Lot Essay
Cette composition très rare est une représentation intelligente de l'Immaculée Conception de la Vierge, idée selon laquelle sa conception est divine et non pas physique. Cette doctrine la libère du péché originel, critère essentiel à son futur rôle de mère du Christ.
Aux XIIe et XIIIe siècles, les questions relatives à ce dogme sont devenues un élément clé du débat théologique. Cependant, ce n'est qu'au XVIe siècle que le sujet apparaît dans la peinture. Cette représentation tardive s'explique sans doute davantage par la difficulté de représenter un concept aussi abstrait que par la nature controversée du débat. Ce qui est aujourd'hui considéré comme l'iconographie traditionnelle de l'Immaculée Conception, la jeune Marie vêtue de bleu et de blanc avec douze étoiles autour de la tête, le soleil et la lune sous ses pieds et souvent debout sur un serpent pour symboliser son rôle de seconde Ève, n'évolue pleinement qu'au milieu du XVIIe siècle, lorsqu'elle est étroitement liée à la Contre-Réforme. Auparavant, les artistes s'inspiraient principalement des textes de l'Ancien Testament pour leur iconographie, notamment du Cantique des Cantiques, dont la protagoniste, la jeune Sulamite, était associée à la Vierge au Moyen Âge.
Le symbolisme complexe de la peinture de Pieter Claeissens l’Ancien (vers 1499/1500-1576) est presque entièrement tiré du Cantique des Cantiques. Les symboles sont intégrés au paysage avec une grande sophistication, bien que les inscriptions latines du texte biblique soient toujours incluses, permettant une plus grande accessibilité à la théologie sous-jacente. Cette forme de représentation s'est développée vers 1500 et fut diffusée par les gravures des livres d'heures. Dans ces gravures, la Vierge est simplement entourée de ses symboles, identifiés par des inscriptions sur des phylactères. Les premiers exemples de mise en scène des symboles mariaux dans un paysage se trouvent dans les manuscrits enluminés, comme le Bréviaire Grimani (fig. 1), auquel la peinture de Claeissens semble être redevable.
En haut de la présente composition, on peut voir Dieu le Père, accompagné des mots ‘TOTA PVLCRA ES AMICA MEA ET MACVLA NON EST IN TE’. Tiré du Cantique des Cantiques (4, 7), ce texte évoque la pureté de la Vierge : ‘Tu es toute belle, mon amour, il n'y a pas de tache en toi’. La figure de la Vierge, les yeux dirigés vers le bas, descend de Dieu vers la Terre, en passant entre le soleil et la lune, en-dessous desquels figurent les inscriptions ‘ELECTA VT SOL’ et ‘PVLCRA VT LVNA’, ‘lucide comme le soleil’ et ‘pur comme la lune’ (6, 10).
Le paysage ci-dessous se présente presque comme une carte. À droite, un bâtiment de style Renaissance porte le nom de ‘PORTA CELI’ (les ‘portes du ciel’), une référence au rêve de Jacob dans le Livre de la Genèse (28, 17), tandis qu'à gauche se dresse la ‘TVRRIS DAVID’ (la ‘Tour de David’). Cette dernière est à nouveau tirée du Cantique des Cantiques (4, 4). Marie est aussi entourée de deux arbres : à gauche, l'’OLIVA SPECIOSA’, l'olivier, ancien symbole de paix, et à droite, le ‘CEDRE EXALTATA IN LIBANO’ (‘un cèdre élevé au Liban’), une référence au livre apocryphe de l'Ecclésiaste (24,17). Derrière eux s'étend la ‘CIVITAS DEI’, la Cité de Dieu (Psaumes 87, 3).
