Lot Essay
par François Neyt
[Ici, la beauté transcendante de la figure est relayée par un naturalisme idéalisé. La pièce est harmonieusement composée de détails élégants, notamment les clavicules délicates, le nez long et gracieux et la barbe soigneusement sculptée. Une légère asymétrie au niveau des épaules suggère le mouvement, conférant à l'oeuvre un caractère vivant
Cette étonnante figure a appartenu à Pierre Dartevelle, marchand, érudit et icône de l'art africain, qui s'est efforcé tout au long de sa vie de promouvoir le patrimoine artistique et ancestral de l'Afrique. Avant 1914, très peu de figurines Hemba étaient inventoriées dans les musées et les collections privées. Ce n'est qu'au milieu du XXe siècle que la statuaire Hemba a été « découverte » et appréciée en Europe, grâce à des personnalités telles que Dartevelle. Il a joué un rôle fondamental en attirant l'attention des marchands et des collectionneurs privés européens sur l'art Hemba, en soulignant les qualités esthétiques frappantes et la valeur artistique et culturelle qu'il représente encore aujourd'hui.]
L’effigie d’ancêtre masculin à l'allure forte et musclée - du haut de ses 66 centimètres - est en posture debout, les mains sur le ventre. Taillée dans un bois lourd, probablement du Chlorophora excelsa, elle est recouverte d’une patine noire laquée, aux surfaces légèrement croûteuses. Le visage ovoïde a le front dégagé, l’arcade sourcilière est soulignée sur de profondes cavités oculaires, les yeux sont étirés en amande. Le nez aquilin est droit ; le philtre nasal est délicatement incurvé au-dessus d’une bouche entrouverte aux lèvres curvilignes et charnues. Le diadème frontal surélevé est lisse et ensuite décoré de quatre rainures courbes. La coiffure ample en une large coque tendue vers l’arrière s’achève en un plan circulaire noué par un nœud central. À l’extrémité du diadème, le pavillon de l’oreille est ample, le tragus en relief. Le collier de barbe se compose de trois rangées de petits losanges en relief. Le cou massif et cylindrique repose sur le plan épannelé des épaules et légèrement tourné vers l’avant. La courbe des clavicules est nettement découpée tandis que le creux sus-sternal entame le cou et descend verticalement de la gorge entre le volume puissant du thorax. Le ventre est bulbeux s’élargissant délicatement autour de la zone ombilicale. Les bras musclés, écartés du tronc, déposent harmonieusement la paume des mains autour de la zone ombilicale décorée d’une minuscule sphère. Celle-ci indique que l’ancêtre veille sur les siens. Le mot difu signifie à la fois le ventre et le segment de clan sur lequel l’ancêtre veille.
Le dynamisme et la qualité du dos transparaissent dans le modelé des épaules, le relief des omoplates découpé avec soin ainsi que le creux de la colonne vertébrale. Le bassin et les membres inférieurs sont revêtus d’un pagne, les pieds sculptés en raquette aux cinq doigts de pieds reposent sur un socle rond et plat.
Plusieurs effigies d’ancêtres dont les caractéristiques morphologiques se rapprochent de l’œuvre étudiée (traitement des clavicules et du creux sus-sternal) ont été acquises au sud de Mbulula, centre nucléal du style niembo méridional.1 Le centre le plus important du groupement Mahundu au sud-est du territoire niembo est le village Sayi, près de la rivière Lufutuka. Les proportions, l’eurythmie des volumes et la force de présence en font une effigie importante de la production hemba. De plus, il s’agit d’une œuvre ancienne, réalisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle, sinon plus tôt.
1 Neyt, F., La grande statuaire Hemba du Zaire, Louvain-la-Neuve, 1977, pp. 131-153 et 469, carte 77 (groupe III, style « Sayi »)
by François Ney
[Here, the transcendent beauty of the figure is relayed through an idealized naturalism. The piece is harmoniously composed of elegant details, including the delicate clavicles, the long, graceful nose, and the carefully carved beard. A slight degree of asymmetry in the shoulders suggests movement, further giving the piece a life-like quality.
This stunning figure once belonged to Pierre Dartevelle: dealer, scholar and icon of the field of African art, who throughout his life took an active interest in promoting the artistic and ancestral heritage of Africa. Prior to 1914, very few Hemba figures were inventoried in museums and private collections. Only by the mid-twentieth century was Hemba statuary “discovered” and appreciated in Europe, thanks to figures such as Dartevelle. He played the fundamental role of bringing Hemba art to the attention of European dealers and private collectors, emphasizing the striking aesthetic qualities and artistic and cultural value that it carries still today.]
