Lot Essay
La paire de vases est mentionnée dans le garde-meuble de l'hôtel de la place de la Concorde lors du décès du financier: « quatre autres forts vases de différentes formes en granit des Vosges imitant le granit rose oriental dont deux ajustés de figures d'enfants et guirlandes en cuivre doré et les deux autres avec têtes de bélier et guirlandes de feuilles de vigne et raisin » Les vases seront mieux décrits lors de la vente le 21 août 1797:
- " 82. Deux autres vases de même matière et à peu près de mêmes formes; ils sont garnis d'anses à têtes de bélier, guirlandes de vignes, et cannelures à jour sur les culots. Haut. 20 pouces (54,8 cm)."
Leur histoire au début du XIXe siècle demeure inconnue mais ils furent certainement dissociés avant la réapparition de l'un d'entre eux dans la collection de Jacques Doucet.
LES INTERVENANTS : LAURENT GASPARD GRIMOD DE LA REYNIÈRE (1734-1793)
Fils du fermier général et administrateur des Postes Antoine Gaspard Grimod de la Reynière et de Marie Madeleine Mazade, le jeune Laurent Gaspard grandit au sein d'une élite cultivée et prodigieusement riche. En 1758, il épousa la très orgueilleuse nièce de l'évêque d'Orléans Suzanne de Jarente, et s'installa dès 1770 dans le somptueux hôtel bâti par Antoine Mathieu Le Carpentier pour le non moins fastueux Etienne Michel Bouret dans l'actuelle rue Drouot. En 1778, le financier fit élever par l'architecte Jean Benoit Vincent Barré un hôtel à l'angle de la place Louis XV, actuelle place de la Concorde, et de la future rue de Boissy d'Anglas et s'y installa dès 1781.
Selon Madame Vigée-Le Brun, Madame de la Reynière y reçut les « personnes les plus distinguées de la Cour et de la Ville » et pour le baron Grimm l'hôtel devint: « l'auberge la plus distinguée des gens de qualité ». Etape obligée lors d'une visite de Paris, le futur tsar Paul Ier et son épouse Maria Feodorovna visitèrent en 1783 l'hôtel comme étant une des « maisons les plus célèbres par la beauté et la richesse de leurs ameublements ».
Client du célèbre marchand Lazare Duvaux, peint par Van Loo, il fut au même titre qu'Ange Laurent de La Live de Jully « membre honoraire associé libre » de l'Académie Française.
Grimod s'éteignit en pleine Révolution dans son hôtel et les collections furent inventoriées, estimées puis vendues en août 1797 par le sexperts Boulieau et Pallet. L'hôtel fut en partie loué par son fils et unique héritier Alexandre Balthazar célèbre gastronome notamment à un prince russe puis converti en club et enfin démoli en 1931 pour y construire un nouvel hôtel abritant l'Ambassade des États-Unis d'Amérique.
LE DESSIN
Le dessin de ces vases fut attribué à l'architecte-ornemaniste Juste Nathan Boucher, fils du peintre François Boucher sur la foi d'un recueil de vases gravé et publié vers 1770. Cependant de nouveaux documents ainsi qu'une observation attentive permettent d'attribuer à l'architecte François Joseph Bélanger le dessin de ces vases inspiré de l'œuvre gravée de Boucher.
Un plan de l'hôtel Grimod de la Reynière porte le nom de « Belanger, architecte des Menus » (BNF VA, 284), c'est la preuve que le commanditaire et l'architecte entretenaient des relations étroites. Grimod désira certainement la participation d'un talentueux décorateur, jeune et célèbre, à l'élaboration du décor de son hôtel. Tel était le cas de Belanger, architecte du comte d'Artois frère du roi, du comte de Lauraguais, du financier Baudard de Saint-James, du Prince d'Henin et de Sophie Arnould. En ces années 1770-1774, Bélanger dessina de nombreux vases en pierre dure pour les Menus Plaisirs du roi mais également pour sa clientele privée le duc d'Aumont, premier gentilhomme de la Chambre du roi, sa belle-fille la duchesse de Mazarin, etc.