Le symbolisme le plus intéressant, et celui que Claeissens semble prendre le plus de plaisir à détailler, se trouve peut-être au premier plan. Ici, la clôture rouge entoure un jardin dans lequel poussent des lys et des roses devant une fontaine. Les termes ‘ORTUS CONCLUSUS’ (‘jardin clos’) repris sur la clôture sont une référence bien connue du Cantique des Cantiques (4, 12) : ‘ma sœur, mon épouse, est un jardin clos’. Les lys sont étiquetés ‘SICUT LILIUM’, toujours d'après le Cantique des Cantiques (2, 2) : ‘Je suis [la rose de Sharon et] le lys des vallées’, tandis que la citation sous les roses ‘PLANTACIO ROSE’ provient du livre apocryphe de l'Ecclésiastique (24,18), et signifie simplement ‘une plantation de roses’. Les deux fleurs sont iconographiquement liées à la Vierge et sont considérées comme des symboles de sa vertu. La référence la plus directe à la pureté de Marie est cependant le miroir richement décoré en bas à gauche. Il s'agit du ‘SPECULVM SINE MACVLA’, le ‘miroir sans tache’ du Livre de la Sagesse (7, 26) : ‘Car elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté’. Enfin, la fontaine du jardin et le puits en bas à gauche sont tous deux tirés du même verset du Cantique des Cantiques : ‘Fontaine des jardins, puits des eaux vives et des ruisseaux du Liban’ (4, 15). A ces symboles sont associées les inscriptions ‘FONS ORTORVM’ et ‘PVTEVS AQVARVM’.
Lors de la vente de 1995, le présent tableau a été attribué à Ambrosius Benson (vers 1495/1500-1550), mais plusieurs éléments distincts plaident en faveur de Claeissens comme véritable auteur de l'œuvre, notamment l'architecture Renaissance qui apparaît régulièrement dans son œuvre mais qui est absente de celle de Benson. En outre, la physionomie de la Vierge, avec son visage allongé et son large front, est très représentative des modèles féminins des tableaux de Claeissens. Il en va de même pour les mains, dont les doigts sont démesurément longs. Enfin, les teintes du paysage sont typiques de l'artiste. Les roses et les beiges, les collines herbeuses ou sablonneuses vierges alternant avec des paysages raffinés et détaillés, ainsi que les rehauts de blanc dans les troncs d'arbres sont très caractéristiques. Il convient de noter qu'à un moment donné, la robe noire initiale de la Vierge a été repeinte en rouge et en bleu. Après la vente de 1995, il a été décidé de supprimer cet ajout et de rendre à Marie son élégante simplicité d'origine.
Aux XIIe et XIIIe siècles, les questions relatives à ce dogme sont devenues un élément clé du débat théologique. Cependant, ce n'est qu'au XVIe siècle que le sujet apparaît dans la peinture. Cette représentation tardive s'explique sans doute davantage par la difficulté de représenter un concept aussi abstrait que par la nature controversée du débat. Ce qui est aujourd'hui considéré comme l'iconographie traditionnelle de l'Immaculée Conception, la jeune Marie vêtue de bleu et de blanc avec douze étoiles autour de la tête, le soleil et la lune sous ses pieds et souvent debout sur un serpent pour symboliser son rôle de seconde Ève, n'évolue pleinement qu'au milieu du XVIIe siècle, lorsqu'elle est étroitement liée à la Contre-Réforme. Auparavant, les artistes s'inspiraient principalement des textes de l'Ancien Testament pour leur iconographie, notamment du Cantique des Cantiques, dont la protagoniste, la jeune Sulamite, était associée à la Vierge au Moyen Âge.
Le symbolisme complexe de la peinture de Pieter Claeissens l’Ancien (vers 1499/1500-1576) est presque entièrement tiré du Cantique des Cantiques. Les symboles sont intégrés au paysage avec une grande sophistication, bien que les inscriptions latines du texte biblique soient toujours incluses, permettant une plus grande accessibilité à la théologie sous-jacente. Cette forme de représentation s'est développée vers 1500 et fut diffusée par les gravures des livres d'heures. Dans ces gravures, la Vierge est simplement entourée de ses symboles, identifiés par des inscriptions sur des phylactères. Les premiers exemples de mise en scène des symboles mariaux dans un paysage se trouvent dans les manuscrits enluminés, comme le Bréviaire Grimani (fig. 1), auquel la peinture de Claeissens semble être redevable.
