Lot Essay
Célèbre actrice, Sarah Bernhardt (1844-1923), née Henriette Rosine Bernard, a multiplié les talents artistiques. Elle s’érige non seulement comme l’une des tragédiennes françaises les plus importantes du XIXe siècle et du début XXe siècle, mais dessine également ses tenues, participe à la création des mises en scène, écrit des pièces, essais et romans et s’adonne aux arts plastiques dont la sculpture et la peinture.
C’est dans les années 1860 qu’elle réalise ses premières œuvres peintes et sculptées. Ce nouvel élan créatif intervient comme une réponse à ses déceptions professionnelles qu’elle décrit ainsi dans ses mémoires en 1907 : « C’est alors que je pris un atelier pour faire de la sculpture. Ne pouvant dépenser au théâtre mes forces intelligentes et mon désir de créer, je les mis au service d’un autre art. Et je me mis à travailler la sculpture avec une ardeur folle. »
Dès 1874, cette nouvelle passion se concrétise par une reconnaissance : Sarah Bernhardt expose au Salon. En 1876 elle reçoit une mention honorable du jury pour sa sculpture Après la tempête, un succès qui lui fit écrire : « Il me semblait maintenant que j’étais née pour être sculpteur ».
Pourtant certains de ses contemporains et confrères, critiques ou sculpteurs, tels que Jules Clarétie ou Auguste Rodin, ne semblaient pas prêts à siéger auprès de cette femme artiste à la réputation de diva.
En 1878, lorsque Charles Garnier, pour qui le genre n’était pas un frein au talent, sollicite Sarah Bernhardt afin de réaliser une sculpture pour la façade du Théâtre lyrique de Monte-Carlo, l’architecte du splendide nouvel Opéra de Paris s’adresse alors à une artiste à la popularité attestée. Bien que nouvellement reconnue, ce sont le génie et la modernité de Garnier qui l’engagent à faire travailler des artistes d’autres domaines artistiques que leur activité principale. C’est ainsi que l’actrice Sarah Bernhardt réalise le Chant tandis que son amant et maître, le peintre Gustave Doré, se voit commander son pendant, la Danse.
Ce choix étonnant fût autant critiqué par des sculpteurs contemporains envieux qu’apprécié par les visiteurs et les curieux.
L’envie de Garnier de faire travailler ces artistes est documentée par des échanges épistolaires entre les amants, notamment par une lettre non datée de Sarah à Gustave :
« Ami,
Je suis chargée d’une mission diplomatique près de vous ; alors je casse et vais droit au but. Voilà la chose. Garnier fait un grand théâtre à Monaco, il y a deux groupes de façade il m’en confie un et m’a dit qu’il aurait un grand désir de vous demander votre concours ; mais il craint que vous refusiez, est-ce vrai Ami chéri que vous ne voudriez pas m’avoir pour confrère en pendant – cela me rendrait fière !
Répondez vite à votre amie qui vous aime à plein cœur. Répondez de suite si Garnier peut vous faire sa demande sans risque d’être refusé par votre grandeur.
Tendrement,
Sarah »
Mais également une seconde lettre qui semble subvenir après l’accord de Gustave :
« Vous faites deux heureux, Garnier et Sarah Bernhardt qui vous embrasse.
S. B.
Garnier ira chez vous, je crois demain ou après ».
Peu d’informations concernant le procédé de réalisation de ces deux sculptures monumentales nous sont parvenues. Livrées en plâtre patiné et placées en façade, les figures de 2m50 du Chant et de La Danse ont été malmenées par le temps et les intempéries, et ont connu de multiples campagnes de restauration, ne nous permettant pas de connaître avec justesse leur aspect initial.
Dès lors, nous pouvons nous interroger sur notre sculpture en marbre signée « Sarah Bernhardt » et représentant Le Chant : est-elle une première proposition pour laquelle Garnier aurait demandé des modifications ou s’agit-il de la pensée finale de la sculptrice dont le résultat fut modifié par soucis de conservation ? En effet, si le mouvement et l’aspect de le sculpture finale diffèrent de notre œuvre, elle est également accompagnée d’un jeune homme absent de notre composition. Ces différences sont tant de mystères encore irrésolus.
Avec sa figure du Chant, une musicienne angélique jouant de la lyre, la bouche ouverte prête à libérer sa divine mélodie, Sarah Bernhardt se place dans une génération d’artistes académistes et espère inscrire son œuvre dans le temps, tel un ars longa inatteignable lors de ses apparitions sur scène.
En 1879, année de l’inauguration de l’Opéra de Monte-Carlo, Jean Bastien-Lepage représente justement l’actrice tenant et regardant fermement une sculpture de la main du peintre. Cette figure représentant Orphée à la lyre n’est pas sans rappeler notre Chant si énigmatique.
