Lot Essay
Ce remarquable secrétaire en marqueterie est signé par George Haupt, le plus célèbre des ébénistes suédois, actif à la fin du XVIIIe siècle. Ses créations, ornées de somptueuses marqueteries, le rapprochent de son contemporain J.-H. Riesener; comme lui, il a bénéficié du soutien royal tout au long de sa carrière.
GEORG HAUPT
Georg Haupt (1741-1784), ébéniste incontournable de la période Gustavienne en Suède, est un des artisans et designers à qui on peut véritablement attribuer la création du style Gustavien en mobilier. La plupart de ses créations sont des secrétaires et des commodes, marquetés avec des ornements néoclassiques tels que guirlandes, médaillons, urnes… et ornés de délicats bronzes dorés. Illustrant sa parfaite maîtrise technique, le mobilier de Haupt est toujours exécuté avec des bois d’une grande qualité, tant pour le placage que pour la construction.
Notons que le père de Haupt, Elias Haupt, ainsi que son grand-père, Georg Haupt l’Ancien, étaient ébénistes de la Cour à Stockholm. Elias Haupt décède alors que son fils n’a que trois ans ; ce dernier, dès 1754, débute son apprentissage auprès du maître ébéniste Johan Conrad Eckstein. Il commence probablement à y produire des meubles dans le style roroco alors en vogue et reste cinq années auprès de Eckstein avant de devenir compagnon. Tout au long de ses sept années de compagnonnage à travers l’Europe, Haupt apprend l’art de la marqueterie et est le témoin de l’évolution progressive entre le style rococo et le style néoclassique. Il voyage d’abord à Amsterdam, en 1763, puis à Paris, probablement en 1764. En 1766, on retrouve Haupt dans l’atelier de Simon Oeben aux Gobelins. Durant l’hiver 1766-67 il travaille au château de Chanteloup, probablement pour le compte d’Oeben, et réalise un grand bureau d’acajou pour le duc de Choiseul.
La dernière destination de Haupt est Londres, où il arrive fin 1767 ou début 1768. Il y travaille tout d’abord pour John Linell qui dirigeait un des plus grands ateliers londoniens et qui bénéficiait d’une importante et prestigieuse clientèle.
Mais Haupt quitte rapidement cet atelier afin d’établir le sien. La première des pièces identifiées de Haupt exécutée dans son propre style, avec une marqueterie gravée, est une petite table carrée conservée au Victoria & Albert Museum. Elle est signée de Haupt, datée du 4 février 1769 et possède une dédicace à Sir William Chambers, un des architectes britanniques majeurs de cette époque, lequel avait commandé et dessiné cette table, destinée à son propre usage.
LE RETOUR EN SUEDE
Le 17 juillet 1769, Georg Haupt est nommé Ébeniste du Roi auprès d’Adolphe Frédéric de Suède. C’est peut-être Chambers qui l’avait recommandé pour ce poste. En effet, Chambers, né à Gothenburg, était resté proche de la cour suédoise. Dès son retour à Stockholm, il reçoit la commande du roi d’un bureau destiné à la reine Louisa Ulrika. Ce bureau est peut être le premier meuble néoclassique réalisé en Suède ; il est livré au roi en 1770, quelques semaines avant Noël. Il s’agissait probablement du cadeau de Noël du monarque à son épouse.
La jurande des maîtres ébénistes de Stockholm accepte ce bureau comme chef-d’oeuvre de maîtrise lors de sa réunion de décembre 1770. Cela permet à Haupt d’établir son propre atelier en 1771 et de recevoir des commandes, tant de la famille royale que d’autres clients.
Son atelier était d’une surprenante modestie ; Haupt employait généralement trois ou quatre compagnons et autant d’apprentis. Certes, la famille royale était son principal client ; néanmoins il développa parallèlement une clientèle d’aristocrates, d’hommes affaires fortunés et de diplomates en poste à Stockholm. La plupart de ses commandes royales étant privées, il est malheureusement très difficile d’identifier les meubles en question, la plupart des registres ayant disparu.