LE GRANIT DES VOSGES
Exploité dès l'antiquité en Egypte, le granit rose oriental avait été diffusé dans tout l'Empire romain. Les « Anticomaniaques » du XVIIIe siècle taillèrent dans des colonnes antiques des gaines, des vases et des piédestaux. Au sein même de l'administration des Menus Plaisirs du roi, le due d'Aumont fit établir un atelier de taille mais, le 7 février 1774, le sculpteur Feuillet présentait à l'Académie de Saint-Luc « des échantillons de marbre dur, de différentes qualité rencontrés dans des minières ouvertes à Giromagny » près de Belfort en Alsace. Nous avons en la date de 1763, le début de l'exploitation du granit rose des Vosges dans cette mine qui appartenait aux terres de la duchesse de Mazarin, belle fille du duc d'Aumont et cliente de différentes qualité rencontrés dans des minières ouvertes à Giromagny près de Belfort en Alsace. Nous avons en la date de 1763, le début de l'exploitation du granit rose des Vosges dans cette mine qui appartenait à la duchesse de Mazarin. Les statuts révisés en 1773 permirent à Feuillet d'ouvrir un magasin à Paris rue du faubourg Saint Martin.
Si le dessin de ces vases est attribuable à Bélanger et le granit fourni par Feuillet, identifier le fondeur, le ciseleur et le doreur reste problématique. Si le nom de Forestier avait été avancé lors de la vente d'une paire de vases en granit dans le catalogue de la vente Anatole Demidoff, prince de San Donato en 1880, Etienne Louis Forestier était fondeur en terre et sable comme son père Etienne mais également sculpteur. L'inventaire dressé en 1777 ne révèle aucun élément qui puisse permettre une attribution ferme à cet atelier; cependant en cette même année 1777, le fondeur ciseleur Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis devait 413 livres aux Forestier, preuve d'une collaboration importante entre les deux ateliers. Cette hypothèse est renforcée par le fait que Duplessis signa un billet de 500 livres payable fin juillet 1777 à la veuve Forestier. Par ailleurs la veuve Forestier en 1784 possédait dans son atelier "en feuilles de vigne et branches 26 livres de fonte brute." La preuve de la fourniture de bronzes importants pour le nouvel hôtel de Grimod réside dans la livraison par Jean Claude Thomas Chambellan Duplessis des « beaux candélabres sur les coins du beau salon de M de la Reynière (Musée de Detroit, collection Dodge, inv. 71.394 et 71.395).
L' Almanach des Artistes ajoutait « on voit aussi chez lui [Grimod de la Reynière] des marbres très beaux et très rares ». Dans le catalogue de la vente de 1797, deux tables, deux colonnes et quatre vases en granit rose des Vosges ornés de bronzes dorés sont décrits ainsi que plusieurs autres objets de pierre dure. Dans l'actif de la faillite du ciseleur-doreur Pierre Gouthière le nom du grand amateur Grimod de la Reynière est absent ainsi que dans les constitutions de rente, mais il avait fourni des roses en bronze doré probablement à la manière de Duplessis, certainement pour des girandoles. Dessinateur, sculpteur, fondeur ciseleur et Directeur artistique de la Manufacture royale de Sèvres, Duplessis en cette fin du XVIIIe siècle figure comme un des artistes les plus importants au même titre que Philippe Caffieri pour les années 1770 ou Pierre Philippe Thomire et François Remond pour la décennie 1780.
Dessiné certainement par François Joseph Bélanger pour le grand collectionneur que fut Grimod de la Reynière, le granit fourni par le marbrier Feuillet, ce vase de granit feuille morte des Vosges fut orné de bronzes très certainement dus au sculpteur-ciseleur Duplessis aux environs de 1777.
