse pluie d’or, son regard est porté, tout comme celui de sa servante, sur cette étrange manifestation divine par le biais de laquelle le roi de l’Olympe, Zeus, parvint à s’unir à la belle Danaé et à lui engendrer un fils, Persée.
Il s’agit d’un des tableaux mythologiques les plus imposants de l’œuvre du peintre français Louis de Boullogne le Vieux (1609-1674), père de la célèbre fratrie de peintres – Bon (1649-1717), Louis (1654-1733), Geneviève (1645-1708) et Madeleine (1646-1710). Après des attributions successives à Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681) par Charles Sterling (1901-1991) – dont l’œuvre était alors mal connu – puis à Jacques Blanchard (1600-1638) – dont Boullogne le Vieux avait été l’élève –, notre tableau a été rendu à Boullogne le Vieux en 1994 (G. Kazerouni, B. Brejon de Lavergnée, J. Delaplanche, op. cit., p. 54, sous la note 7), attribution qui lui fut également donnée lors de son exposition au Museum für Angewandte Kunst de Francfort en 2004.
Nous notons dans notre tableau la représentation particulièrement habile des drapés, avec une mention particulière pour le drapé mouillé recouvrant le corps de Danaé, le traitement de la pesanteur du rideau et des plis du traversin. Ce dernier élément nous rappelle la composition d’Eustache Le Sueur (1617-1655) dépeignant Vénus endormie surprise par l’Amour (San Francisco, palais californien de la Légion d’honneur) (A. Brejon de Lavergnée, André Charles Boulle, 1642-1732. Un nouveau style pour l’Europe, [cat. exp.], Francfort, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, 2009-2010, p. 414). Au sujet des drapés, on ne peut s’empêcher de citer Louis de Boullogne le Vieux lui-même qui, dans le cadre d’une conférence de l’Académie royale sur la Vierge au lapin du Titien (vers 1488-1490-1576) : ‘Le sculpteur craint que des draperies amples n’embarrassent ses figures et n’en cachent les proportions par de grosses masses de pierre ? Au contraire, le peintre affecte ordinairement que les plis de ses draperies soient larges, pour servir à l’union des couleurs et des groupes, pour donner plus ou moins de reliefs à ses figures, pour remplir des espaces vides et pour plusieurs autres utilités […]’ (G. Guillet de Saint-Georges, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, 1854, I, pp. 195-204).
Nous retrouvons les amours animant agréablement la scène, à droite de notre tableau, au pied du lit de Danaé, dans une autre composition du peintre, Samson et Dalila, vendue chez Christie’s à Paris le 27 novembre 2002, lot 34. Tandis que l’un des putti semble jouer avec un bout de chaîne dorée, l’autre demande à son compagnon – ainsi qu’au spectateur du tableau – le silence. Pourquoi donc ? Afin de ne pas déranger la belle Danaé, étendue sur un matelas dans sa tour de bronze fermée et inaccessible, qui a soudainement été tirée de son sommeil ? Ou bien plutôt pour attirer l’attention sur l’intervention divine, énième subterfuge du dieu Zeus pour s’unir à une mortelle dont il s’était épris ?
Une autre question persiste : dans quelle contexte cette œuvre aurait-elle été peinte ? Pour répondre à la commande de quel commanditaire ? Dans la biographie très documentée du peintre par Guillet de Saint-Georges (1624-1705), premier historiographe de l’Académie royale de peinture et de sculpture, une remarque de l’auteur peut renvoyer, selon Brejon de Lavergnée (A. Brejon de Lavergnée, op. cit., pp. 414-415), au fait que notre tableau ornait probablement un distingué cabinet d’amateur : ‘Pendant ce travail [l’activité de copiste] un grand nombre de personnalités distinguées venaient visiter familièrement M. Boulogne entre autres M. le marquis de Liancourt, M. le marquis de Sourdis, M. le marquis de Mortemart, Monsieur l’évêque de Tarbes et M. de la Vrillière. Il n’y eut pas l’un d’eux qui ne le favorisât de son amitié et qui ne lui fît faire des tableaux de Cabinet qu’on regarde tous avec estime’ (G. Guillet de Saint-Georges, op. cit., pp. 195-204).