Parmi ses pièces les plus célèbres et les plus élaborées figure son cabinet de minéralogie réalisé d’après les dessins de l’architecte Jean Eric Rehn et commandé par Gustave III en 1773 comme cadeau pour le prince de Condé. Il est aujourd’hui conservé au château de Chantilly. A la suite de cette commande monumentale, le roi resta le principal client d’Haupt. La plupart des pièces les plus luxueuses de l’ébéniste sont d’ailleurs toujours conservées dans les collections royales suédoises, au Palais Royal de Stockholm, à Drottningholm, Gripsholm, Haga, Tullgarn et au palais de la princesse Sophie-Albertine. L’influence de Simon Oeben, ébéniste du Roi, de son successeur Riesener et de leurs émules parisiens sont évidentes dans le travail de Haupt. Cependant, il existe aussi des influences anglaises avec les oeuvres qu’il a pu réaliser dans l’atelier de John Linnell à Londres. Haupt produisait une large typologie de mobilier et il est possible de lui attribuer l’introduction en Suède de la forme française du secrétaire à abatant reposant sur de hauts pieds.
Notre meuble, qui appartient à un corpus très restreint (cf. exemplaires cités ci-après), est un formidable exemple de son grand talent de marqueteur. Le secrétaire allait rapidement devenir un meuble très populaire et plusieurs autres ébénistes en déclinèrent leurs propres versions. Pour ses marqueteries, Haupt lui-même resta proche de la tradition de la marqueterie française à la fois exubérante et naturaliste. Il utilisa plusieurs types de motifs; ses plus anciens, de la première moitié des années 1770, représentèrent de larges trophées ou des natures mortes. Parmi les motifs plus tardifs, les rubans et les guirlandes de feuilles de laurier en association avec un médaillon sont fréquents. A l’intérieur des panneaux de marqueterie, Haupt utilisait une technique de placage de bois exotiques gravés de détails et colorés en noir. Il utilisait en général le bouleau, bois indigène, pour le fond des marqueteries, parfois teinté en noir, alternative au bois satiné en usage en Angleterre.
HISTORIQUE
En 1901, notre meuble appartenait à Madame Anna Edelstam (1848-1922), une des filles du baron Carl Hierta et principale dame d’honneur de la reine Sophie de Suède. Il fut acquis, probablement à la mort d’Anna Edelstam, par l’illustre collectionneur, ingénieur et industriel Sten Westerberg (1884-1956), propriétaire du manoir de Beatelund dans les environs de Stockholm.
La provenance antérieure n’est pas complètement connue mais plusieurs des aïeuls du baron Hierta furent membres de la cour, ils ont pu acquérir le secrétaire directement auprès de Haupt, soit le recevoir en cadeau d’un membre de la famille royale. La baronne Hedvig Ridderstolpe, grand-mère du baron Hierta, fût par exemple dame de compagnie de la reine douairière Sophie-Madeleine, veuve de Gustave III.
LES SECRETAIRES DE GEORG HAUPT
Notre présent secrétaire est le comparable le plus proche de la paire réalisée en 1778 pour le Prince Adolphe Frédéric de Suède, toujours conservée dans sa résidence d’été de Tullgarn. Neuf autres secrétaires sont connus ainsi que quelques exemplaires non estampillés.
Parmi les autres secrétaires de Georg Haupt figurent :
Une paire réalisée pour le prince Adolphe Frédéric, Tullgarn Palace, l’un avec un profil masculin dans un médaillon, le second avec un profil féminin, daté 1778. Ils sont similaires à notre secrétaire.
Un autre secrétaire proche, avec un médaillon contenant le profil d’une femme, signé et daté 1779, provenant de la collection du baron Gustave Tamm (1838-1925). Il l’aurait acquis au manoir Iggesund dans les années 1870. En 1952, le meuble était en possession de son fils, l’amiral Fabian Tamm (mort en 1955). Il fut vendu par la maison de vente Bukowskis à Stockholm en 1963.