Si ce vase a probablement été réalisé dans l’atelier de Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis, en raison des affiliations documentées entre Grimod de la Reynière et le bronzier, la qualité de son exécution permet également un rapprochement avec l’œuvre du ciseleur-doreur Pierre Gouthière. Très caractéristique de ce dernier est en effet la technique et la finition connues sous le nom de dorure au mat, visibles sur les guirlandes et les feuillages ceinturant le vase, qui contrastent avec les anses polies et brunies. Cette technique est précisément décrite dans la notice d’une paire de vases du même modèle, provenant de la collection du XVIIIᵉ siècle Harenc de Presle, vendue chez Christie’s le 2 juillet 2024 (lot 48).
Un autre vase du même modèle, en version réduite et exécuté en marbre blanc, fut acquis par Frédéric II de Prusse pour ses palais de Potsdam avant 1773, et fut ultérieurement photographié en 1916 dans la salle française verte du Stadtschloss de Berlin. Ce vase faisait partie d’un ensemble de vases français en pierres dures montés en bronze doré acquis par Frédéric II ; ces pièces furent décrites en 1774 par l’inspecteur des collections prussiennes, Matthias Oesterreich, comme étant exécutées d’après des dessins de François Boucher et initialement commandées pour Madame de Pompadour.
The pair of vases is recorded in the furniture inventory of the mansion on Place de la Concorde at the time of the financier's death: "four other large vases of various shapes made of granite from the Vosges imitating oriental pink granite, two of which are decorated with figures of children and garlands in gilded copper and the other two with RAM's heads and garlands of VINE LEAVES and Grapes." The vases were described in greater detail during the sale of 21 August 1797:
- "82. Two other vases of the same material and roughly the same form; they are ornamented with handles in the shape of ram's heads, vine garlands, and openwork fluting on the bases. Height: 20 inches (54.8 cm).
Their early history remains uncertain, but the pair was evidently separated before one reappeared in the collection of Jacques Doucet.
KEY FIGURES: Laurent Gaspard Grimod de la Reynière (1734–1793)
The son of Antoine Gaspard Grimod de la Reynière, a farmer general and postal administrator, and Marie Madeleine Mazade, Laurent Gaspard grew up amid the cultivated and immensely wealthy elite of his time. In 1758, he married Suzanne de Jarente, the proud niece of the Bishop of Orléans, and in 1770 moved into the sumptuous mansion built by Antoine Mathieu Le Carpentier for the equally lavish Étienne Michel Bouret, on what is now Rue Drouot. In 1778, he commissioned the architect Jean-Benoît-Vincent Barré to design a new mansion at the corner of Place Louis XV, now Place de la Concorde, and the future Rue de Boissy-d'Anglas, moving there in 1781.
According to Madame Vigée-Le Brun, Madame de la Reynière received “the most distinguished people of the Court and the City” there, and for Baron Grimm, the mansion became “the most distinguished inn for people of quality”. A must-see during a visit to Paris, the future Tsar Paul I and his wife Maria Feodorovna visited the mansion in 1783 as one of the "most famous houses for the beauty and richness of their furnishings”.
A client of the renowned dealer Lazare Duvaux and painted by Van Loo, Grimod was, like Ange-Laurent de La Live de Jully, an “honorary associate member” of the Académie Française. Grimod died during the Revolution in his mansion, and his collections were dispersed. The property was later partly rented by his son and sole heir, Alexandre Balthazar, the celebrated gastronome who enjoyed the favor of the Russian ambassador. It was subsequently converted into a club and ultimately demolished in 1931 to make way for the new United States Embassy.
THE DESIGN
The design of these vases was long attributed to the architect and ornamentalist Juste Nathan Boucher, son of the painter François Boucher, on the basis of a series of engraved vase designs published around 1770. However, new documentary evidence and close examination suggest that the design, while inspired by Boucher's engravings, should instead be credited to the architect François-Joseph Bélanger.
