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Le buste ici présent, de Madame Jean-Isaac de Théllusson de Sorcy (1770-1845), appartient aux corpus des bustes du sculpteur français Jean-Antoine Houdon créés sous l'Ancien Régime. Il a été commandé par l'époux du modèle en 1791, qui malgré les troubles révolutionnaires sollicita les meilleurs artistes de l'époque pour représenter les membres de sa famille.
Nous connaissons trois bustes de la composition actuelle représentant Madame de Théllusson de Sorcy : un modèle en plâtre de l’ancienne collection de Mme de Mitry née de Wendel, le marbre de la vente de la collection du baron Cassel (2 décembre 1954), adjugé à M. Edmond Courty (le buste ici présent), et enfin une variante en bronze datée de 1791 qui se trouve aujourd'hui au Detroit Institute of Arts (Réau, op. cit. p. 53).
Jean-Antoine Houdon (1741-1828)
Jean-Antoine Houdon (1741-1828) fut l’un des sculpteurs les plus réputés de la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est par la qualité de ses portraits, précis et vivants de personnalités de son temps, qu’il se forgea une notoriété incontestable et une place de choix parmi l’élite de son époque, proche de la royauté, à l’égal des philosophes et d’autres artistes. Ses mécènes appréciaient particulièrement sa capacité à insuffler de la vie au marbre et son talent pour capturer la personnalité de ses modèles. On lui prêtait une qualité unique à façonner et amollir le marbre qui donnait un rendu d’élasticité de la peau tout à fait unique.
En 1743, le père de Houdon devint concierge de l’hôtel parisien du Comte Lamotte qui devint l’Ecole Royale des Elèves Protégés en 1749. C'est à partir de ce moment que Houdon se trouva en contact avec les arts. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse à Versailles. A quinze ans, il entra comme élève à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, où il se forma auprès de Michel-Ange Slodtz (1705-1764), Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785) et Jean-Baptiste Lemoyne (1704-1778). Il obtint le Prix de Rome de sculpture en 1761 et étudia à la Villa Médicis à Rome entre 1764 et 1768. De retour à Paris en 1768, il devint membre de l'Académie. Il renforça ses contacts en visitant la Cour de Saxe pour laquelle il réalisa de nombreux bustes, et notamment la fameuse Diane qui par la suite devint la propriété de l'Impératrice de Russie Catherine II (1729-1796) ; le marbre est aujourd'hui au musée Gulbenkian de Lisbonne.
Sa carrière en Amérique
Houdon a joui d’une réputation internationale. En 1778, il se lia d’amitié avec Benjamin Franklin (1706-1790) et le corsaire John Paul (1747-1792) dont il réalisa les bustes lors de leur séjour à Paris. Houdon réalisa, depuis son atelier à Paris, un buste de Lafayette (1757-1834) à la demande de l’Etat de Virginie en 1781 pour le rôle éminent qu’il joua pendant la guerre d’Indépendance. Par la suite, le parlement du même Etat lui commanda une sculpture du général George Washington (1732-1799) sur la recommandation de ses amis Thomas Jefferson (1743-1826) et Benjamin Franklin. Il fut le premier sculpteur européen appelé aux Etats-Unis, continent jusqu’alors resté vierge de l’influence de l’art français. En 1785, Houdon se rendit donc en Amérique et séjourna pendant quatorze jours à Mount Vernon où il sculpta sa célèbre statue à l’effigie de George Washington qu’il n’acheva qu’en 1792. Elle fut érigée dans le capitole de la ville de Richmond. Durant son séjour, il réalisa plusieurs études de grands patriotes américains, et de retour en France continua de sculpter les bustes d’américains célèbres tels que de Thomas Jefferson, George Washington, Joël Barlow (1754-1812) ou bien encore Robert Fulton (1765-1815). Il incarna un lien d’une importance capitale pour les futures relations entre artistes français et américains.
Houdon revint à Paris en 1786 et épousa Marie-Ange Langlois (1765-1823) dont il eut trois filles. Il représenta l’ainée, Sabine, dès l’âge de dix mois en 1787, puis plusieurs fois au cours des années suivantes. Houdon se montra particulièrement inspiré pour immortaliser dans le marbre les caractéristiques physiques et expressives de ses filles. Houdon dut laisser son ciseau de côté pendant les années les plus mouvementées de la Révolution. Il évita de justesse la prison, voir un destin plus funeste, durant la période révolutionnaire. Il en réchappa grâce à l’intervention de Barrère (1755-1841) qui le défendit ardemment. Il reprit son travail à un rythme effréné dès les premières années postrévolutionnaires. En 1791, il présenta les bustes de Lafayette, Franklin, Bailly, Necker, Mirabeau et un bronze de la Frileuse au Salon.