Le secrétaire de la collection du Nationalmuseum de Stockholm, il possède un médaillon central de taille plus réduite orné du portrait d’une femme assise. Il était noté comme dans la collection d’Ida Fischerström, née Aminoff (1835-1917) en 1901.
Celui à Övedskloster appartenant au baron Ramel possède un petit médaillon central marqueté d’un profil de femme. Il provient de la collection de la baronne Ulla Ramel, née comtesse Lewenhaupt (1787-1869).
Un autre secrétaire avec une guirlande de laurier plaquée sur l’abattant appartenait au Colonel Otto Ulfsparre af Broxvik (1794-1889) au manoir Gräfsnäs. Sa petite-fille Ottonia Uggla le mit en vente et sa localisation est inconnue.
Le secrétaire dans la collection du musée Nordiska à Stockholm, également orné de guirlandes, est signé et daté 1780, sa provenance est inconnue.
This superb marquetry secretaire is signed by Georg Haupt, the most celebrated Swedish cabinet-maker active in the late 18th Century. His beautiful marquetry furniture relates to that of his celebrated contemporary Jean-Henri Riesener; both artists enjoying Royal patronage throughout their careers.
GEORG HAUPT
Georg Haupt (1741-1784), the leading cabinet-maker during the Gustavian period in Sweden, is one of the craftsmen and designers that can be credited for creating the Gustavian style of furniture. The most important pieces executed by Haupt were secretaires and commodes, inlaid with superb marquetry garlands, medallions, urns and other classical motifs and embellished with fine ormolu mounts. Technically also very gifted, his furniture was made using superior veneers and fine construction woods to the interior.
It is interesting to note that both Haupt’s father, Elias Haupt, and his grandfather, Georg Haupt the Elder, were court cabinet-makers in Stockholm. His father Elias died when Haupt was only three years old and in 1754, he became apprenticed to the master cabinet-maker Johan Conrad Eckstein, where he probably started to produce pieces in the rococo style then in fashion. Haupt stayed with Eckstein for five years before becoming a journeyman himself.
During the seven years he trained as a journeyman throughout Europe, he learnt the art of parquetry and he witnessed the transition from the Rococo style to neoclassicism. He first travelled to Amsterdam in 1763 and then on to Paris, probably in 1764. In 1766 Haupt is found working in the atelier of Simon Oeben at the Gobelin manufactory. During the winter 1766-67 he worked at Château de Chanteloup, probably sent there by Oeben, making a large mahogany desk for the Duc de Choiseul.
Haupt’s last destination was London where he arrived late in 1767 or early 1768. Here he first worked for the cabinetmaker and designer John Linnell, who had one of the largest workshops in London as well as an important private clientele. Haupt soon left and set up on his own as a cabinetmaker. The first piece known to have been made by Haupt in his personal style with engraved inlays is a small square table now in the collection of the Victoria & Albert Museum. It is signed by Haupt and dated 4 February 1769 and has a dedication to Sir William Chambers, one of Britain’s leading architects at the time. It was Chambers who had designed and commissioned this table for himself.
RETURNING TO SWEDEN
On 17 July 1769 Georg Haupt was appointed court cabinet-maker, ‘Ébeniste du Roi’, to King Adolph Fredric of Sweden. It is possible that Chambers had recommended him for this position. Chambers had been born in Gothenburg and maintained good contacts with the Swedish Court. On Haupt’s arrival in Stockholm he was immediately commissioned by the King to make a desk for Queen Lovisa Ulrika. The desk, perhaps the first neoclassical piece of furniture made in Sweden, was delivered to the King a few weeks before Christmas 1770. It is presumed to have been given to the Queen that year as a Christmas gift from her indulgent husband.
The Cabinet Maker’s Guild in Stockholm approved Haupt’s desk as his masterpiece at their meeting in December 1770, the first such piece to be accepted. This meant that Haupt could set up his own workshop in 1771 and receive commissions not only from the royal family but from the public as well.
His workshop was surprisingly small and he usually had three to four journeymen and as many apprentices employed. The Royal family were his most important clients, but soon also leading aristocrats, wealthy businessmen and foreign diplomats in Stockholm became his clients. As most of his Royal commissions were private it is very difficult to identify individual pieces as most of the accounts are missing.