A plan of Grimod de la Reynière's mansion bears the inscription “Belanger, architecte des Menus” (BNF VA, 284), confirming a connection between patron and architect. Grimod, seeking a gifted and fashionable decorator for his new residence, found one in Bélanger, architect to the Comte d'Artois (the king's brother), the Comte de Lauraguais, the financier Baudard de Saint-James, the Prince de Hénin, and Sophie Arnould. Between 1770 and 1774, Bélanger designed numerous hardstone vases for the king's Menus Plaisirs as well as for private patrons such as the Duc d'Aumont and his daughter-in-law, the Duchesse de Mazarin.
GRANITE FROM THE VOSGES
Since antiquity, pink granite from Egypt had been prized and used throughout the Roman Empire. In the eighteenth century, the so-called Anticomaniaques recarved ancient columns into sheaths, vases, and pedestals. Within the royal Menus Plaisirs administration, the Duc d'Aumont established a workshop for hardstone carving. On 7 February 1763, the sculptor Feuillet presented to the Académie de Saint-Luc “samples of hard marble of various qualities found in open mines at Giromagny,” near Belfort in Alsace. This indicates that exploitation of the pink Vosges granite, belonging to the Duchesse de Mazarin, the Duc d'Aumont's daughter-in-law and a client of Bélanger, began around 1763. Feuillet later opened a shop in Paris on the Rue du Faubourg Saint-Martin, following revised statutes of 1773.
While the design of these vases can be attributed to Bélanger and the granite to Feuillet's workshop, identifying the founder, chiseler and gilder remains challenging. The name Forestier was proposed in the catalogue of the Anatole Demidoff, Prince of San Donato sale in 1880, but Étienne-Louis Forestier, like his father Etienne, worked mainly as a clay and sand caster, though also as a sculptor. His 1777 inventory provides no conclusive link to these vases. That same year, however, the caster and chiseler Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis owed 413 pounds to the Forestier family, suggesting significant collaboration between their workshops. Evidence of major bronze commissions for Grimod's new mansion appears in Duplessis's delivery of the “magnificent candelabra for the corners of M. de la Reynière's grand salon” (Detroit Institute of Arts, Dodge Collection, inv. 71.394 and 71.395).
As L'Almanach des Artistes noted, “At his home [Grimod de la Reynière's] one also sees some very beautiful and very rare marbles.” In the 1797 sale catalogue, two tables, two columns and four vases in pink Vosges granite decorated with gilded bronze are described, along with several other objects made of hard stone. Although Grimod's name does not appear in the bankruptcy records of the chaser-gilder Pierre Gouthière, he likely supplied gilded bronze ornaments, possibly in the style of Duplessis, for candelabra. A draughtsman, sculptor, founder, chaser, and artistic director of the Royal Manufactory of Sèvres, Duplessis was among the foremost artists of the late eighteenth century, alongside Philippe Caffieri in the 1770s and Pierre-Philippe Thomire and François Rémond in the 1780s.
Certainly designed by François-Joseph Bélanger for the renowned collector Grimod de la Reynière, this dead leaf granite vase from the Vosges, made with granite supplied by the marble mason Feuillet, was adorned with bronze mounts, most likely crafted by the sculptor-chaser Duplessis around 1777.
Although this vase was probably made in the workshop of Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis, due to the documented affiliations between Grimod de la Reynière and the bronze smith, the quality of its execution also allows for a comparison with the work of the chaser-gilder Pierre Gouthière. Very characteristic of the latter is the technique and finish known as matt gilding, visible on the garlands and foliage encircling the vase, which contrast with the polished and burnished handles. This technique is described in detail in the description of a pair of vases of the same model from the 18th-century Harenc de Presle collection, sold at Christie's on 2 July 2024 (lot 48).Another vase of the same model, in a smaller version and made of white marble, was acquired by Frederick II of Prussia for his palaces in Potsdam before 1773, and was later photographed in 1916 in the French Green Room of the Stadtschloss in Berlin. This vase was part of a set of French hardstone vases mounted in gilt bronze acquired by Frederick II; these pieces were described in 1774 by the inspector of the Prussian collections, Matthias Oesterreich, as having been made after designs by François Boucher and originally commissioned for Madame de Pompadour.
