Lot Essay
Chef-d’œuvre de Gouthière exécutée en 1781, cette paire de piédestaux est un émouvant témoignage d’une commande majeure de Louise-Jeanne de Dufort de Duras, duchesse de Mazarin, pour le grand salon de son hôtel particulier du quai Malaquais. Sans doute sur les conseils de son ex-beau-frère le duc d’Aumont, elle confia sa décoration à François-Joseph Bélanger en 1774. Mais son rôle auprès du comte d’Artois dont il était devenu le « premier architecte » le conduisit à déléguer les travaux à François-Thérèse Chalgrin.
Les travaux d’embellissement du salon comprenait une spectaculaire commande en marbre bleu turquin taillé par Jacques Adan et orné de bronze ciselé et doré par Pierre Gouthière comprenant une cheminée, une table console et notre paire de piédestaux. Ce salon s’étendait en longueur entre cour et jardin , éclairé par deux fenêtres. Chaque mur du salon devait recevoir en son centre un élément en marbre bleu turquin. La magnifique table console sous un trumeau de glace sur le mur long à l’est est aujourd’hui conservée à la Frick Collection, New York, (inv. 15.5.59). Le mémoire de Gouthière, daté de 1781, décrit minutieusement la table, originellement conçue avec les chiffres de sa propriétaire sur les côtés. Cette table faisait face à une cheminée ornée de faunesses, modelée par Jean Joseph Foucou, également conservée par la suite dans les collections Rothschild au château de Ferrières. Enfin entre les fenêtres se trouvaient nos deux piédestaux.
Jacques Adan (vers 1723-1795)
Jacques Adan (ou Adam) reçu maître sculpteur en 1746 était membre d’une importante famille de marbriers du roi. Il était l’aîné des cinq fils de Jean, marbrier du duc d’Orléans. Il reprit le métier paternel et demeura rue des Filles du Calvaire et après 1773 rue Popincourt. Plus marbrier que sculpteur il collabora avec les meilleurs artistes à de nombreux hôtels et édifices religieux. Gouthière reçut les piédestaux le 30 octobre 1779 de Jacques Adan. Il fallut quinze mois au ciseleur-doreur du roi pour terminer ces meubles extraordinaires puisqu’ils furent installés le 14 mars 1781, soit trois jours avant le décès de la duchesse de Mazarin. Gouthière estimait son travail à 29 734 livres, mais n’ayant pas encore été payé à la mort de la duchesse, il ne reçut que 24 300 livres après le rapport d’expertise des bronziers François Rémond et Etienne Martincourt. Les piédestaux avaient été conçus pour recevoir des groupes de femmes sculptés en marbre blanc par Jean-Joseph Foucou. Ils devaient soutenir un trépied en bronze doré, qui formait une girandole à neuf lumières, ainsi qu’une pendule de Lepaute dans un vase de Sèvres. Toutes ces réalisations n’ont pas vu le jour à cause de la mort de la duchesse.
Pierre Gouthière, ciseleur-doreur du roi
Formé successivement par le doreur François Ceriset et François-Thomas Germain à la dorure et ciselure sur or et argent, Pierre Gouthière (1732-1813) perfectionne la technique de bronze pour la porter à son apogée du traitement naturaliste qu’affectionne tout particulièrement une clientèle puissante et riche. Gouthière, d’autant plus depuis les incroyables études et expositions dont il a fait l’objet en 2017 conjointement à Paris (musée des Arts Décoratifs), Londres (Wallace Collection) et à New York (Frick Collection) rejoint Boulle, Cressent, Riesener au Panthéon des arts décoratifs du XVIIIe siècle.
L’activité de Gouthière est particulièrement prolifique et ce, jusqu’à la Révolution. Figure incontournable de son époque, Ledoux pour Louveciennes, Bélanger pour Bagatelle font appel à son savoir-faire inégalé pour les demeures respectives de Madame Du Barry et du comte d’Artois – dont il est le ciseleur-doreur à partir de 1775. Parmi ses très nombreux chantiers incontournables citons entre autres ses réalisations pour le duc d’Aumont pour qui il créera de nombreuses montures exceptionnelles, ou encore pour la duchesse Mazarin pour qui il confectionnera une spectaculaire paire d’appliques en carquois aujourd’hui au Louvre (inv. OA 11995-96).