One of Haupt’s most famous and elaborate pieces is a mineral-cabinet made to a design by the architect Jean Eric Rehn, commissioned by Gustaf III in 1773 as a gift for the Prince de Condé, now at Château de Chantilly. Following this monumental commission, the King remained Haupt’s most important client. Many of Haupt’s most luxurious pieces are in fact still in the Swedish Royal collections at the Royal palace in Stockholm, Drottningholm, Gripsholm, Haga, Tullgarn and at Princess Sophia Albertina’s Palace (now the Foreign Office).
The influence of Royal cabinet-makers Jean-François Oeben, his successor Jean-Henri Riesener and their circle in Paris, is evident in Haupt’s work, but there are also English influences from pieces made in John Linnell’s workshop in London. Haupt had a broad repertoire of furniture types and can be credited by introducing the French type of secretaire à abattant on tall legs to Sweden; the present lot and a small group of related examples listed below are all superb examples of his meticulous skills as a gifted marquetteur. The secretaire was to become a very popular model and several other Stockholm cabinet makers soon made their own more simplified versions. Haupt himself stayed close to the traditions of exuberant and naturalistic French marquetry and used several types of inlaid decorations. His earlier motifs of the first half of the 1770's featured large figured trophies or still-lifes. Other popular motifs he used later were ribbons and garlands of laurel leaves in combination with a central medallion. The medallions often had a profile of a head or a flute-playing cherub (generally on the commodes) as a central motif. Within the marquetry panels, Haupt used a technique of complementing the inlays of exotic woods with engraved details that were coloured black. He generally used indigenous blond flame birch for the background veneers, sometimes stained dark. This was an alternative to satinwood he had seen used in England.
SECRETAIRES BY HAUPT
The present secretaire is closest related to a pair made in 1778 for Prince Fredric Adolph of Sweden that still are at his summer palace Tullgarn. Nine other signed secretaires are known as well as a few unsigned examples. In 1901, the present secretaire was owned by Mrs Anna Edelstam (1848-1922), a daughter of Baron Carl Hierta. She was a senior lady-in-waiting to Queen Sophie of Sweden. It was acquired (presumably after her death) by the legendary Swedish collector, civil engineer and industrialist Sten Westerberg (1884- 1956), the owner of Beatelund Manor outside Stockholm. The earlier provenance is not fully documented but several of Baron Hierta’s ancestors were courtiers and they had possibly acquired the piece directly from Haupt or either had received it as a gift from a member of the royal family. The Baron’s grandmother Baroness Hedvig Ridderstolpe had been a lady-in-waiting to the Dowager Queen Sophia Magdalena, Gustaf III’s widow.
OTHER SECRETAIRES BY GEORG HAUPT
- A pair made for Prince Fredric Adolph, Tullgarn Palace, one with male profile in a medallion as a central motif, the other with a female head, dated 1778. These are comparable to the present secretaire.
- Another similar secretaire, with a medallion inlaid with the profile of a lady, signed and dated 1779, has the provenance Baron Gustaf Tamm (1838-1925). He is said to have bought it from the Iggesund Manor in the 1870s. In 1952, this piece was owned by his son Rear Admiral Fabian Tamm (d. 1955). It was sold at Bukowskis Auction in Stockholm in 1963.
- The secretaire in the collection of the Nationalmuseum in Stockholm which has a central smaller medallion with a portrait of seated lady. This is listed in the collection of Ida Fischerström, née Aminoff (1835-1917) in 1901.
- The one at Övedskloster belonging to Baron Ramel has a small central medallion inlayed with a profile of a lady. This originates from the collection of Baroness Ulla Ramel, née Countess Lewenhaupt (1787-1869)
- A further secretaire with a garland of laurel leaves inlayed on the writing flap as décor belonged to Colonel Otto Ulfsparre af Broxvik (1794-1889) at Gräfsnäs Manor. His granddaughter Ottonia Uggla later sold it and whereabouts are unknown.