En raison des références à Blanchard (1600-1638) et à Le Sueur, Brejon de Lavergnée avance que notre œuvre peut être datée relativement tôt dans le corpus du peintre.
Il s’agit d’un des tableaux mythologiques les plus imposants de l’œuvre du peintre français Louis de Boullogne le Vieux (1609-1674), père de la célèbre fratrie de peintres – Bon (1649-1717), Louis (1654-1733), Geneviève (1645-1708) et Madeleine (1646-1710). Après des attributions successives à Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681) par Charles Sterling (1901-1991) – dont l’œuvre était alors mal connu – puis à Jacques Blanchard (1600-1638) – dont Boullogne le Vieux avait été l’élève –, notre tableau a été rendu à Boullogne le Vieux en 1994 (G. Kazerouni, B. Brejon de Lavergnée, J. Delaplanche, op. cit., p. 54, sous la note 7), attribution qui lui fut également donnée lors de son exposition au Museum für Angewandte Kunst de Francfort en 2004.
Nous notons dans notre tableau la représentation particulièrement habile des drapés, avec une mention particulière pour le drapé mouillé recouvrant le corps de Danaé, le traitement de la pesanteur du rideau et des plis du traversin. Ce dernier élément nous rappelle la composition d’Eustache Le Sueur (1617-1655) dépeignant Vénus endormie surprise par l’Amour (San Francisco, palais californien de la Légion d’honneur) (A. Brejon de Lavergnée, André Charles Boulle, 1642-1732. Un nouveau style pour l’Europe, [cat. exp.], Francfort, Museum für Angewandte Kunst Frankfurt, 2009-2010, p. 414). Au sujet des drapés, on ne peut s’empêcher de citer Louis de Boullogne le Vieux lui-même qui, dans le cadre d’une conférence de l’Académie royale sur la Vierge au lapin du Titien (vers 1488-1490-1576) : ‘Le sculpteur craint que des draperies amples n’embarrassent ses figures et n’en cachent les proportions par de grosses masses de pierre ? Au contraire, le peintre affecte ordinairement que les plis de ses draperies soient larges, pour servir à l’union des couleurs et des groupes, pour donner plus ou moins de reliefs à ses figures, pour remplir des espaces vides et pour plusieurs autres utilités […]’ (G. Guillet de Saint-Georges, Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, 1854, I, pp. 195-204).
Nous retrouvons les amours animant agréablement la scène, à droite de notre tableau, au pied du lit de Danaé, dans une autre composition du peintre, Samson et Dalila, vendue chez Christie’s à Paris le 27 novembre 2002, lot 34. Tandis que l’un des putti semble jouer avec un bout de chaîne dorée, l’autre demande à son compagnon – ainsi qu’au spectateur du tableau – le silence. Pourquoi donc ? Afin de ne pas déranger la belle Danaé, étendue sur un matelas dans sa tour de bronze fermée et inaccessible, qui a soudainement été tirée de son sommeil ? Ou bien plutôt pour attirer l’attention sur l’intervention divine, énième subterfuge du dieu Zeus pour s’unir à une mortelle dont il s’était épris ?
Une autre question persiste : dans quelle contexte cette œuvre aurait-elle été peinte ? Pour répondre à la commande de quel commanditaire ? Dans la biographie très documentée du peintre par Guillet de Saint-Georges (1624-1705), premier historiographe de l’Académie royale de peinture et de sculpture, une remarque de l’auteur peut renvoyer, selon Brejon de Lavergnée (A. Brejon de Lavergnée, op. cit., pp. 414-415), au fait que notre tableau ornait probablement un distingué cabinet d’amateur : ‘Pendant ce travail [l’activité de copiste] un grand nombre de personnalités distinguées venaient visiter familièrement M. Boulogne entre autres M. le marquis de Liancourt, M. le marquis de Sourdis, M. le marquis de Mortemart, Monsieur l’évêque de Tarbes et M. de la Vrillière. Il n’y eut pas l’un d’eux qui ne le favorisât de son amitié et qui ne lui fît faire des tableaux de Cabinet qu’on regarde tous avec estime’ (G. Guillet de Saint-Georges, op. cit., pp. 195-204).
En raison des références à Blanchard (1600-1638) et à Le Sueur, Brejon de Lavergnée avance que notre œuvre peut être datée relativement tôt dans le corpus du peintre.