Passées les années houleuses de la Révolution et du Directoire, il exécuta un nombre important de commandes pour Napoléon (1769-1821), sous l’Empire. En 1809, il reçut la légion d’honneur, symbole de la reconnaissance officielle de l’ensemble de son œuvre. Houdon continua à présenter régulièrement ses œuvres aux Salons jusqu’en 1814. Il se consacra par la suite à sa position de professeur de l’Ecole des Beaux-Arts. Il mourut le 15 juillet 1828 au palais de l’institut.
Dans un mémoire, écrit en 1794, Houdon résume ainsi sa carrière : « Je puis dire que je ne me suis livré véritablement qu’à deux études qui ont rempli ma vie entière, auxquelles j’ay consacré tout ce que j’ay gagné et que j’aurais rendu plus utile à ma patrie, si j’eusse été secondé et si j’eusse eu de la fortune : l’anatomie et la fonte des statues. » (Gandouin, op. cit., p. 19)
Sa renommée ne fît que grandir, au gré des nombreux bustes de grands personnages de son époque qu’il réalisa, représentant avec élégance et réalisme le caractère de ses modèles dans un style qui résonna avec l’esprit de son temps au point qu’on lui attribua le nom de « sculpteurs préféré des lumières ».
La famille Théllusson - une dynastie de mécènes
Le buste offert ici est une œuvre majeure de l'artiste, notamment en raison du raffinement et de la subtilité de la sculpture. Il témoigne de la maîtrise du sculpteur tant au niveau de la réalisation du drapé de la chemise, que de la chevelure, exécuté avec un grand réalisme, une liberté et une fantaisie. Il représente la comtesse de Théllusson de Sorcy, née Louise Rilliet (1770-1845). Les Rillet, famille bourgeoise Genevoise d’origine protestante, furent de grands amateurs d’art tout comme les Théllusson de Sorcy. Elle épousa Jean-Isaac de Théllusson de Sorcy (1764-1828) en 1787, une union particulièrement assortie compte tenu du milieu social auquel ils appartenaient et de leur goût commun pour l’art. Jean-Isaac, fils de Georges-Tobie de Théllusson (1728-1776), était lui-même un passionné d’art. Les enfants des Théllusson de Sorcy furent également éduqués dans la tradition familiale et représentés par des artistes dès leur plus jeune âge. On retient particulièrement le buste en plâtre de Chinard représentant le jeune Amable de Théllusson.
Georges-Tobie fonda la maison « Théllusson, Necker et Cie » et amassa une fortune considérable, qui fut essentiellement consacrée à la commande et l’acquisition d’œuvres et à la constitution d’un « cabinet » d’œuvres d’art.
Jean-Isaac Théllusson de Sorcy partagea la passion de son père qu’il cultiva avec beaucoup d’entrain et l’a transmis à ses enfants.
Commandes auprès des artistes les plus importants de l’époque
Alors que la menace de la Révolution planait et que l’inquiétude des nobles et des plus fortunés allait en augmentant, les préoccupations de Jean-Isaac semblèrent rester exclusivement tournées vers l’art. C’est son désir de conserver les traits des membres de sa famille ainsi que les siens qui le fit s’adresser aux plus grands artistes de son temps. Il commissionna notamment Jacques-Louis David (1748-1825) et Jean-Antoine Houdon (1741-1828) pour représenter sa femme.
Le charmant portrait de la comtesse, que David réalisa en 1790, la représente « assise, une écharpe habilement drapée dissimulant sa taille qu’une première grossesse avait épaissie » (De l’Ain, op. cit., p. 146). Jean-Isaac posa aussi pour David qui réalisa un portrait aux dimensions plus modestes. Sa peur grandissante de la Révolution dicta son choix vestimentaire. Il se fit désormais représenter en civil plutôt qu’en habit d’officier. Il alla même jusqu’à démissionner de sa charge d’officier en 1792, sans, paradoxalement, que la crainte et les dangers de la Révolution ne tarissent son goût pour l’art, et le rythme de ses commandes. Il fut arrêté en 1793 et retrouva en prison l’architecte Ledoux et le peintre David. Ils furent libérés en 1794. Jean-Isaac et son épouse vécurent par la suite des jours paisibles sous l’Empire et la Restauration.
