Lot Essay
CE REVOLVER, d’un modèle très répandu, fabriqué à Liège dans les années 1870 (poinçon ELG en usage de 1846 à 1893), est un VÉRITABLE MONUMENT LITTÉRAIRE. Il a été acquis par Verlaine le matin du 10 juillet 1873 chez un armurier des galeries Saint-Hubert à Bruxelles. L’après-midi, Verlaine tente de tuer Rimbaud, vise mal et n’atteint que son poignet. Rimbaud passera dix jours à l’hôpital, et Verlaine deux ans en prison.
Verlaine (1844-1896) et Rimbaud (1854-1891) se connaissent depuis septembre 1871, quand le jeune prodige lit son Bateau ivre à Paris. Verlaine a épousé un an plus tôt Mathilde Mauté qui lui donne un fils en octobre 1871. Depuis leur rencontre, les deux amis ne se quittent plus et Verlaine supporte de plus en plus difficilement la vie de famille. En mars 1872, lors d’une réconciliation entre Verlaine et sa femme, Paul « exile » Arthur à Charleville où il compose quelques-uns de ses plus beaux poèmes. Puis Rimbaud rentre à Paris, et les deux amis s’enfuient ensemble, d’abord en Belgique, où Mathilde ne réussit pas à « récupérer » son mari, puis à Londres en septembre 1872. Ils y passeront sept mois d’une existence fiévreuse, hantée par les soucis financiers, rejetés par les cercles des proscrits français qui les y avaient accueillis. Verlaine travaille à ses Romances sans paroles.
Un ultime séjour londonien en mai-juin 1873 se solde par une dispute terrible, Verlaine quitte Londres en y abandonnant Rimbaud le 3 juillet et arrive à Bruxelles, où Rimbaud le rejoint. Nouvelles disputes, Arthur décide le 10 juillet de rentrer à Paris. Paul tire sur lui à deux reprises : « Voilà pour toi puisque tu pars ! ». A peine pansé à l’hôpital, Rimbaud reprend son projet de départ. Verlaine le menaçant à nouveau de son arme, il appelle au secours un policier qui arrête tout le monde. Ainsi débute l’affaire de Bruxelles, connue dans le détail car les procès-verbaux, dépositions et correspondances entre les deux poètes sont conservés à la Bibliothèque royale, avec le manuscrit du poème complexe et ambigu Le bon disciple.
Sa relation avec Rimbaud, sa conduite envers sa femme, et une supposée implication dans la Commune ne lui laissent aucune chance : Verlaine est condamné le 8 août 1873 à 2 ans de prison, peine qu’il effectue à la prison de Mons où il écrit les poèmes de Cellulairement. Deux mois plus tard, en octobre, sort de chez l’imprimeur Jacques Poot à Bruxelles Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations.
Quant au revolver, confisqué par la police, il fut rendu pour expertise balistique à la maison Montigny qui l’avait vendu à Verlaine. Il porte le numéro de série 14096, et c’est le nom de Verlaine qui figure en face de ce numéro dans le registre des armes de l’armurier, déposé à la gendarmerie depuis la fermeture de l’établissement en 1981.
B. Bousmanne, Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine. L'Affaire de Bruxelles, Paris, 2006. B. Bousmanne, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, 2015.
Verlaine (1844-1896) et Rimbaud (1854-1891) se connaissent depuis septembre 1871, quand le jeune prodige lit son Bateau ivre à Paris. Verlaine a épousé un an plus tôt Mathilde Mauté qui lui donne un fils en octobre 1871. Depuis leur rencontre, les deux amis ne se quittent plus et Verlaine supporte de plus en plus difficilement la vie de famille. En mars 1872, lors d’une réconciliation entre Verlaine et sa femme, Paul « exile » Arthur à Charleville où il compose quelques-uns de ses plus beaux poèmes. Puis Rimbaud rentre à Paris, et les deux amis s’enfuient ensemble, d’abord en Belgique, où Mathilde ne réussit pas à « récupérer » son mari, puis à Londres en septembre 1872. Ils y passeront sept mois d’une existence fiévreuse, hantée par les soucis financiers, rejetés par les cercles des proscrits français qui les y avaient accueillis. Verlaine travaille à ses Romances sans paroles.
Un ultime séjour londonien en mai-juin 1873 se solde par une dispute terrible, Verlaine quitte Londres en y abandonnant Rimbaud le 3 juillet et arrive à Bruxelles, où Rimbaud le rejoint. Nouvelles disputes, Arthur décide le 10 juillet de rentrer à Paris. Paul tire sur lui à deux reprises : « Voilà pour toi puisque tu pars ! ». A peine pansé à l’hôpital, Rimbaud reprend son projet de départ. Verlaine le menaçant à nouveau de son arme, il appelle au secours un policier qui arrête tout le monde. Ainsi débute l’affaire de Bruxelles, connue dans le détail car les procès-verbaux, dépositions et correspondances entre les deux poètes sont conservés à la Bibliothèque royale, avec le manuscrit du poème complexe et ambigu Le bon disciple.
Sa relation avec Rimbaud, sa conduite envers sa femme, et une supposée implication dans la Commune ne lui laissent aucune chance : Verlaine est condamné le 8 août 1873 à 2 ans de prison, peine qu’il effectue à la prison de Mons où il écrit les poèmes de Cellulairement. Deux mois plus tard, en octobre, sort de chez l’imprimeur Jacques Poot à Bruxelles Une saison en enfer. Verlaine et Rimbaud se reverront une dernière fois après la libération du premier, en février 1875, à Stuttgart où Rimbaud remet à son ami le manuscrit des Illuminations.
Quant au revolver, confisqué par la police, il fut rendu pour expertise balistique à la maison Montigny qui l’avait vendu à Verlaine. Il porte le numéro de série 14096, et c’est le nom de Verlaine qui figure en face de ce numéro dans le registre des armes de l’armurier, déposé à la gendarmerie depuis la fermeture de l’établissement en 1981.
B. Bousmanne, Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine. L'Affaire de Bruxelles, Paris, 2006. B. Bousmanne, Verlaine en Belgique. Cellule 252. Turbulences poétiques, Bruxelles, 2015.