- The secretaire in the collection of the Nordiska museet in Stockholm, also with garlands, is signed and dated 1780; this example has no known provenance.
GEORG HAUPT
Georg Haupt (1741-1784), ébéniste incontournable de la période Gustavienne en Suède, est un des artisans et designers à qui on peut véritablement attribuer la création du style Gustavien en mobilier. La plupart de ses créations sont des secrétaires et des commodes, marquetés avec des ornements néoclassiques tels que guirlandes, médaillons, urnes… et ornés de délicats bronzes dorés. Illustrant sa parfaite maîtrise technique, le mobilier de Haupt est toujours exécuté avec des bois d’une grande qualité, tant pour le placage que pour la construction.
Notons que le père de Haupt, Elias Haupt, ainsi que son grand-père, Georg Haupt l’Ancien, étaient ébénistes de la Cour à Stockholm. Elias Haupt décède alors que son fils n’a que trois ans ; ce dernier, dès 1754, débute son apprentissage auprès du maître ébéniste Johan Conrad Eckstein. Il commence probablement à y produire des meubles dans le style roroco alors en vogue et reste cinq années auprès de Eckstein avant de devenir compagnon. Tout au long de ses sept années de compagnonnage à travers l’Europe, Haupt apprend l’art de la marqueterie et est le témoin de l’évolution progressive entre le style rococo et le style néoclassique. Il voyage d’abord à Amsterdam, en 1763, puis à Paris, probablement en 1764. En 1766, on retrouve Haupt dans l’atelier de Simon Oeben aux Gobelins. Durant l’hiver 1766-67 il travaille au château de Chanteloup, probablement pour le compte d’Oeben, et réalise un grand bureau d’acajou pour le duc de Choiseul.
La dernière destination de Haupt est Londres, où il arrive fin 1767 ou début 1768. Il y travaille tout d’abord pour John Linell qui dirigeait un des plus grands ateliers londoniens et qui bénéficiait d’une importante et prestigieuse clientèle.
Mais Haupt quitte rapidement cet atelier afin d’établir le sien. La première des pièces identifiées de Haupt exécutée dans son propre style, avec une marqueterie gravée, est une petite table carrée conservée au Victoria & Albert Museum. Elle est signée de Haupt, datée du 4 février 1769 et possède une dédicace à Sir William Chambers, un des architectes britanniques majeurs de cette époque, lequel avait commandé et dessiné cette table, destinée à son propre usage.
LE RETOUR EN SUEDE
Le 17 juillet 1769, Georg Haupt est nommé Ébeniste du Roi auprès d’Adolphe Frédéric de Suède. C’est peut-être Chambers qui l’avait recommandé pour ce poste. En effet, Chambers, né à Gothenburg, était resté proche de la cour suédoise. Dès son retour à Stockholm, il reçoit la commande du roi d’un bureau destiné à la reine Louisa Ulrika. Ce bureau est peut être le premier meuble néoclassique réalisé en Suède ; il est livré au roi en 1770, quelques semaines avant Noël. Il s’agissait probablement du cadeau de Noël du monarque à son épouse.
La jurande des maîtres ébénistes de Stockholm accepte ce bureau comme chef-d’oeuvre de maîtrise lors de sa réunion de décembre 1770. Cela permet à Haupt d’établir son propre atelier en 1771 et de recevoir des commandes, tant de la famille royale que d’autres clients.
Son atelier était d’une surprenante modestie ; Haupt employait généralement trois ou quatre compagnons et autant d’apprentis. Certes, la famille royale était son principal client ; néanmoins il développa parallèlement une clientèle d’aristocrates, d’hommes affaires fortunés et de diplomates en poste à Stockholm. La plupart de ses commandes royales étant privées, il est malheureusement très difficile d’identifier les meubles en question, la plupart des registres ayant disparu.