La commission du buste de Madame de Théllusson
C’est en 1791 que Jean-Isaac fit appel à Houdon pour capturer les traits séduisants de son épouse. Il en résultat le portrait de Mme de Théllusson de Sorcy avec un léger embonpoint lié à ses grossesses, mais ces rondeurs n’enlevèrent rien de sa grâce, mettant même en valeur son expression éveillée et rieuse : ”la jeune femme semble surprise chez elle, à peine coiffée, ses boucles retombant négligemment de chaque côté de sa figure, vêtue d’une légère chemisette plissée, agrafée sur ses épaules et laissant apparaître ses bras découverts. Quelques roses fixées par un ruban au sommet de la tête sont le seul artifice ajouté par l’artiste à ce visage dont la coquetterie réside entièrement dans le regard brillant et le sourire léger» (De l’Ain, op. cit., p. 151). Le traitement des yeux est extraordinaire et donne une illusion de vie, grâce à des nuances d’ombres et de lumière. La douceur de son visage, l’espièglerie de son sourire et la délicatesse de ses fossettes en font l’une des œuvres les plus saisissantes du sculpteur avec cette impression d’être « pris sur le vif ».
Le talent de Houdon, mis au service d’un nouveau réalisme, répondait au goût des modèles de son époque, avides de se reconnaître dans la sublimation des portraits qu’il créa. La passion de Houdon pour ce travail de portraits lui permit de développer ses compétences techniques pour les mettre au service de ses goûts d'observateur et de psychologue, pour la plus grande satisfaction de ses modèles et commanditaires.
Son rayonnement de portraitiste forgeât autant qu’il le rencontrât le goût et l’esthétique de son temps. L’avènement d’un intérêt nouveau pour le portrait féminin firent dire à un commentateur tel que Louis Réau, à propos des nombreux bustes féminins qu’Houdon réalisa, que, « réalisés dans sa pleine maturité, ils sont peut-être encore supérieurs à ses bustes d’hommes » (Réau, op. cit., p. 317).
Parmi ses bustes féminins les plus célèbres on peut retenir celui de la marquise de Sabran, le buste de la comtesse de Cayla ou celui de la baronne de Houze. Cependant, le buste de la comtesse de Théllusson de Sorcy se distingue des autres bustes féminins de Houdon par un rendu exceptionnel de la grâce du naturel de son modèle, produisant un effet d’une rare délicatesse et d’une richesse de nuances sans égal. La réapparition de ce buste après plus de 65 ans et dans un remarquable état de conservation est un évènement majeur dans l’appréciation de l’œuvre du plus célèbre sculpteur du siècle des Lumières.
Nous connaissons trois bustes de la composition actuelle représentant Madame de Théllusson de Sorcy : un modèle en plâtre de l’ancienne collection de Mme de Mitry née de Wendel, le marbre de la vente de la collection du baron Cassel (2 décembre 1954), adjugé à M. Edmond Courty (le buste ici présent), et enfin une variante en bronze datée de 1791 qui se trouve aujourd'hui au Detroit Institute of Arts (Réau, op. cit. p. 53).
Jean-Antoine Houdon (1741-1828)
Jean-Antoine Houdon (1741-1828) fut l’un des sculpteurs les plus réputés de la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est par la qualité de ses portraits, précis et vivants de personnalités de son temps, qu’il se forgea une notoriété incontestable et une place de choix parmi l’élite de son époque, proche de la royauté, à l’égal des philosophes et d’autres artistes. Ses mécènes appréciaient particulièrement sa capacité à insuffler de la vie au marbre et son talent pour capturer la personnalité de ses modèles. On lui prêtait une qualité unique à façonner et amollir le marbre qui donnait un rendu d’élasticité de la peau tout à fait unique.
En 1743, le père de Houdon devint concierge de l’hôtel parisien du Comte Lamotte qui devint l’Ecole Royale des Elèves Protégés en 1749. C'est à partir de ce moment que Houdon se trouva en contact avec les arts. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse à Versailles. A quinze ans, il entra comme élève à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, où il se forma auprès de Michel-Ange Slodtz (1705-1764), Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785) et Jean-Baptiste Lemoyne (1704-1778). Il obtint le Prix de Rome de sculpture en 1761 et étudia à la Villa Médicis à Rome entre 1764 et 1768. De retour à Paris en 1768, il devint membre de l'Académie. Il renforça ses contacts en visitant la Cour de Saxe pour laquelle il réalisa de nombreux bustes, et notamment la fameuse Diane qui par la suite devint la propriété de l'Impératrice de Russie Catherine II (1729-1796) ; le marbre est aujourd'hui au musée Gulbenkian de Lisbonne.