- " 82. Deux autres vases de même matière et à peu près de mêmes formes; ils sont garnis d'anses à têtes de bélier, guirlandes de vignes, et cannelures à jour sur les culots. Haut. 20 pouces (54,8 cm)."
Leur histoire au début du XIXe siècle demeure inconnue mais ils furent certainement dissociés avant la réapparition de l'un d'entre eux dans la collection de Jacques Doucet.
LES INTERVENANTS : LAURENT GASPARD GRIMOD DE LA REYNIÈRE (1734-1793)
Fils du fermier général et administrateur des Postes Antoine Gaspard Grimod de la Reynière et de Marie Madeleine Mazade, le jeune Laurent Gaspard grandit au sein d'une élite cultivée et prodigieusement riche. En 1758, il épousa la très orgueilleuse nièce de l'évêque d'Orléans Suzanne de Jarente, et s'installa dès 1770 dans le somptueux hôtel bâti par Antoine Mathieu Le Carpentier pour le non moins fastueux Etienne Michel Bouret dans l'actuelle rue Drouot. En 1778, le financier fit élever par l'architecte Jean Benoit Vincent Barré un hôtel à l'angle de la place Louis XV, actuelle place de la Concorde, et de la future rue de Boissy d'Anglas et s'y installa dès 1781.
Selon Madame Vigée-Le Brun, Madame de la Reynière y reçut les « personnes les plus distinguées de la Cour et de la Ville » et pour le baron Grimm l'hôtel devint: « l'auberge la plus distinguée des gens de qualité ». Etape obligée lors d'une visite de Paris, le futur tsar Paul Ier et son épouse Maria Feodorovna visitèrent en 1783 l'hôtel comme étant une des « maisons les plus célèbres par la beauté et la richesse de leurs ameublements ».
Client du célèbre marchand Lazare Duvaux, peint par Van Loo, il fut au même titre qu'Ange Laurent de La Live de Jully « membre honoraire associé libre » de l'Académie Française.
Grimod s'éteignit en pleine Révolution dans son hôtel et les collections furent inventoriées, estimées puis vendues en août 1797 par le sexperts Boulieau et Pallet. L'hôtel fut en partie loué par son fils et unique héritier Alexandre Balthazar célèbre gastronome notamment à un prince russe puis converti en club et enfin démoli en 1931 pour y construire un nouvel hôtel abritant l'Ambassade des États-Unis d'Amérique.
LE DESSIN
Le dessin de ces vases fut attribué à l'architecte-ornemaniste Juste Nathan Boucher, fils du peintre François Boucher sur la foi d'un recueil de vases gravé et publié vers 1770. Cependant de nouveaux documents ainsi qu'une observation attentive permettent d'attribuer à l'architecte François Joseph Bélanger le dessin de ces vases inspiré de l'œuvre gravée de Boucher.
Un plan de l'hôtel Grimod de la Reynière porte le nom de « Belanger, architecte des Menus » (BNF VA, 284), c'est la preuve que le commanditaire et l'architecte entretenaient des relations étroites. Grimod désira certainement la participation d'un talentueux décorateur, jeune et célèbre, à l'élaboration du décor de son hôtel. Tel était le cas de Belanger, architecte du comte d'Artois frère du roi, du comte de Lauraguais, du financier Baudard de Saint-James, du Prince d'Henin et de Sophie Arnould. En ces années 1770-1774, Bélanger dessina de nombreux vases en pierre dure pour les Menus Plaisirs du roi mais également pour sa clientele privée le duc d'Aumont, premier gentilhomme de la Chambre du roi, sa belle-fille la duchesse de Mazarin, etc.
