LE REVOLVER AVEC LEQUEL VERLAINE A FAILLI TUER RIMBAUD
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LE REVOLVER AVEC LEQUEL VERLAINE A FAILLI TUER RIMBAUD

REVOLVER de calibre 7 mm, à 6 coups, crosse en bois et détente pliable. Type Lefaucheux. N° de série 14096. Liège vers 1870. Il porte les poinçons réglementaires du banc d’épreuves de Liège : « ELG et étoile » dans un ovale (en usage de 1853 à 1877) et « q couronné » (contremarque du contrôleur en usage de 1853 à 1877). Initiales « JS » frappées sur la face avant du barillet, probablement celles d’un sous-traitant non identifié.

Details
LE REVOLVER AVEC LEQUEL VERLAINE A FAILLI TUER RIMBAUD
REVOLVER de calibre 7 mm, à 6 coups, crosse en bois et détente pliable. Type Lefaucheux. N° de série 14096. Liège vers 1870. Il porte les poinçons réglementaires du banc d’épreuves de Liège : « ELG et étoile » dans un ovale (en usage de 1853 à 1877) et « q couronné » (contremarque du contrôleur en usage de 1853 à 1877). Initiales « JS » frappées sur la face avant du barillet, probablement celles d’un sous-traitant non identifié.

« Vers huit heures du soir, l’agent Michel de la 2è division amène au bureau le sieur Verlaine paul [sic], homme de lettres, né à Metz la 30 mars 1844, en logement rue des brasseurs 1, depuis 4 jours venant de Londres, qu’il a arrêté rue du midi sur la réquisition du sieur Rimbaud arthur [sic], homme de lettres, né à Charleville (France) le 20 octobre 1854, en logement rue des brasseurs 1 depuis deux jours venant également de Londres, lequel déclare qu’il a été blessé au bras gauche d’un coup de revolver que lui a tiré vers deux heures, son ami Verlaine dans la chambre qu’ils occupent rue des brasseurs, qu’il s’est rendu ensuite se faire panser à l’hôpital St Jean, accompagné de Verlaine et de la mère de ce dernier, et sont revenus tous ensemble au logement précité ;
il n’aurait pas porté plainte de cette blessure, si Verlaine ne s’était pas opposé à son départ, mais se voyant poursuivi par Verlaine qui était toujours porteur de son revolver et craignant d’être tué par lui il avait réclamé le secours de l’agent de police.
J’ai saisi le revolver qui est encore chargé, à la suite de mon instruction Verlaine a été écroué au dépôt communal et mis à la disposition de monsieur le procureur du Roi. »
Rapport à M. le commissaire en chef de la police, Bruxelles, le 10 juillet 1873, J. Delhalle
(Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, 2015 ; p. 49). 
Provenance
Paul Verlaine (acheté le 10 juillet 1873 à l’armurerie Montigny à Bruxelles)-armurerie Montigny et successeurs (Chaudron) à Bruxelles - donné à l’actuel propriétaire en 1981.

Paul Verlaine (purchased 10 July 1873 at the Montigny gunsmiths in Brussels) – Montigny gunsmiths and their successors, Chaudron, Brussels – given to the present owner in 1981.
Special notice
Please note that there are some restrictions on the shipment and exportation of the lot. For further information please contact our specialists in charge of the sale.
Further details
The revolver with which Verlaine shot Rimbaud

A BELGIAN 7mm (PINFIRE) SIX-SHOT POCKET REVOLVER OF LEFAUCHEUX TYPE
SERIAL NO. 14096, CIRCA 1870. With scroll engraved frame and cylinder and folding-trigger, Liége proof

The revolver, of a widely available model, produced in Liège in the 1870s (the stamp ELG was in use between 1846 and 1893), is the witness to one of the most dramatic scenes in literary history. It was acquired by Paul Verlaine on the morning of 10 July 1873 at a gunsmiths in the Galeries Saint-Huber in Brussels. That afternoon, Verlaine shot his lover, Arthur Rimbaud – missing his aim, and injuring only his wrist. Rimbaud was to spend ten days in hospital as a result – Verlaine, two years in prison.

Verlaine (1844-1896) and Rimbaud (1854-1891) first met in September 1871, when the young genius recited his Bateau ivre in Paris. Two years earlier, Verlaine had married Mathilde Mauté, who gave birth to a son in October 1871. From their first meeting, the two poets became inseparable, leaving Verlaine more and more estranged from family life. In March 1872, during a reconciliation between Verlaine and his wife, he ‘exiled’ Rimbaud to his native Charleville, where he was to compose some of his most beautiful poems. Rimbaud then returned to Paris, and the two friends ran away together, first to Belgium, where Mathilde tried without success to ‘recover’ her husband, then, in September 1872, to London. They were to spend seven months in the city in a feverish existence, dogged by financial worries, and rejected by the French political exiles who had initially welcomed them. Verlaine worked during this period on his Romances sans paroles.