Sa carrière en Amérique
Houdon a joui d’une réputation internationale. En 1778, il se lia d’amitié avec Benjamin Franklin (1706-1790) et le corsaire John Paul (1747-1792) dont il réalisa les bustes lors de leur séjour à Paris. Houdon réalisa, depuis son atelier à Paris, un buste de Lafayette (1757-1834) à la demande de l’Etat de Virginie en 1781 pour le rôle éminent qu’il joua pendant la guerre d’Indépendance. Par la suite, le parlement du même Etat lui commanda une sculpture du général George Washington (1732-1799) sur la recommandation de ses amis Thomas Jefferson (1743-1826) et Benjamin Franklin. Il fut le premier sculpteur européen appelé aux Etats-Unis, continent jusqu’alors resté vierge de l’influence de l’art français. En 1785, Houdon se rendit donc en Amérique et séjourna pendant quatorze jours à Mount Vernon où il sculpta sa célèbre statue à l’effigie de George Washington qu’il n’acheva qu’en 1792. Elle fut érigée dans le capitole de la ville de Richmond. Durant son séjour, il réalisa plusieurs études de grands patriotes américains, et de retour en France continua de sculpter les bustes d’américains célèbres tels que de Thomas Jefferson, George Washington, Joël Barlow (1754-1812) ou bien encore Robert Fulton (1765-1815). Il incarna un lien d’une importance capitale pour les futures relations entre artistes français et américains.
Houdon revint à Paris en 1786 et épousa Marie-Ange Langlois (1765-1823) dont il eut trois filles. Il représenta l’ainée, Sabine, dès l’âge de dix mois en 1787, puis plusieurs fois au cours des années suivantes. Houdon se montra particulièrement inspiré pour immortaliser dans le marbre les caractéristiques physiques et expressives de ses filles. Houdon dut laisser son ciseau de côté pendant les années les plus mouvementées de la Révolution. Il évita de justesse la prison, voir un destin plus funeste, durant la période révolutionnaire. Il en réchappa grâce à l’intervention de Barrère (1755-1841) qui le défendit ardemment. Il reprit son travail à un rythme effréné dès les premières années postrévolutionnaires. En 1791, il présenta les bustes de Lafayette, Franklin, Bailly, Necker, Mirabeau et un bronze de la Frileuse au Salon.
Passées les années houleuses de la Révolution et du Directoire, il exécuta un nombre important de commandes pour Napoléon (1769-1821), sous l’Empire. En 1809, il reçut la légion d’honneur, symbole de la reconnaissance officielle de l’ensemble de son œuvre. Houdon continua à présenter régulièrement ses œuvres aux Salons jusqu’en 1814. Il se consacra par la suite à sa position de professeur de l’Ecole des Beaux-Arts. Il mourut le 15 juillet 1828 au palais de l’institut.
Dans un mémoire, écrit en 1794, Houdon résume ainsi sa carrière : « Je puis dire que je ne me suis livré véritablement qu’à deux études qui ont rempli ma vie entière, auxquelles j’ay consacré tout ce que j’ay gagné et que j’aurais rendu plus utile à ma patrie, si j’eusse été secondé et si j’eusse eu de la fortune : l’anatomie et la fonte des statues. » (Gandouin, op. cit., p. 19)
Sa renommée ne fît que grandir, au gré des nombreux bustes de grands personnages de son époque qu’il réalisa, représentant avec élégance et réalisme le caractère de ses modèles dans un style qui résonna avec l’esprit de son temps au point qu’on lui attribua le nom de « sculpteurs préféré des lumières ».
La famille Théllusson - une dynastie de mécènes
Le buste offert ici est une œuvre majeure de l'artiste, notamment en raison du raffinement et de la subtilité de la sculpture. Il témoigne de la maîtrise du sculpteur tant au niveau de la réalisation du drapé de la chemise, que de la chevelure, exécuté avec un grand réalisme, une liberté et une fantaisie. Il représente la comtesse de Théllusson de Sorcy, née Louise Rilliet (1770-1845). Les Rillet, famille bourgeoise Genevoise d’origine protestante, furent de grands amateurs d’art tout comme les Théllusson de Sorcy. Elle épousa Jean-Isaac de Théllusson de Sorcy (1764-1828) en 1787, une union particulièrement assortie compte tenu du milieu social auquel ils appartenaient et de leur goût commun pour l’art. Jean-Isaac, fils de Georges-Tobie de Théllusson (1728-1776), était lui-même un passionné d’art. Les enfants des Théllusson de Sorcy furent également éduqués dans la tradition familiale et représentés par des artistes dès leur plus jeune âge. On retient particulièrement le buste en plâtre de Chinard représentant le jeune Amable de Théllusson.