Le destin des piédestaux au XIXe et XXe siècle
Après une tentative de vente infructueuse au baron de Castellet, ils furent vendus au marquis de Juigné en mars 1795 avec l’hôtel. Ils y restèrent probablement jusqu’à sa destruction en 1845. Les éléments décoratifs furent alors dispersés et les meilleurs d’entre eux comme la cheminée et les piédestaux furent placés dans le grand salon « Louis XVI » au château de Ferrières. Ils apparaissent sur une aquarelle d’Eugène Lami vers 1865. Nos deux piédestaux étaient légèrement différents en taille à l’origine à cause des trumeaux inégaux du salon et ont été légèrement modifiés et ramenés à dimensions similaires. Ils sont restés par la suite dans la famille jusqu’à nos jours.
A masterpiece produced by Gouthière in 1781, this pair of pedestals is the awe-inspiring result of a major commission from Louise-Jeanne de Dufort de Duras, Duchess of Mazarin, for the grand salon (great hall) at her private mansion on the Quai Malaquais. in 1774, she commissioned François-Joseph Bélanger to decorate them, most likely on the advice of her former brother-in-law, the Duke d’Aumont. However, his duties to the Comte d’Artois, for whom he had become “chief architect”, led him to delegate the work to François-Thérèse Chalgrin.
The work to furnish the salon included a spectacular commission in turquin blue marble, cut by Jacques Adan and adorned with chased and gilded bronze by Pierre Gouthière. It comprised a fireplace, a console table, and this pair of pedestals. The salon extended lengthways between the courtyard and the garden, and was illuminated by two windows. Each of the salon’s walls features a central element in turquin blue marble. The magnificent console table, which was placed under a mirror overmantel on the long east wall, is now held at the Frick Collection, New York (15.5.59). Gouthière’s records, dated 1781, describe the table in detail. It was originally designed to include the owner’s initials on the sides. This table faced a chimneypiece decorated with faunesses, produced by Jean Joseph Foucou, which later formed part of the Rothschild collections at Château de Ferrières. Finally, between the windows stood these two pedestals.
Jacques Adan (circa 1723-1795)
Jacques Adan (or Adam) was awarded the title of Master Sculptor in 1746, and was a member of a prominent family of
marble masons in the employ of the King. He was the eldest of five sons, and his father Jean was marble mason to the Duke of Orléans. He took over his father’s trade and lived on Rue des Filles du Calvaire and later, from 1773, on Rue Popincourt. More of a marble mason than a sculptor, he joined forces with the leading artists of his day to produce works for numerous mansions and religious buildings. Gouthière took receipt of the pedestals from Jacques Adan on 30 October 1779. It took the King’s chaser and gilder fifteen months to complete these extraordinary pieces, which were installed on 14 March 1781, just three days before the death of the Duchess of Mazarin. Gouthière estimated his work at 29,734 livres, but as he had not yet been paid at the time of the duchess’s death, he was only paid 24,300 livres, according to the valuation report carried out by the bronze gilders François Rémond and Etienne Martincourt. The pedestals were designed to hold groupings of female figures, sculpted in white marble by Jean-Joseph Foucou. They were intended to support a gilded bronze stand, forming a nine-light girandole (an ornamental branched candlestick), as well as a Lepaute clock set within a Sèvres vase. Due to the duchess’s death, none of these pieces were ultimately produced.
Pierre Gouthière, the King’s chaser and gilder
Trained in gilding and chasing on gold and silver by the gilder François Ceriset, and then by François-Thomas Germain, Pierre Gouthière (1732-1813) perfected the bronze technique and brought it to its pinnacle with the naturalistic detail of his decorative treatment, which was particularly favoured by a powerful and wealthy clientele. Gouthière joins Boulle, Cressent and Riesener in the pantheon of 18th century decorative arts, all the more so since 2017, when he was the subject of a remarkable coordinated series of studies and exhibitions, held in Paris (at the Musée des Arts Décoratifs), London (Wallace Collection) and New York (Frick Collection).
Gouthière’s work was particularly prolific, up until the French Revolution. A key figure of his time, Ledoux called on Gouthière’s unrivalled expertise for the residence of Madame Du Barry at the Château de Louveciennes, as did Bélanger for the Château de Bagatelle, the residence of the Comte d’Artois – for whom he was the chaser and gilder from 1775 onwards. Among his many projects of unsurpassed brilliance are his work for the Duke d’Aumont, for whom he created a number of exceptional mounts, and for the Duchess of Mazarin, for whom he made a spectacular pair of quiver-shaped sconces that are now held at the Louvre (inv. OA 11995-96).
The fate of the pedestals in the 19th and 20th centuries
After an unsuccessful attempt to sell the pedestals to the Baron de Castellet, they were acquired by the Marquis de Juigné in March 1795, along with the mansion. They most likely remained there until it was destroyed in 1845. The decorative pieces were then dispersed, and the finest of them, such as the fireplace and pedestals, were placed in the “Louis XVI” Grand Salon at the Château de Ferrières. They appear in a watercolour by Eugène Lami from around 1865. These two pedestals were originally slightly different in size, because of the uneven overmantels in the salon, and were slightly modified and resized to similar dimensions. They have remained in the family to this day.
