Lot Essay
Ce samovar, exceptionnel par sa qualité et sa composition, est une pièce unique en orfèvrerie française en 1768. Créé par l’un des orfèvres les plus doués de sa génération, cet objet commissionné par une famille originaire d’Ypres est un héritage indirect du commerce du thé instauré entre les Pays-Bas et la Russie dès la fin du XVIIème siècle.
ORIGINE DU SAMOVAR
Le mot samovar vient de deux mots russes, samo, soi-même et varité, bouillir, qui veut donc dire appareil qui bout par soi-même. Le samovar sert non pas à faire du thé mais à maintenir l’eau bouillante en permanence. Il comporte une cheminée centrale en laiton qui permet d’évacuer l’air chaud, au-dessus d’un cylindre en fonte entourant une grille sur laquelle sont déposées des braises. Dans le socle, le repercé sert de trou d’aération, il contient un cendrier à charnière, fermé par une ailette. La cheminée recouvre le cylindre en fonte puis se rétrécit pour ne former qu’un tuyau étroit qui vient s’ajuster dans l’orifice central du couvercle. Dans ce tuyau est introduit le fourchon en fer surmonté par un bouton que l’on chauffe au rouge pour maintenir l’eau en ébullition (Objets civils et domestiques, vocabulaire typologique, Inventaire général, Imprimerie Nationale, 1984, p. 166). Sur la panse est appliqué un seul robinet qui permet d’ajouter de l’eau au thé directement dans les tasses ou dans une petite verseuse telle que celle au décor similaire réalisée la même année par Leroux qui aurait pu accompagner ce samovar.
Le samovar trouve son origine en Russie, bien qu’il existe des récipients similaires en Chine, sans que l’on puisse affirmer sa date de création, mais c’est dans l’Oural et surtout dans les industries métallurgiques de Toula que se développe la fabrication des samovars probablement au début du XVIIIème siècle (A. Stella, le livre du thé, Flammarion, p.139-143).
La Russie a découvert le thé vers 1567 lorsque deux cosaques, Petrov et Yalychev, font le récit de ce breuvage merveilleux. Mais il faut attendre 1618 pour que des émissaires chinois en offrent au tsar Alexis et à sa cour puis en 1638 lorsque l’ambassadeur Vassili Starkov en rapporte 64 kilos au tsar de la part d’un prince mongol. Ce nouveau breuvage plaît tant qu’en 1689 Pierre le Grand signe un accord avec l’Empereur chinois par lequel ils échangent, grâce à la Route de la Soie, des fourrures contre des briques de thé acheminées par caravanes transportant quelques 60 tonnes de thé. Le thé reste pourtant longtemps la boisson des grandes villes et surtout de Moscou ce qui valut aux moscovites le surnom de « buveurs de thé » ou « buveurs d’eau chaude ».
Parallèlement la Russie a établi au cours des siècles des relations économiques et commerciales avec l’Europe grâce entre autres à sa proximité avec l’Asie, mais aussi afin de briser le monopole des Espagnols et des Portugais sur le commerce de l’Inde et de l’Amérique. Les guerres maritimes, les difficultés du commerce en Asie et dans la Méditerranée, la tension permanente entre la Perse et la Turquie ainsi que la demande croissante pour la soie et les articles chinois dont le thé eurent pour effet d’intensifier le commerce direct avec la Russie mais aussi le commerce de transit en Russie, Perse et Extrême-Orient (H. Kellenbenz, Marchands en Russie aux XVIIe-XVIIIe siècles, Cahiers du monde russe et soviétique, année 1970, vol.11, n° 4, p. 576-620). Ainsi le thé fut importé par la Russie justifiant de l’arrivée du samovar dans les salons des pays du nord, grands consommateurs de thé, puis du reste de l’Europe.