En haut de la présente composition, on peut voir Dieu le Père, accompagné des mots ‘TOTA PVLCRA ES AMICA MEA ET MACVLA NON EST IN TE’. Tiré du Cantique des Cantiques (4, 7), ce texte évoque la pureté de la Vierge : ‘Tu es toute belle, mon amour, il n'y a pas de tache en toi’. La figure de la Vierge, les yeux dirigés vers le bas, descend de Dieu vers la Terre, en passant entre le soleil et la lune, en-dessous desquels figurent les inscriptions ‘ELECTA VT SOL’ et ‘PVLCRA VT LVNA’, ‘lucide comme le soleil’ et ‘pur comme la lune’ (6, 10).
Le paysage ci-dessous se présente presque comme une carte. À droite, un bâtiment de style Renaissance porte le nom de ‘PORTA CELI’ (les ‘portes du ciel’), une référence au rêve de Jacob dans le Livre de la Genèse (28, 17), tandis qu'à gauche se dresse la ‘TVRRIS DAVID’ (la ‘Tour de David’). Cette dernière est à nouveau tirée du Cantique des Cantiques (4, 4). Marie est aussi entourée de deux arbres : à gauche, l'’OLIVA SPECIOSA’, l'olivier, ancien symbole de paix, et à droite, le ‘CEDRE EXALTATA IN LIBANO’ (‘un cèdre élevé au Liban’), une référence au livre apocryphe de l'Ecclésiaste (24,17). Derrière eux s'étend la ‘CIVITAS DEI’, la Cité de Dieu (Psaumes 87, 3).
Le symbolisme le plus intéressant, et celui que Claeissens semble prendre le plus de plaisir à détailler, se trouve peut-être au premier plan. Ici, la clôture rouge entoure un jardin dans lequel poussent des lys et des roses devant une fontaine. Les termes ‘ORTUS CONCLUSUS’ (‘jardin clos’) repris sur la clôture sont une référence bien connue du Cantique des Cantiques (4, 12) : ‘ma sœur, mon épouse, est un jardin clos’. Les lys sont étiquetés ‘SICUT LILIUM’, toujours d'après le Cantique des Cantiques (2, 2) : ‘Je suis [la rose de Sharon et] le lys des vallées’, tandis que la citation sous les roses ‘PLANTACIO ROSE’ provient du livre apocryphe de l'Ecclésiastique (24,18), et signifie simplement ‘une plantation de roses’. Les deux fleurs sont iconographiquement liées à la Vierge et sont considérées comme des symboles de sa vertu. La référence la plus directe à la pureté de Marie est cependant le miroir richement décoré en bas à gauche. Il s'agit du ‘SPECULVM SINE MACVLA’, le ‘miroir sans tache’ du Livre de la Sagesse (7, 26) : ‘Car elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté’. Enfin, la fontaine du jardin et le puits en bas à gauche sont tous deux tirés du même verset du Cantique des Cantiques : ‘Fontaine des jardins, puits des eaux vives et des ruisseaux du Liban’ (4, 15). A ces symboles sont associées les inscriptions ‘FONS ORTORVM’ et ‘PVTEVS AQVARVM’.
Lors de la vente de 1995, le présent tableau a été attribué à Ambrosius Benson (vers 1495/1500-1550), mais plusieurs éléments distincts plaident en faveur de Claeissens comme véritable auteur de l'œuvre, notamment l'architecture Renaissance qui apparaît régulièrement dans son œuvre mais qui est absente de celle de Benson. En outre, la physionomie de la Vierge, avec son visage allongé et son large front, est très représentative des modèles féminins des tableaux de Claeissens. Il en va de même pour les mains, dont les doigts sont démesurément longs. Enfin, les teintes du paysage sont typiques de l'artiste. Les roses et les beiges, les collines herbeuses ou sablonneuses vierges alternant avec des paysages raffinés et détaillés, ainsi que les rehauts de blanc dans les troncs d'arbres sont très caractéristiques. Il convient de noter qu'à un moment donné, la robe noire initiale de la Vierge a été repeinte en rouge et en bleu. Après la vente de 1995, il a été décidé de supprimer cet ajout et de rendre à Marie son élégante simplicité d'origine.