Les travaux d’embellissement du salon comprenait une spectaculaire commande en marbre bleu turquin taillé par Jacques Adan et orné de bronze ciselé et doré par Pierre Gouthière comprenant une cheminée, une table console et notre paire de piédestaux. Ce salon s’étendait en longueur entre cour et jardin , éclairé par deux fenêtres. Chaque mur du salon devait recevoir en son centre un élément en marbre bleu turquin. La magnifique table console sous un trumeau de glace sur le mur long à l’est est aujourd’hui conservée à la Frick Collection, New York, (inv. 15.5.59). Le mémoire de Gouthière, daté de 1781, décrit minutieusement la table, originellement conçue avec les chiffres de sa propriétaire sur les côtés. Cette table faisait face à une cheminée ornée de faunesses, modelée par Jean Joseph Foucou, également conservée par la suite dans les collections Rothschild au château de Ferrières. Enfin entre les fenêtres se trouvaient nos deux piédestaux.
Jacques Adan (vers 1723-1795)
Jacques Adan (ou Adam) reçu maître sculpteur en 1746 était membre d’une importante famille de marbriers du roi. Il était l’aîné des cinq fils de Jean, marbrier du duc d’Orléans. Il reprit le métier paternel et demeura rue des Filles du Calvaire et après 1773 rue Popincourt. Plus marbrier que sculpteur il collabora avec les meilleurs artistes à de nombreux hôtels et édifices religieux. Gouthière reçut les piédestaux le 30 octobre 1779 de Jacques Adan. Il fallut quinze mois au ciseleur-doreur du roi pour terminer ces meubles extraordinaires puisqu’ils furent installés le 14 mars 1781, soit trois jours avant le décès de la duchesse de Mazarin. Gouthière estimait son travail à 29 734 livres, mais n’ayant pas encore été payé à la mort de la duchesse, il ne reçut que 24 300 livres après le rapport d’expertise des bronziers François Rémond et Etienne Martincourt. Les piédestaux avaient été conçus pour recevoir des groupes de femmes sculptés en marbre blanc par Jean-Joseph Foucou. Ils devaient soutenir un trépied en bronze doré, qui formait une girandole à neuf lumières, ainsi qu’une pendule de Lepaute dans un vase de Sèvres. Toutes ces réalisations n’ont pas vu le jour à cause de la mort de la duchesse.
Pierre Gouthière, ciseleur-doreur du roi
Formé successivement par le doreur François Ceriset et François-Thomas Germain à la dorure et ciselure sur or et argent, Pierre Gouthière (1732-1813) perfectionne la technique de bronze pour la porter à son apogée du traitement naturaliste qu’affectionne tout particulièrement une clientèle puissante et riche. Gouthière, d’autant plus depuis les incroyables études et expositions dont il a fait l’objet en 2017 conjointement à Paris (musée des Arts Décoratifs), Londres (Wallace Collection) et à New York (Frick Collection) rejoint Boulle, Cressent, Riesener au Panthéon des arts décoratifs du XVIIIe siècle.
L’activité de Gouthière est particulièrement prolifique et ce, jusqu’à la Révolution. Figure incontournable de son époque, Ledoux pour Louveciennes, Bélanger pour Bagatelle font appel à son savoir-faire inégalé pour les demeures respectives de Madame Du Barry et du comte d’Artois – dont il est le ciseleur-doreur à partir de 1775. Parmi ses très nombreux chantiers incontournables citons entre autres ses réalisations pour le duc d’Aumont pour qui il créera de nombreuses montures exceptionnelles, ou encore pour la duchesse Mazarin pour qui il confectionnera une spectaculaire paire d’appliques en carquois aujourd’hui au Louvre (inv. OA 11995-96).
Le destin des piédestaux au XIXe et XXe siècle
Après une tentative de vente infructueuse au baron de Castellet, ils furent vendus au marquis de Juigné en mars 1795 avec l’hôtel. Ils y restèrent probablement jusqu’à sa destruction en 1845. Les éléments décoratifs furent alors dispersés et les meilleurs d’entre eux comme la cheminée et les piédestaux furent placés dans le grand salon « Louis XVI » au château de Ferrières. Ils apparaissent sur une aquarelle d’Eugène Lami vers 1865. Nos deux piédestaux étaient légèrement différents en taille à l’origine à cause des trumeaux inégaux du salon et ont été légèrement modifiés et ramenés à dimensions similaires. Ils sont restés par la suite dans la famille jusqu’à nos jours.