LE GRANIT DES VOSGES
Exploité dès l'antiquité en Egypte, le granit rose oriental avait été diffusé dans tout l'Empire romain. Les « Anticomaniaques » du XVIIIe siècle taillèrent dans des colonnes antiques des gaines, des vases et des piédestaux. Au sein même de l'administration des Menus Plaisirs du roi, le due d'Aumont fit établir un atelier de taille mais, le 7 février 1774, le sculpteur Feuillet présentait à l'Académie de Saint-Luc « des échantillons de marbre dur, de différentes qualité rencontrés dans des minières ouvertes à Giromagny » près de Belfort en Alsace. Nous avons en la date de 1763, le début de l'exploitation du granit rose des Vosges dans cette mine qui appartenait aux terres de la duchesse de Mazarin, belle fille du duc d'Aumont et cliente de différentes qualité rencontrés dans des minières ouvertes à Giromagny près de Belfort en Alsace. Nous avons en la date de 1763, le début de l'exploitation du granit rose des Vosges dans cette mine qui appartenait à la duchesse de Mazarin. Les statuts révisés en 1773 permirent à Feuillet d'ouvrir un magasin à Paris rue du faubourg Saint Martin.
Si le dessin de ces vases est attribuable à Bélanger et le granit fourni par Feuillet, identifier le fondeur, le ciseleur et le doreur reste problématique. Si le nom de Forestier avait été avancé lors de la vente d'une paire de vases en granit dans le catalogue de la vente Anatole Demidoff, prince de San Donato en 1880, Etienne Louis Forestier était fondeur en terre et sable comme son père Etienne mais également sculpteur. L'inventaire dressé en 1777 ne révèle aucun élément qui puisse permettre une attribution ferme à cet atelier; cependant en cette même année 1777, le fondeur ciseleur Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis devait 413 livres aux Forestier, preuve d'une collaboration importante entre les deux ateliers. Cette hypothèse est renforcée par le fait que Duplessis signa un billet de 500 livres payable fin juillet 1777 à la veuve Forestier. Par ailleurs la veuve Forestier en 1784 possédait dans son atelier "en feuilles de vigne et branches 26 livres de fonte brute." La preuve de la fourniture de bronzes importants pour le nouvel hôtel de Grimod réside dans la livraison par Jean Claude Thomas Chambellan Duplessis des « beaux candélabres sur les coins du beau salon de M de la Reynière (Musée de Detroit, collection Dodge, inv. 71.394 et 71.395).
L' Almanach des Artistes ajoutait « on voit aussi chez lui [Grimod de la Reynière] des marbres très beaux et très rares ». Dans le catalogue de la vente de 1797, deux tables, deux colonnes et quatre vases en granit rose des Vosges ornés de bronzes dorés sont décrits ainsi que plusieurs autres objets de pierre dure. Dans l'actif de la faillite du ciseleur-doreur Pierre Gouthière le nom du grand amateur Grimod de la Reynière est absent ainsi que dans les constitutions de rente, mais il avait fourni des roses en bronze doré probablement à la manière de Duplessis, certainement pour des girandoles. Dessinateur, sculpteur, fondeur ciseleur et Directeur artistique de la Manufacture royale de Sèvres, Duplessis en cette fin du XVIIIe siècle figure comme un des artistes les plus importants au même titre que Philippe Caffieri pour les années 1770 ou Pierre Philippe Thomire et François Remond pour la décennie 1780.
Dessiné certainement par François Joseph Bélanger pour le grand collectionneur que fut Grimod de la Reynière, le granit fourni par le marbrier Feuillet, ce vase de granit feuille morte des Vosges fut orné de bronzes très certainement dus au sculpteur-ciseleur Duplessis aux environs de 1777.