The effigy of a male ancestor with a strong and muscular appearance, measuring 26 inches, is represented in a standing posture, with his hands on his stomach. Carved from a heavy wood, probably Chlorophora excelsa, it is covered with a black lacquered patina, featuring slightly crusty surfaces. The ovoid face has an open forehead, the arch of the eyebrows is underlined by deep eye sockets, and the eyes are almond-shaped. The aquiline nose is straight, while the nasal bridge is delicately curved above a half-open mouth with curvilinear and pulpous lips. The raised frontal diadem is smooth and decorated with four curved grooves. The bountiful hairstyle in a large shell stretched backwards ends in a circular plane tied with a central knot. At the end of the tiara, the auricle is wide, the tragus of the outer-ear in relief. The beard comprises three rows of small raised lozenges. The massive and cylindrical neck rests on the shoulder plane and is slightly turned forward. The curve of the clavicles is clearly cut while the supersternal hollow begins at the neck and descends vertically from the throat between the powerful volume of the thorax. The belly is bulbous and widens delicately around the umbilical zone. The muscular arms, stretching outwards from the trunk, harmoniously place the palm of the hands around the umbilical zone decorated with a tiny sphere. This indicates that the ancestor is keeping watch over his family. The word difu means both the belly and the clan segment over which the ancestor watches.
The dynamism and the quality of the back are reflected in the shape of the shoulders, the relief of the shoulder blades cut out with care as well as the hollow of the spine. The pelvis and the lower limbs are covered with a loincloth, the feet sculpted in the shape of a five-toe racket rest on a round and flat base.
Several effigies of ancestors, whose morphological characteristics are similar to the work studied here (treatment of the clavicles and supra-sternal hollow), were acquired south of Mbulula, the nucleus of the southern Niembo style.1 The most important center of the Mahundu grouping in southeastern Niembo territory is the village of Sayi, near the Lufutuka River. The proportions, the eurhythmics of the volumes and the strength of its presence make it an important effigy of the hemba production. Moreover, it is an ancient work, created in the second half of the 19th century, if not earlier.
1 Neyt, F., La grande statuaire Hemba du Zaire, Louvain-la-Neuve, 1977, pp. 131-153 and 469, map 77 (group III, "Sayi" style)
[Ici, la beauté transcendante de la figure est relayée par un naturalisme idéalisé. La pièce est harmonieusement composée de détails élégants, notamment les clavicules délicates, le nez long et gracieux et la barbe soigneusement sculptée. Une légère asymétrie au niveau des épaules suggère le mouvement, conférant à l'oeuvre un caractère vivant
Cette étonnante figure a appartenu à Pierre Dartevelle, marchand, érudit et icône de l'art africain, qui s'est efforcé tout au long de sa vie de promouvoir le patrimoine artistique et ancestral de l'Afrique. Avant 1914, très peu de figurines Hemba étaient inventoriées dans les musées et les collections privées. Ce n'est qu'au milieu du XXe siècle que la statuaire Hemba a été « découverte » et appréciée en Europe, grâce à des personnalités telles que Dartevelle. Il a joué un rôle fondamental en attirant l'attention des marchands et des collectionneurs privés européens sur l'art Hemba, en soulignant les qualités esthétiques frappantes et la valeur artistique et culturelle qu'il représente encore aujourd'hui.]
L’effigie d’ancêtre masculin à l'allure forte et musclée - du haut de ses 66 centimètres - est en posture debout, les mains sur le ventre. Taillée dans un bois lourd, probablement du Chlorophora excelsa, elle est recouverte d’une patine noire laquée, aux surfaces légèrement croûteuses. Le visage ovoïde a le front dégagé, l’arcade sourcilière est soulignée sur de profondes cavités oculaires, les yeux sont étirés en amande. Le nez aquilin est droit ; le philtre nasal est délicatement incurvé au-dessus d’une bouche entrouverte aux lèvres curvilignes et charnues. Le diadème frontal surélevé est lisse et ensuite décoré de quatre rainures courbes. La coiffure ample en une large coque tendue vers l’arrière s’achève en un plan circulaire noué par un nœud central. À l’extrémité du diadème, le pavillon de l’oreille est ample, le tragus en relief. Le collier de barbe se compose de trois rangées de petits losanges en relief. Le cou massif et cylindrique repose sur le plan épannelé des épaules et légèrement tourné vers l’avant. La courbe des clavicules est nettement découpée tandis que le creux sus-sternal entame le cou et descend verticalement de la gorge entre le volume puissant du thorax. Le ventre est bulbeux s’élargissant délicatement autour de la zone ombilicale. Les bras musclés, écartés du tronc, déposent harmonieusement la paume des mains autour de la zone ombilicale décorée d’une minuscule sphère. Celle-ci indique que l’ancêtre veille sur les siens. Le mot difu signifie à la fois le ventre et le segment de clan sur lequel l’ancêtre veille.