Parmi ses pièces les plus célèbres et les plus élaborées figure son cabinet de minéralogie réalisé d’après les dessins de l’architecte Jean Eric Rehn et commandé par Gustave III en 1773 comme cadeau pour le prince de Condé. Il est aujourd’hui conservé au château de Chantilly. A la suite de cette commande monumentale, le roi resta le principal client d’Haupt. La plupart des pièces les plus luxueuses de l’ébéniste sont d’ailleurs toujours conservées dans les collections royales suédoises, au Palais Royal de Stockholm, à Drottningholm, Gripsholm, Haga, Tullgarn et au palais de la princesse Sophie-Albertine. L’influence de Simon Oeben, ébéniste du Roi, de son successeur Riesener et de leurs émules parisiens sont évidentes dans le travail de Haupt. Cependant, il existe aussi des influences anglaises avec les oeuvres qu’il a pu réaliser dans l’atelier de John Linnell à Londres. Haupt produisait une large typologie de mobilier et il est possible de lui attribuer l’introduction en Suède de la forme française du secrétaire à abatant reposant sur de hauts pieds.
Notre meuble, qui appartient à un corpus très restreint (cf. exemplaires cités ci-après), est un formidable exemple de son grand talent de marqueteur. Le secrétaire allait rapidement devenir un meuble très populaire et plusieurs autres ébénistes en déclinèrent leurs propres versions. Pour ses marqueteries, Haupt lui-même resta proche de la tradition de la marqueterie française à la fois exubérante et naturaliste. Il utilisa plusieurs types de motifs; ses plus anciens, de la première moitié des années 1770, représentèrent de larges trophées ou des natures mortes. Parmi les motifs plus tardifs, les rubans et les guirlandes de feuilles de laurier en association avec un médaillon sont fréquents. A l’intérieur des panneaux de marqueterie, Haupt utilisait une technique de placage de bois exotiques gravés de détails et colorés en noir. Il utilisait en général le bouleau, bois indigène, pour le fond des marqueteries, parfois teinté en noir, alternative au bois satiné en usage en Angleterre.
HISTORIQUE
En 1901, notre meuble appartenait à Madame Anna Edelstam (1848-1922), une des filles du baron Carl Hierta et principale dame d’honneur de la reine Sophie de Suède. Il fut acquis, probablement à la mort d’Anna Edelstam, par l’illustre collectionneur, ingénieur et industriel Sten Westerberg (1884-1956), propriétaire du manoir de Beatelund dans les environs de Stockholm.
La provenance antérieure n’est pas complètement connue mais plusieurs des aïeuls du baron Hierta furent membres de la cour, ils ont pu acquérir le secrétaire directement auprès de Haupt, soit le recevoir en cadeau d’un membre de la famille royale. La baronne Hedvig Ridderstolpe, grand-mère du baron Hierta, fût par exemple dame de compagnie de la reine douairière Sophie-Madeleine, veuve de Gustave III.
LES SECRETAIRES DE GEORG HAUPT
Notre présent secrétaire est le comparable le plus proche de la paire réalisée en 1778 pour le Prince Adolphe Frédéric de Suède, toujours conservée dans sa résidence d’été de Tullgarn. Neuf autres secrétaires sont connus ainsi que quelques exemplaires non estampillés.
Parmi les autres secrétaires de Georg Haupt figurent :
Une paire réalisée pour le prince Adolphe Frédéric, Tullgarn Palace, l’un avec un profil masculin dans un médaillon, le second avec un profil féminin, daté 1778. Ils sont similaires à notre secrétaire.
Un autre secrétaire proche, avec un médaillon contenant le profil d’une femme, signé et daté 1779, provenant de la collection du baron Gustave Tamm (1838-1925). Il l’aurait acquis au manoir Iggesund dans les années 1870. En 1952, le meuble était en possession de son fils, l’amiral Fabian Tamm (mort en 1955). Il fut vendu par la maison de vente Bukowskis à Stockholm en 1963.
Le secrétaire de la collection du Nationalmuseum de Stockholm, il possède un médaillon central de taille plus réduite orné du portrait d’une femme assise. Il était noté comme dans la collection d’Ida Fischerström, née Aminoff (1835-1917) en 1901.