Si ce vase a probablement été réalisé dans l’atelier de Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis, en raison des affiliations documentées entre Grimod de la Reynière et le bronzier, la qualité de son exécution permet également un rapprochement avec l’œuvre du ciseleur-doreur Pierre Gouthière. Très caractéristique de ce dernier est en effet la technique et la finition connues sous le nom de dorure au mat, visibles sur les guirlandes et les feuillages ceinturant le vase, qui contrastent avec les anses polies et brunies. Cette technique est précisément décrite dans la notice d’une paire de vases du même modèle, provenant de la collection du XVIIIᵉ siècle Harenc de Presle, vendue chez Christie’s le 2 juillet 2024 (lot 48).
Un autre vase du même modèle, en version réduite et exécuté en marbre blanc, fut acquis par Frédéric II de Prusse pour ses palais de Potsdam avant 1773, et fut ultérieurement photographié en 1916 dans la salle française verte du Stadtschloss de Berlin. Ce vase faisait partie d’un ensemble de vases français en pierres dures montés en bronze doré acquis par Frédéric II ; ces pièces furent décrites en 1774 par l’inspecteur des collections prussiennes, Matthias Oesterreich, comme étant exécutées d’après des dessins de François Boucher et initialement commandées pour Madame de Pompadour.
The pair of vases is recorded in the furniture inventory of the mansion on Place de la Concorde at the time of the financier's death: "four other large vases of various shapes made of granite from the Vosges imitating oriental pink granite, two of which are decorated with figures of children and garlands in gilded copper and the other two with RAM's heads and garlands of VINE LEAVES and Grapes." The vases were described in greater detail during the sale of 21 August 1797:
- "82. Two other vases of the same material and roughly the same form; they are ornamented with handles in the shape of ram's heads, vine garlands, and openwork fluting on the bases. Height: 20 inches (54.8 cm).
Their early history remains uncertain, but the pair was evidently separated before one reappeared in the collection of Jacques Doucet.
KEY FIGURES: Laurent Gaspard Grimod de la Reynière (1734–1793)
The son of Antoine Gaspard Grimod de la Reynière, a farmer general and postal administrator, and Marie Madeleine Mazade, Laurent Gaspard grew up amid the cultivated and immensely wealthy elite of his time. In 1758, he married Suzanne de Jarente, the proud niece of the Bishop of Orléans, and in 1770 moved into the sumptuous mansion built by Antoine Mathieu Le Carpentier for the equally lavish Étienne Michel Bouret, on what is now Rue Drouot. In 1778, he commissioned the architect Jean-Benoît-Vincent Barré to design a new mansion at the corner of Place Louis XV, now Place de la Concorde, and the future Rue de Boissy-d'Anglas, moving there in 1781.
According to Madame Vigée-Le Brun, Madame de la Reynière received “the most distinguished people of the Court and the City” there, and for Baron Grimm, the mansion became “the most distinguished inn for people of quality”. A must-see during a visit to Paris, the future Tsar Paul I and his wife Maria Feodorovna visited the mansion in 1783 as one of the "most famous houses for the beauty and richness of their furnishings”.
A client of the renowned dealer Lazare Duvaux and painted by Van Loo, Grimod was, like Ange-Laurent de La Live de Jully, an “honorary associate member” of the Académie Française. Grimod died during the Revolution in his mansion, and his collections were dispersed. The property was later partly rented by his son and sole heir, Alexandre Balthazar, the celebrated gastronome who enjoyed the favor of the Russian ambassador. It was subsequently converted into a club and ultimately demolished in 1931 to make way for the new United States Embassy.
THE DESIGN
The design of these vases was long attributed to the architect and ornamentalist Juste Nathan Boucher, son of the painter François Boucher, on the basis of a series of engraved vase designs published around 1770. However, new documentary evidence and close examination suggest that the design, while inspired by Boucher's engravings, should instead be credited to the architect François-Joseph Bélanger.
A plan of Grimod de la Reynière's mansion bears the inscription “Belanger, architecte des Menus” (BNF VA, 284), confirming a connection between patron and architect. Grimod, seeking a gifted and fashionable decorator for his new residence, found one in Bélanger, architect to the Comte d'Artois (the king's brother), the Comte de Lauraguais, the financier Baudard de Saint-James, the Prince de Hénin, and Sophie Arnould. Between 1770 and 1774, Bélanger designed numerous hardstone vases for the king's Menus Plaisirs as well as for private patrons such as the Duc d'Aumont and his daughter-in-law, the Duchesse de Mazarin.