Les Pays-Bas avaient d’abord découvert le thé vers 1640 importé par les Portugais, et considéré alors encore comme une plante médicinale. Montesquieu raconte dans son Voyage en Hollande comment il fût sidéré de voir « une maîtresse de maison boire trente tasses en un seul service » (A. Stella, Le Livre du Thé, Flammarion, p. 150). Il est d’abord servi dans une théière accompagnée d’une bouilloire comme le montre une plaque de Delft, où l’on voit une dame boire du thé, la théière est sur la table, une bouilloire sur un brasero. Puis les fontaines apparaissent, la première à Amsterdam en 1699. Ce sont alors de grosses verseuses tripodes à anse, munies d’un robinet. Avec deux poignées, la forme de leur corps suit au cours du XVIIIème celle des chocolatières et des cafetières: à pans à Liège vers 1711, uni orné d’appliques à Amsterdam en 1733, à côtes droites à Tournai vers 1740, à côtes torses à Augsbourg en 1751, à décor ciselé de rocaille à Bruxelles en 1770. Cependant ces fontaines que l’on trouve en Allemagne ou aux Pays-Bas sont des réserves à eau chaude pour le thé mais aussi à eau froide ou à vin auquel cas la prise du couvercle représente un homme ivre ou assis sur un tonneau. Elles ont presque toutes trois robinets même quand l’intérieur n’est pas divisé en trois compartiments. Lorsque les pieds sont très hauts, on peut glisser un réchaud à esprit de vin sous la panse de manière à maintenir l’eau chaude, mais en aucun cas ne on ne peut y faire bouillir l’eau. C’est ce modèle qui va apparaître dans les dernières années du XVIIIe siècle à Paris : chez Auguste en 1789 et chez Odiot en 1793. Cependant la présence d’une passoire intérieure sur le modèle d’Auguste prouve que les feuilles de thé étaient infusées dans ce récipient.
UNE COMMANDE BELGE A UN ORFEVRE DE TALENT
Le samovar de Leroux fut commandé par une famille établie près d’Ypres dont les habitants avaient pour habitude de venir commander leur orfèvrerie à Lille où les orfèvres étaient plus nombreux mais surtout plus talentueux et habiles. Pourtant il est très étonnant qu’un véritable samovar ait été fabriqué à Lille où aucune fontaine de table ou bouilloire n’a jamais été signalée. Seul l’inventaire après-décès à Arras de la dame Lesaffre, épouse du conseiller Pierre-Isidore de Lannoy en 1791 signale une bouilloire et sa robinetterie dont l’origine et la structure ne sont pas précisées. Leroux a nécessairement eu un plan ou un modèle, cet objet étant encore inconnu en France et a dû collaborer avec un febvre pour la fonte. Malheureusement le Tabellion de Lille n’a révélé aucun contrat de fabrication qui aurait pu exister étant donné le poids de l’ensemble qui compte plus de 6 kilos avec la fonte et le laiton.
Le style de ce samovar se rapporte parfaitement à l’art de Leroux. Le pied est bordé d’une ciselure en draperie et godrons qu’il a déjà utilisé sur un calice en 1761-1762 (N. Cartier, Les Orfèvres de Lille 2, Louvain, 2006, n° 407, p. 716). Ses cafetières à côtes torses, avec des feuilles enroulées sur les pieds, ont la même élégance. Les trois pieds en pattes de lion se retrouvent également en 1785 sur une cafetière de Baudoux dont il était l’ami et le voisin dans la rue Grande Chaussée; leur collaboration sur certaines pièces est d’ailleurs bien connue.
Jean-Baptiste Leroux, fils de l’orfèvre Nicolas, est reçu maître en 1746, il paie déjà 15 livres de capitation en 1749, preuve d’une belle clientèle. En 1768, il a plus de vingt ans de métier. C’est un orfèvre réputé qui laisse plus de soixante-cinq pièces de forme. Avec Baudoux, Pontus, Lemaire et Gellez, il reste le plus doué de sa génération.
Leroux atteint ici la plénitude de son art et ce samovar est la preuve que les orfèvres de province sont capables de réaliser d’exceptionnelles pièces d’orfèvrerie à condition d’avoir la clientèle.
This samovar is exceptional not only for the quality of its composition and craftsmanship, but also because it is unique amongst silver objects of its period; made by one of the most talented provincial goldsmiths of his generation, it was commissioned by a noble family from Ypres and is a testament to the tradition of tea drinking but also to the tea trade from Russia.
ORIGIN OF THE SAMOVAR
The word samovar comes from two Russian words: samo meaning itself and varité boiling, which translates literally as "boiling by itself". The samovar was for making tea rather than keeping water hot. It is made up inside of a cast-iron cylinder covering a grate where hot ashes are placed, below is a hinged receptacle to retrieve and remove the ashes; the openwork in the base is for ventilation; above the cylinder sits a central brass chimney, to release hot air, which narrows at the top to fit in the cover and hold the iron fork terminated by a finial, this fork is heated regularly to keep the water hot (Objets civils et domestiques, vocabulaire typologique, Inventaire général, Imprimerie Nationale, 1984, p. 166). The body is applied with a single tap used to fill the cups individually or a small pot such as the one made by Leroux the same year as this samovar and with similar design, and believed to have been made to match the samovar.
Samovars originated in Russia, possibly copied from Chinese models. Although it is not known when exactly they were first created it was probably in the Urals and especially in Toula metal works that the manufacture of samovars was developed at the beginning of the 18th century (A. Stella, le livre du thé, Flammarion, p.139-143).