A masterpiece produced by Gouthière in 1781, this pair of pedestals is the awe-inspiring result of a major commission from Louise-Jeanne de Dufort de Duras, Duchess of Mazarin, for the grand salon (great hall) at her private mansion on the Quai Malaquais. in 1774, she commissioned François-Joseph Bélanger to decorate them, most likely on the advice of her former brother-in-law, the Duke d’Aumont. However, his duties to the Comte d’Artois, for whom he had become “chief architect”, led him to delegate the work to François-Thérèse Chalgrin.
The work to furnish the salon included a spectacular commission in turquin blue marble, cut by Jacques Adan and adorned with chased and gilded bronze by Pierre Gouthière. It comprised a fireplace, a console table, and this pair of pedestals. The salon extended lengthways between the courtyard and the garden, and was illuminated by two windows. Each of the salon’s walls features a central element in turquin blue marble. The magnificent console table, which was placed under a mirror overmantel on the long east wall, is now held at the Frick Collection, New York (15.5.59). Gouthière’s records, dated 1781, describe the table in detail. It was originally designed to include the owner’s initials on the sides. This table faced a chimneypiece decorated with faunesses, produced by Jean Joseph Foucou, which later formed part of the Rothschild collections at Château de Ferrières. Finally, between the windows stood these two pedestals.
Jacques Adan (circa 1723-1795)
Jacques Adan (or Adam) was awarded the title of Master Sculptor in 1746, and was a member of a prominent family of
marble masons in the employ of the King. He was the eldest of five sons, and his father Jean was marble mason to the Duke of Orléans. He took over his father’s trade and lived on Rue des Filles du Calvaire and later, from 1773, on Rue Popincourt. More of a marble mason than a sculptor, he joined forces with the leading artists of his day to produce works for numerous mansions and religious buildings. Gouthière took receipt of the pedestals from Jacques Adan on 30 October 1779. It took the King’s chaser and gilder fifteen months to complete these extraordinary pieces, which were installed on 14 March 1781, just three days before the death of the Duchess of Mazarin. Gouthière estimated his work at 29,734 livres, but as he had not yet been paid at the time of the duchess’s death, he was only paid 24,300 livres, according to the valuation report carried out by the bronze gilders François Rémond and Etienne Martincourt. The pedestals were designed to hold groupings of female figures, sculpted in white marble by Jean-Joseph Foucou. They were intended to support a gilded bronze stand, forming a nine-light girandole (an ornamental branched candlestick), as well as a Lepaute clock set within a Sèvres vase. Due to the duchess’s death, none of these pieces were ultimately produced.
Pierre Gouthière, the King’s chaser and gilder
Trained in gilding and chasing on gold and silver by the gilder François Ceriset, and then by François-Thomas Germain, Pierre Gouthière (1732-1813) perfected the bronze technique and brought it to its pinnacle with the naturalistic detail of his decorative treatment, which was particularly favoured by a powerful and wealthy clientele. Gouthière joins Boulle, Cressent and Riesener in the pantheon of 18th century decorative arts, all the more so since 2017, when he was the subject of a remarkable coordinated series of studies and exhibitions, held in Paris (at the Musée des Arts Décoratifs), London (Wallace Collection) and New York (Frick Collection).
Gouthière’s work was particularly prolific, up until the French Revolution. A key figure of his time, Ledoux called on Gouthière’s unrivalled expertise for the residence of Madame Du Barry at the Château de Louveciennes, as did Bélanger for the Château de Bagatelle, the residence of the Comte d’Artois – for whom he was the chaser and gilder from 1775 onwards. Among his many projects of unsurpassed brilliance are his work for the Duke d’Aumont, for whom he created a number of exceptional mounts, and for the Duchess of Mazarin, for whom he made a spectacular pair of quiver-shaped sconces that are now held at the Louvre (inv. OA 11995-96).
The fate of the pedestals in the 19th and 20th centuries
After an unsuccessful attempt to sell the pedestals to the Baron de Castellet, they were acquired by the Marquis de Juigné in March 1795, along with the mansion. They most likely remained there until it was destroyed in 1845. The decorative pieces were then dispersed, and the finest of them, such as the fireplace and pedestals, were placed in the “Louis XVI” Grand Salon at the Château de Ferrières. They appear in a watercolour by Eugène Lami from around 1865. These two pedestals were originally slightly different in size, because of the uneven overmantels in the salon, and were slightly modified and resized to similar dimensions. They have remained in the family to this day.