GRANITE FROM THE VOSGES
Since antiquity, pink granite from Egypt had been prized and used throughout the Roman Empire. In the eighteenth century, the so-called Anticomaniaques recarved ancient columns into sheaths, vases, and pedestals. Within the royal Menus Plaisirs administration, the Duc d'Aumont established a workshop for hardstone carving. On 7 February 1763, the sculptor Feuillet presented to the Académie de Saint-Luc “samples of hard marble of various qualities found in open mines at Giromagny,” near Belfort in Alsace. This indicates that exploitation of the pink Vosges granite, belonging to the Duchesse de Mazarin, the Duc d'Aumont's daughter-in-law and a client of Bélanger, began around 1763. Feuillet later opened a shop in Paris on the Rue du Faubourg Saint-Martin, following revised statutes of 1773.
While the design of these vases can be attributed to Bélanger and the granite to Feuillet's workshop, identifying the founder, chiseler and gilder remains challenging. The name Forestier was proposed in the catalogue of the Anatole Demidoff, Prince of San Donato sale in 1880, but Étienne-Louis Forestier, like his father Etienne, worked mainly as a clay and sand caster, though also as a sculptor. His 1777 inventory provides no conclusive link to these vases. That same year, however, the caster and chiseler Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis owed 413 pounds to the Forestier family, suggesting significant collaboration between their workshops. Evidence of major bronze commissions for Grimod's new mansion appears in Duplessis's delivery of the “magnificent candelabra for the corners of M. de la Reynière's grand salon” (Detroit Institute of Arts, Dodge Collection, inv. 71.394 and 71.395).
As L'Almanach des Artistes noted, “At his home [Grimod de la Reynière's] one also sees some very beautiful and very rare marbles.” In the 1797 sale catalogue, two tables, two columns and four vases in pink Vosges granite decorated with gilded bronze are described, along with several other objects made of hard stone. Although Grimod's name does not appear in the bankruptcy records of the chaser-gilder Pierre Gouthière, he likely supplied gilded bronze ornaments, possibly in the style of Duplessis, for candelabra. A draughtsman, sculptor, founder, chaser, and artistic director of the Royal Manufactory of Sèvres, Duplessis was among the foremost artists of the late eighteenth century, alongside Philippe Caffieri in the 1770s and Pierre-Philippe Thomire and François Rémond in the 1780s.
Certainly designed by François-Joseph Bélanger for the renowned collector Grimod de la Reynière, this dead leaf granite vase from the Vosges, made with granite supplied by the marble mason Feuillet, was adorned with bronze mounts, most likely crafted by the sculptor-chaser Duplessis around 1777.
Although this vase was probably made in the workshop of Jean-Claude Thomas Chambellan Duplessis, due to the documented affiliations between Grimod de la Reynière and the bronze smith, the quality of its execution also allows for a comparison with the work of the chaser-gilder Pierre Gouthière. Very characteristic of the latter is the technique and finish known as matt gilding, visible on the garlands and foliage encircling the vase, which contrast with the polished and burnished handles. This technique is described in detail in the description of a pair of vases of the same model from the 18th-century Harenc de Presle collection, sold at Christie's on 2 July 2024 (lot 48).Another vase of the same model, in a smaller version and made of white marble, was acquired by Frederick II of Prussia for his palaces in Potsdam before 1773, and was later photographed in 1916 in the French Green Room of the Stadtschloss in Berlin. This vase was part of a set of French hardstone vases mounted in gilt bronze acquired by Frederick II; these pieces were described in 1774 by the inspector of the Prussian collections, Matthias Oesterreich, as having been made after designs by François Boucher and originally commissioned for Madame de Pompadour.
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