Lot Essay
Parmi les nombreux récits de Chateaubriand, peu donnèrent lieu à autant de représentations qu’Atala durant la période romantique. Publié en 1801, le roman relate l’histoire de Chactas, jeune indigène nord-américain élevé par un espagnol, qui, après être retourné dans sa tribu et avoir été fait prisonnier par une tribu rivale, est libéré grâce à Atala, jeune indienne convertie au christianisme. Un amour naît entre eux, hélas contrarié par le vœu formulé par Atala auprès de sa mère de rester vierge. Devant l’impossibilité de concilier son amour pour Chactas, qui a pourtant promis de se convertir pour elle, et la promesse faite à sa mère, Atala choisit le suicide, laissant le jeune indien inconsolable.
Éxécuté en 1826, le tableau fait évidemment écho à celui peint près de vingt ans plus tôt, par Girodet (Paris, musée du Louvre). Dans une vision moins narrative, Rioult a choisi de mettre l’accent sur la douleur de Chactas, représenté seul, assis et accablé devant la tombe de son aimée marquée d’une croix de bois rustique à côté de laquelle sont gravés, sur un rocher, les mots suivants, tirés du Livre de Job : « J’ai passé comme la fleur, j’ai séché comme l’herbe des champs ».
Louis Édouard Rioult n’a pas encore bénéficié de la reconnaissance qu’il mérite. Élève de David et de Regnault, il expose au Salon en tant que peintre d’histoire tout d’abord, puis se tourne progressivement vers le genre du portrait à partir des années 1830. Second Prix de Rome en 1814, il reçoit également plusieurs médailles en 1824, puis en 1838. Atteint par une affection nerveuse, il perd l’usage de sa main droite en 1820, mais parviendra à poursuivre sa carrière avec bonheur en usant de sa main gauche. Théophile Gautier, qui – du temps où il voulait devenir peintre – avait été son élève, le décrivait comme « un homme d’une laideur bizarre et spirituelle, qu’une paralysie forçait (...) à peindre de la main gauche, et qui n’en était pas moins adroit ». Chactas au tombeau d’Atala prouve qu’en effet Rioult avait gardé, malgré son infirmité, l’intégralité de son talent.
Il n’est par ailleurs pas surprenant que cette œuvre ait été exposée au Salon de 1827, le Salon du Sardanapale de Delacroix, symbole du renversement de valeurs dans la peinture au profit du romantisme. La vision de Rioult correspond parfaitement à cette évolution. L’accent porté sur les sentiments du jeune indien, l’éclairage lunaire, le climat ténébreux s’éloignent définitivement du monde néoclassique de David. L’artiste capture avec subtilité la mélancolie et le caractère crépusculaire du récit de Chateaubriand, et plonge Chactas dans une morbide méditation sur le sens de l’existence humaine.
Le goût pour une certaine précision ethnographique dont fait preuve Rioult, qui a pris soin de faire figurer des artefacts nord-américains dans son œuvre (l’arc et le carquois, les boucles d’oreilles de Chactas…), est également une marque de ces changements et d’une curiosité nouvelle pour les contrées lointaines.
Éxécuté en 1826, le tableau fait évidemment écho à celui peint près de vingt ans plus tôt, par Girodet (Paris, musée du Louvre). Dans une vision moins narrative, Rioult a choisi de mettre l’accent sur la douleur de Chactas, représenté seul, assis et accablé devant la tombe de son aimée marquée d’une croix de bois rustique à côté de laquelle sont gravés, sur un rocher, les mots suivants, tirés du Livre de Job : « J’ai passé comme la fleur, j’ai séché comme l’herbe des champs ».
Louis Édouard Rioult n’a pas encore bénéficié de la reconnaissance qu’il mérite. Élève de David et de Regnault, il expose au Salon en tant que peintre d’histoire tout d’abord, puis se tourne progressivement vers le genre du portrait à partir des années 1830. Second Prix de Rome en 1814, il reçoit également plusieurs médailles en 1824, puis en 1838. Atteint par une affection nerveuse, il perd l’usage de sa main droite en 1820, mais parviendra à poursuivre sa carrière avec bonheur en usant de sa main gauche. Théophile Gautier, qui – du temps où il voulait devenir peintre – avait été son élève, le décrivait comme « un homme d’une laideur bizarre et spirituelle, qu’une paralysie forçait (...) à peindre de la main gauche, et qui n’en était pas moins adroit ». Chactas au tombeau d’Atala prouve qu’en effet Rioult avait gardé, malgré son infirmité, l’intégralité de son talent.
Il n’est par ailleurs pas surprenant que cette œuvre ait été exposée au Salon de 1827, le Salon du Sardanapale de Delacroix, symbole du renversement de valeurs dans la peinture au profit du romantisme. La vision de Rioult correspond parfaitement à cette évolution. L’accent porté sur les sentiments du jeune indien, l’éclairage lunaire, le climat ténébreux s’éloignent définitivement du monde néoclassique de David. L’artiste capture avec subtilité la mélancolie et le caractère crépusculaire du récit de Chateaubriand, et plonge Chactas dans une morbide méditation sur le sens de l’existence humaine.
Le goût pour une certaine précision ethnographique dont fait preuve Rioult, qui a pris soin de faire figurer des artefacts nord-américains dans son œuvre (l’arc et le carquois, les boucles d’oreilles de Chactas…), est également une marque de ces changements et d’une curiosité nouvelle pour les contrées lointaines.