Celui à Övedskloster appartenant au baron Ramel possède un petit médaillon central marqueté d’un profil de femme. Il provient de la collection de la baronne Ulla Ramel, née comtesse Lewenhaupt (1787-1869).
Un autre secrétaire avec une guirlande de laurier plaquée sur l’abattant appartenait au Colonel Otto Ulfsparre af Broxvik (1794-1889) au manoir Gräfsnäs. Sa petite-fille Ottonia Uggla le mit en vente et sa localisation est inconnue.
Le secrétaire dans la collection du musée Nordiska à Stockholm, également orné de guirlandes, est signé et daté 1780, sa provenance est inconnue.
This superb marquetry secretaire is signed by Georg Haupt, the most celebrated Swedish cabinet-maker active in the late 18th Century. His beautiful marquetry furniture relates to that of his celebrated contemporary Jean-Henri Riesener; both artists enjoying Royal patronage throughout their careers.
GEORG HAUPT
Georg Haupt (1741-1784), the leading cabinet-maker during the Gustavian period in Sweden, is one of the craftsmen and designers that can be credited for creating the Gustavian style of furniture. The most important pieces executed by Haupt were secretaires and commodes, inlaid with superb marquetry garlands, medallions, urns and other classical motifs and embellished with fine ormolu mounts. Technically also very gifted, his furniture was made using superior veneers and fine construction woods to the interior.
It is interesting to note that both Haupt’s father, Elias Haupt, and his grandfather, Georg Haupt the Elder, were court cabinet-makers in Stockholm. His father Elias died when Haupt was only three years old and in 1754, he became apprenticed to the master cabinet-maker Johan Conrad Eckstein, where he probably started to produce pieces in the rococo style then in fashion. Haupt stayed with Eckstein for five years before becoming a journeyman himself.
During the seven years he trained as a journeyman throughout Europe, he learnt the art of parquetry and he witnessed the transition from the Rococo style to neoclassicism. He first travelled to Amsterdam in 1763 and then on to Paris, probably in 1764. In 1766 Haupt is found working in the atelier of Simon Oeben at the Gobelin manufactory. During the winter 1766-67 he worked at Château de Chanteloup, probably sent there by Oeben, making a large mahogany desk for the Duc de Choiseul.
Haupt’s last destination was London where he arrived late in 1767 or early 1768. Here he first worked for the cabinetmaker and designer John Linnell, who had one of the largest workshops in London as well as an important private clientele. Haupt soon left and set up on his own as a cabinetmaker. The first piece known to have been made by Haupt in his personal style with engraved inlays is a small square table now in the collection of the Victoria & Albert Museum. It is signed by Haupt and dated 4 February 1769 and has a dedication to Sir William Chambers, one of Britain’s leading architects at the time. It was Chambers who had designed and commissioned this table for himself.
RETURNING TO SWEDEN
On 17 July 1769 Georg Haupt was appointed court cabinet-maker, ‘Ébeniste du Roi’, to King Adolph Fredric of Sweden. It is possible that Chambers had recommended him for this position. Chambers had been born in Gothenburg and maintained good contacts with the Swedish Court. On Haupt’s arrival in Stockholm he was immediately commissioned by the King to make a desk for Queen Lovisa Ulrika. The desk, perhaps the first neoclassical piece of furniture made in Sweden, was delivered to the King a few weeks before Christmas 1770. It is presumed to have been given to the Queen that year as a Christmas gift from her indulgent husband.
The Cabinet Maker’s Guild in Stockholm approved Haupt’s desk as his masterpiece at their meeting in December 1770, the first such piece to be accepted. This meant that Haupt could set up his own workshop in 1771 and receive commissions not only from the royal family but from the public as well.
His workshop was surprisingly small and he usually had three to four journeymen and as many apprentices employed. The Royal family were his most important clients, but soon also leading aristocrats, wealthy businessmen and foreign diplomats in Stockholm became his clients. As most of his Royal commissions were private it is very difficult to identify individual pieces as most of the accounts are missing.