Le dynamisme et la qualité du dos transparaissent dans le modelé des épaules, le relief des omoplates découpé avec soin ainsi que le creux de la colonne vertébrale. Le bassin et les membres inférieurs sont revêtus d’un pagne, les pieds sculptés en raquette aux cinq doigts de pieds reposent sur un socle rond et plat.
Plusieurs effigies d’ancêtres dont les caractéristiques morphologiques se rapprochent de l’œuvre étudiée (traitement des clavicules et du creux sus-sternal) ont été acquises au sud de Mbulula, centre nucléal du style niembo méridional.1 Le centre le plus important du groupement Mahundu au sud-est du territoire niembo est le village Sayi, près de la rivière Lufutuka. Les proportions, l’eurythmie des volumes et la force de présence en font une effigie importante de la production hemba. De plus, il s’agit d’une œuvre ancienne, réalisée dans la deuxième moitié du XIXe siècle, sinon plus tôt.
1 Neyt, F., La grande statuaire Hemba du Zaire, Louvain-la-Neuve, 1977, pp. 131-153 et 469, carte 77 (groupe III, style « Sayi »)
by François Ney
[Here, the transcendent beauty of the figure is relayed through an idealized naturalism. The piece is harmoniously composed of elegant details, including the delicate clavicles, the long, graceful nose, and the carefully carved beard. A slight degree of asymmetry in the shoulders suggests movement, further giving the piece a life-like quality.
This stunning figure once belonged to Pierre Dartevelle: dealer, scholar and icon of the field of African art, who throughout his life took an active interest in promoting the artistic and ancestral heritage of Africa. Prior to 1914, very few Hemba figures were inventoried in museums and private collections. Only by the mid-twentieth century was Hemba statuary “discovered” and appreciated in Europe, thanks to figures such as Dartevelle. He played the fundamental role of bringing Hemba art to the attention of European dealers and private collectors, emphasizing the striking aesthetic qualities and artistic and cultural value that it carries still today.]
The effigy of a male ancestor with a strong and muscular appearance, measuring 26 inches, is represented in a standing posture, with his hands on his stomach. Carved from a heavy wood, probably Chlorophora excelsa, it is covered with a black lacquered patina, featuring slightly crusty surfaces. The ovoid face has an open forehead, the arch of the eyebrows is underlined by deep eye sockets, and the eyes are almond-shaped. The aquiline nose is straight, while the nasal bridge is delicately curved above a half-open mouth with curvilinear and pulpous lips. The raised frontal diadem is smooth and decorated with four curved grooves. The bountiful hairstyle in a large shell stretched backwards ends in a circular plane tied with a central knot. At the end of the tiara, the auricle is wide, the tragus of the outer-ear in relief. The beard comprises three rows of small raised lozenges. The massive and cylindrical neck rests on the shoulder plane and is slightly turned forward. The curve of the clavicles is clearly cut while the supersternal hollow begins at the neck and descends vertically from the throat between the powerful volume of the thorax. The belly is bulbous and widens delicately around the umbilical zone. The muscular arms, stretching outwards from the trunk, harmoniously place the palm of the hands around the umbilical zone decorated with a tiny sphere. This indicates that the ancestor is keeping watch over his family. The word difu means both the belly and the clan segment over which the ancestor watches.
The dynamism and the quality of the back are reflected in the shape of the shoulders, the relief of the shoulder blades cut out with care as well as the hollow of the spine. The pelvis and the lower limbs are covered with a loincloth, the feet sculpted in the shape of a five-toe racket rest on a round and flat base.
Several effigies of ancestors, whose morphological characteristics are similar to the work studied here (treatment of the clavicles and supra-sternal hollow), were acquired south of Mbulula, the nucleus of the southern Niembo style.1 The most important center of the Mahundu grouping in southeastern Niembo territory is the village of Sayi, near the Lufutuka River. The proportions, the eurhythmics of the volumes and the strength of its presence make it an important effigy of the hemba production. Moreover, it is an ancient work, created in the second half of the 19th century, if not earlier.
1 Neyt, F., La grande statuaire Hemba du Zaire, Louvain-la-Neuve, 1977, pp. 131-153 and 469, map 77 (group III, "Sayi" style)