A last stay in London in May to June 1873 ended with a vicious argument, whereupon Verlaine left the city on 3 July, abandoning Rimbaud, and heading for Brussels, where his lover eventually joined him. On 10 July, after a further series of quarrels, Rimbaud announced his decision to leave for Paris. It was then that Verlaine fired two shots at him, with the cry ‘Voilà pour toi puisque tu pars’ [This will teach you to leave me]. Having been bandaged up at the hospital, Rimbaud resumed his intention of leaving for Paris. When Verlaine again threatened him with the pistol, Rimbaud called a policeman to his aid, who promptly arrested both poets. Thus began the ‘affaire de Bruxelles’, well known from the statements, depositions and correspondence between the two poets which are preserved in the Brussels Bibliothèque royale, together with the manuscript of Rimbaud’s complex, ambiguous poem, Le bon disciple.

In view of his relationship with Rimbaud, his conduct towards his wife and a supposed involvement with the Paris Commune, Verlaine stood little chance of clemency: on 8 August 1873 he was sentenced to two years’ imprisonment, which he was to serve in the prison at Mons where he wrote the poems later published as Cellulairement. In October 1873 Rimbaud’s legendary Une saison en enfer was printed by Jacques Pont in Brussels. Verlaine and Rimbaud were to see each other one last time in Stuttgart in February 1875, after Verlaine’s release, when Rimbaud gave his friend the manuscript of Les Illuminations.

As for the revolver, it was confiscated by the police, and returned to the Montigny gunsmiths where Verlaine had bought it for a ballistics report. Its serial number 14096 corresponds with the entry against Verlaine’s name in the firm’s register, which was deposited with the Brussels police after the company finally closed in 1981.

B. Bousmanne, Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine. L'Affaire de Bruxelles, Paris, 2006. B. Bousmanne, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, 2015.

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Margaux Zoi
Margaux Zoi

Lot Essay

CE REVOLVER, d’un modèle très répandu, fabriqué à Liège dans les années 1870 (poinçon ELG en usage de 1846 à 1893), est un VÉRITABLE MONUMENT LITTÉRAIRE. Il a été acquis par Verlaine le matin du 10 juillet 1873 chez un armurier des galeries Saint-Hubert à Bruxelles. L’après-midi, Verlaine tente de tuer Rimbaud, vise mal et n’atteint que son poignet. Rimbaud passera dix jours à l’hôpital, et Verlaine deux ans en prison.

Verlaine (1844-1896) et Rimbaud (1854-1891) se connaissent depuis septembre 1871, quand le jeune prodige lit son Bateau ivre à Paris. Verlaine a épousé un an plus tôt Mathilde Mauté qui lui donne un fils en octobre 1871. Depuis leur rencontre, les deux amis ne se quittent plus et Verlaine supporte de plus en plus difficilement la vie de famille. En mars 1872, lors d’une réconciliation entre Verlaine et sa femme, Paul « exile » Arthur à Charleville où il compose quelques-uns de ses plus beaux poèmes. Puis Rimbaud rentre à Paris, et les deux amis s’enfuient ensemble, d’abord en Belgique, où Mathilde ne réussit pas à « récupérer » son mari, puis à Londres en septembre 1872. Ils y passeront sept mois d’une existence fiévreuse, hantée par les soucis financiers, rejetés par les cercles des proscrits français qui les y avaient accueillis. Verlaine travaille à ses Romances sans paroles.
Un ultime séjour londonien en mai-juin 1873 se solde par une dispute terrible, Verlaine quitte Londres en y abandonnant Rimbaud le 3 juillet et arrive à Bruxelles, où Rimbaud le rejoint. Nouvelles disputes, Arthur décide le 10 juillet de rentrer à Paris. Paul tire sur lui à deux reprises : « Voilà pour toi puisque tu pars ! ». A peine pansé à l’hôpital, Rimbaud reprend son projet de départ. Verlaine le menaçant à nouveau de son arme, il appelle au secours un policier qui arrête tout le monde. Ainsi débute l’affaire de Bruxelles, connue dans le détail car les procès-verbaux, dépositions et correspondances entre les deux poètes sont conservés à la Bibliothèque royale, avec le manuscrit du poème complexe et ambigu Le bon disciple.
Sa relation avec Rimbaud, sa conduite envers sa femme, et une supposée implication dans la Commune ne lui laissent aucune chance : Verlaine est condamné le 8 août 1873 à 2 ans de prison, peine qu’il effectue à la prison de Mons où il écrit les poèmes de Cellulairement. Deux mois plus tard, en octobre, sort de chez l’imprimeur Jacques Poot à Bruxelles Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations.
Quant au revolver, confisqué par la police, il fut rendu pour expertise balistique à la maison Montigny qui l’avait vendu à Verlaine. Il porte le numéro de série 14096, et c’est le nom de Verlaine qui figure en face de ce numéro dans le registre des armes de l’armurier, déposé à la gendarmerie depuis la fermeture de l’établissement en 1981.

B. Bousmanne, Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine. L'Affaire de Bruxelles, Paris, 2006. B. Bousmanne, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, 2015.

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