Le Monstre sacré, comme Jean Cocteau a surnommé Sarah Bernhardt, incarne donc, avec cette production, la forme absolue de l’artiste totale en participant à l’élaboration de l’écrin de ses futures représentations. Elle sera à l’honneur lors de la soirée d’inauguration du Théâtre et reviendra de nombreuses fois pour performer sur les planches de Garnier.
C’est dans les années 1860 qu’elle réalise ses premières œuvres peintes et sculptées. Ce nouvel élan créatif intervient comme une réponse à ses déceptions professionnelles qu’elle décrit ainsi dans ses mémoires en 1907 : « C’est alors que je pris un atelier pour faire de la sculpture. Ne pouvant dépenser au théâtre mes forces intelligentes et mon désir de créer, je les mis au service d’un autre art. Et je me mis à travailler la sculpture avec une ardeur folle. »
Dès 1874, cette nouvelle passion se concrétise par une reconnaissance : Sarah Bernhardt expose au Salon. En 1876 elle reçoit une mention honorable du jury pour sa sculpture Après la tempête, un succès qui lui fit écrire : « Il me semblait maintenant que j’étais née pour être sculpteur ».
Pourtant certains de ses contemporains et confrères, critiques ou sculpteurs, tels que Jules Clarétie ou Auguste Rodin, ne semblaient pas prêts à siéger auprès de cette femme artiste à la réputation de diva.
En 1878, lorsque Charles Garnier, pour qui le genre n’était pas un frein au talent, sollicite Sarah Bernhardt afin de réaliser une sculpture pour la façade du Théâtre lyrique de Monte-Carlo, l’architecte du splendide nouvel Opéra de Paris s’adresse alors à une artiste à la popularité attestée. Bien que nouvellement reconnue, ce sont le génie et la modernité de Garnier qui l’engagent à faire travailler des artistes d’autres domaines artistiques que leur activité principale. C’est ainsi que l’actrice Sarah Bernhardt réalise le Chant tandis que son amant et maître, le peintre Gustave Doré, se voit commander son pendant, la Danse.
Ce choix étonnant fût autant critiqué par des sculpteurs contemporains envieux qu’apprécié par les visiteurs et les curieux.
L’envie de Garnier de faire travailler ces artistes est documentée par des échanges épistolaires entre les amants, notamment par une lettre non datée de Sarah à Gustave :
« Ami,
Je suis chargée d’une mission diplomatique près de vous ; alors je casse et vais droit au but. Voilà la chose. Garnier fait un grand théâtre à Monaco, il y a deux groupes de façade il m’en confie un et m’a dit qu’il aurait un grand désir de vous demander votre concours ; mais il craint que vous refusiez, est-ce vrai Ami chéri que vous ne voudriez pas m’avoir pour confrère en pendant – cela me rendrait fière !
Répondez vite à votre amie qui vous aime à plein cœur. Répondez de suite si Garnier peut vous faire sa demande sans risque d’être refusé par votre grandeur.
Tendrement,
Sarah »
Mais également une seconde lettre qui semble subvenir après l’accord de Gustave :
« Vous faites deux heureux, Garnier et Sarah Bernhardt qui vous embrasse.
S. B.
Garnier ira chez vous, je crois demain ou après ».
Peu d’informations concernant le procédé de réalisation de ces deux sculptures monumentales nous sont parvenues. Livrées en plâtre patiné et placées en façade, les figures de 2m50 du Chant et de La Danse ont été malmenées par le temps et les intempéries, et ont connu de multiples campagnes de restauration, ne nous permettant pas de connaître avec justesse leur aspect initial.
Dès lors, nous pouvons nous interroger sur notre sculpture en marbre signée « Sarah Bernhardt » et représentant Le Chant : est-elle une première proposition pour laquelle Garnier aurait demandé des modifications ou s’agit-il de la pensée finale de la sculptrice dont le résultat fut modifié par soucis de conservation ? En effet, si le mouvement et l’aspect de le sculpture finale diffèrent de notre œuvre, elle est également accompagnée d’un jeune homme absent de notre composition. Ces différences sont tant de mystères encore irrésolus.
Avec sa figure du Chant, une musicienne angélique jouant de la lyre, la bouche ouverte prête à libérer sa divine mélodie, Sarah Bernhardt se place dans une génération d’artistes académistes et espère inscrire son œuvre dans le temps, tel un ars longa inatteignable lors de ses apparitions sur scène.
En 1879, année de l’inauguration de l’Opéra de Monte-Carlo, Jean Bastien-Lepage représente justement l’actrice tenant et regardant fermement une sculpture de la main du peintre. Cette figure représentant Orphée à la lyre n’est pas sans rappeler notre Chant si énigmatique.
Le Monstre sacré, comme Jean Cocteau a surnommé Sarah Bernhardt, incarne donc, avec cette production, la forme absolue de l’artiste totale en participant à l’élaboration de l’écrin de ses futures représentations. Elle sera à l’honneur lors de la soirée d’inauguration du Théâtre et reviendra de nombreuses fois pour performer sur les planches de Garnier.