Georges-Tobie fonda la maison « Théllusson, Necker et Cie » et amassa une fortune considérable, qui fut essentiellement consacrée à la commande et l’acquisition d’œuvres et à la constitution d’un « cabinet » d’œuvres d’art.
Jean-Isaac Théllusson de Sorcy partagea la passion de son père qu’il cultiva avec beaucoup d’entrain et l’a transmis à ses enfants.
Commandes auprès des artistes les plus importants de l’époque
Alors que la menace de la Révolution planait et que l’inquiétude des nobles et des plus fortunés allait en augmentant, les préoccupations de Jean-Isaac semblèrent rester exclusivement tournées vers l’art. C’est son désir de conserver les traits des membres de sa famille ainsi que les siens qui le fit s’adresser aux plus grands artistes de son temps. Il commissionna notamment Jacques-Louis David (1748-1825) et Jean-Antoine Houdon (1741-1828) pour représenter sa femme.
Le charmant portrait de la comtesse, que David réalisa en 1790, la représente « assise, une écharpe habilement drapée dissimulant sa taille qu’une première grossesse avait épaissie » (De l’Ain, op. cit., p. 146). Jean-Isaac posa aussi pour David qui réalisa un portrait aux dimensions plus modestes. Sa peur grandissante de la Révolution dicta son choix vestimentaire. Il se fit désormais représenter en civil plutôt qu’en habit d’officier. Il alla même jusqu’à démissionner de sa charge d’officier en 1792, sans, paradoxalement, que la crainte et les dangers de la Révolution ne tarissent son goût pour l’art, et le rythme de ses commandes. Il fut arrêté en 1793 et retrouva en prison l’architecte Ledoux et le peintre David. Ils furent libérés en 1794. Jean-Isaac et son épouse vécurent par la suite des jours paisibles sous l’Empire et la Restauration.
La commission du buste de Madame de Théllusson
C’est en 1791 que Jean-Isaac fit appel à Houdon pour capturer les traits séduisants de son épouse. Il en résultat le portrait de Mme de Théllusson de Sorcy avec un léger embonpoint lié à ses grossesses, mais ces rondeurs n’enlevèrent rien de sa grâce, mettant même en valeur son expression éveillée et rieuse : ”la jeune femme semble surprise chez elle, à peine coiffée, ses boucles retombant négligemment de chaque côté de sa figure, vêtue d’une légère chemisette plissée, agrafée sur ses épaules et laissant apparaître ses bras découverts. Quelques roses fixées par un ruban au sommet de la tête sont le seul artifice ajouté par l’artiste à ce visage dont la coquetterie réside entièrement dans le regard brillant et le sourire léger» (De l’Ain, op. cit., p. 151). Le traitement des yeux est extraordinaire et donne une illusion de vie, grâce à des nuances d’ombres et de lumière. La douceur de son visage, l’espièglerie de son sourire et la délicatesse de ses fossettes en font l’une des œuvres les plus saisissantes du sculpteur avec cette impression d’être « pris sur le vif ».
Le talent de Houdon, mis au service d’un nouveau réalisme, répondait au goût des modèles de son époque, avides de se reconnaître dans la sublimation des portraits qu’il créa. La passion de Houdon pour ce travail de portraits lui permit de développer ses compétences techniques pour les mettre au service de ses goûts d'observateur et de psychologue, pour la plus grande satisfaction de ses modèles et commanditaires.
Son rayonnement de portraitiste forgeât autant qu’il le rencontrât le goût et l’esthétique de son temps. L’avènement d’un intérêt nouveau pour le portrait féminin firent dire à un commentateur tel que Louis Réau, à propos des nombreux bustes féminins qu’Houdon réalisa, que, « réalisés dans sa pleine maturité, ils sont peut-être encore supérieurs à ses bustes d’hommes » (Réau, op. cit., p. 317).
Parmi ses bustes féminins les plus célèbres on peut retenir celui de la marquise de Sabran, le buste de la comtesse de Cayla ou celui de la baronne de Houze. Cependant, le buste de la comtesse de Théllusson de Sorcy se distingue des autres bustes féminins de Houdon par un rendu exceptionnel de la grâce du naturel de son modèle, produisant un effet d’une rare délicatesse et d’une richesse de nuances sans égal. La réapparition de ce buste après plus de 65 ans et dans un remarquable état de conservation est un évènement majeur dans l’appréciation de l’œuvre du plus célèbre sculpteur du siècle des Lumières.