One of Haupt’s most famous and elaborate pieces is a mineral-cabinet made to a design by the architect Jean Eric Rehn, commissioned by Gustaf III in 1773 as a gift for the Prince de Condé, now at Château de Chantilly. Following this monumental commission, the King remained Haupt’s most important client. Many of Haupt’s most luxurious pieces are in fact still in the Swedish Royal collections at the Royal palace in Stockholm, Drottningholm, Gripsholm, Haga, Tullgarn and at Princess Sophia Albertina’s Palace (now the Foreign Office).
The influence of Royal cabinet-makers Jean-François Oeben, his successor Jean-Henri Riesener and their circle in Paris, is evident in Haupt’s work, but there are also English influences from pieces made in John Linnell’s workshop in London. Haupt had a broad repertoire of furniture types and can be credited by introducing the French type of secretaire à abattant on tall legs to Sweden; the present lot and a small group of related examples listed below are all superb examples of his meticulous skills as a gifted marquetteur. The secretaire was to become a very popular model and several other Stockholm cabinet makers soon made their own more simplified versions. Haupt himself stayed close to the traditions of exuberant and naturalistic French marquetry and used several types of inlaid decorations. His earlier motifs of the first half of the 1770's featured large figured trophies or still-lifes. Other popular motifs he used later were ribbons and garlands of laurel leaves in combination with a central medallion. The medallions often had a profile of a head or a flute-playing cherub (generally on the commodes) as a central motif. Within the marquetry panels, Haupt used a technique of complementing the inlays of exotic woods with engraved details that were coloured black. He generally used indigenous blond flame birch for the background veneers, sometimes stained dark. This was an alternative to satinwood he had seen used in England.
SECRETAIRES BY HAUPT
The present secretaire is closest related to a pair made in 1778 for Prince Fredric Adolph of Sweden that still are at his summer palace Tullgarn. Nine other signed secretaires are known as well as a few unsigned examples. In 1901, the present secretaire was owned by Mrs Anna Edelstam (1848-1922), a daughter of Baron Carl Hierta. She was a senior lady-in-waiting to Queen Sophie of Sweden. It was acquired (presumably after her death) by the legendary Swedish collector, civil engineer and industrialist Sten Westerberg (1884- 1956), the owner of Beatelund Manor outside Stockholm. The earlier provenance is not fully documented but several of Baron Hierta’s ancestors were courtiers and they had possibly acquired the piece directly from Haupt or either had received it as a gift from a member of the royal family. The Baron’s grandmother Baroness Hedvig Ridderstolpe had been a lady-in-waiting to the Dowager Queen Sophia Magdalena, Gustaf III’s widow.
OTHER SECRETAIRES BY GEORG HAUPT
- A pair made for Prince Fredric Adolph, Tullgarn Palace, one with male profile in a medallion as a central motif, the other with a female head, dated 1778. These are comparable to the present secretaire.
- Another similar secretaire, with a medallion inlaid with the profile of a lady, signed and dated 1779, has the provenance Baron Gustaf Tamm (1838-1925). He is said to have bought it from the Iggesund Manor in the 1870s. In 1952, this piece was owned by his son Rear Admiral Fabian Tamm (d. 1955). It was sold at Bukowskis Auction in Stockholm in 1963.
- The secretaire in the collection of the Nationalmuseum in Stockholm which has a central smaller medallion with a portrait of seated lady. This is listed in the collection of Ida Fischerström, née Aminoff (1835-1917) in 1901.
- The one at Övedskloster belonging to Baron Ramel has a small central medallion inlayed with a profile of a lady. This originates from the collection of Baroness Ulla Ramel, née Countess Lewenhaupt (1787-1869)
- A further secretaire with a garland of laurel leaves inlayed on the writing flap as décor belonged to Colonel Otto Ulfsparre af Broxvik (1794-1889) at Gräfsnäs Manor. His granddaughter Ottonia Uggla later sold it and whereabouts are unknown.
- The secretaire in the collection of the Nordiska museet in Stockholm, also with garlands, is signed and dated 1780; this example has no known provenance.