Russia first discovered tea in around 1567 when it was described by two Cossacks Petrov and Yalichev as a “marvellous drink”. It was only in 1618 that tea appeared at the Russian Court when the Tsar Alexis was offered some by Chinese visitors and in 1638 the ambassador Vassili Starkov brought back for the Tsar 64 kg of tea as a gift from a Mongolian Prince. Tea became increasingly popular and in 1689 Peter the Great signed an agreement with the Chinese Emperor to exchange Russian furs for tea via the Silk Road brought over by caravans, transporting some 60 tons of tea on each trip. It was initially delivered mainly to the larger cities and especially to Moscow, which earned the Muscovites the nicknames of “tea drinkers” and “hot water drinkers”.
Over the years Russia established strong economic and commercial relationships with Europe through its proximity with Asia and thus broke up the Portuguese and Spanish trading monopolies. The problems of maritime transport combined with an increasing demand for silk and other Chinese goods, including tea, led to the development of trade with Russia, Persia and the Middle-East (H. Kellenbenz, Marchands en Russie aux XVIIe-XVIIIe siècles, Cahiers du monde russe et soviétique, année 1970, Vol. 11, n° 4, p. 576-620). The importation of tea via Russia certainly explains the arrival of the samovar in Northern countries, who have remained great tea drinkers.
The Netherlands first discovered tea in 1640 imported by the Portuguese and was initially consumed as a medicinal remedy. Montesquieu recounted in his “Travels in Holland” how a “lady could consume some 30 cups of tea in one day” (A. Stella, Le Livre du Thé, Flammarion, p. 150). Tea was first served in a teapot generally presented with a kettle, as depicted on a Delft plaque where a lady is seen drinking tea, the teapot beside her and the kettle on a warmer. Fountains appeared at the end of the 17th century, the first in 1699 in Amsterdam. Their shape and styles largely followed that of coffee and chocolate pots with side handles and taps. Found in Germany and the Netherlands, they are for holding hot or cold water or wine, in which case the finial is shaped as a drunken Bacchus or journeyman. Most have three taps even when the inside isn’t divided into three compartments. The feet are sometimes high to allow for a small warmer to be placed underneath. This latter model appeared in Paris at the end of the 18th century in the workshops of Auguste in 1789 and Odiot in 1793, the former fitted with an internal strainer suggesting that the tea leaves were left to infuse in the fountain.
A BELGIAN COMMISSION TO A FRENCH TALENTED GOLDSMITH
This samovar was commissioned by a family from near Ypres where most patrons usually went to nearby Lille for important or sophisticated pieces. Such a piece would have required Leroux to be given a model and also for a contract to have been made considering its substantial weight (more than 6000 gr. gross) and the fact that Leroux would have had to use a febvre or caster. Sadly, there are no references in the archives of any fountains or kettles being made in Lille at that time. Only in Arras the will dated 1791 of “Dame Lesaffre” wife of the councillor Pierre-Isidore de Lannoy lists a “kettle with a tap”, although no details are given with regards to what it might be.
The style of this samovar is in keeping with the work of Leroux. For instance he used the same chased border of drapes and gadroons on a chalice dated 1761-1762 (N. Cartier, Les Orfèvres de Lille 2, Louvain, 2006, no 407, p. 716). Similarly, the swirling flutes can be found on many of his coffee pots. As for the lion-paw feet, they were used in 1785 on a coffee pot by Baudoux, Leroux’s neighbour, friend and collaborator on the rue de la Grande Chaussée.
Jean-Baptiste was the son of the goldsmith Nicolas Leroux. He became master in 1746 and by 1749 was already paying substantial taxes which indicates he had acquired a large clientele. In 1768 he had been working for more than 20 years. He was a well-established and well known goldsmith who left a substantial body of work. He remains, with Baudoux, Pontus, Lemaire and Gellez one of the most talented goldsmiths of his generation. With this samovar, he reached the pinnacle of his profession proving that provincial goldsmiths could deliver exceptional pieces when given the opportunity.
ORIGINE DU SAMOVAR
Le mot samovar vient de deux mots russes, samo, soi-même et varité, bouillir, qui veut donc dire appareil qui bout par soi-même. Le samovar sert non pas à faire du thé mais à maintenir l’eau bouillante en permanence. Il comporte une cheminée centrale en laiton qui permet d’évacuer l’air chaud, au-dessus d’un cylindre en fonte entourant une grille sur laquelle sont déposées des braises. Dans le socle, le repercé sert de trou d’aération, il contient un cendrier à charnière, fermé par une ailette. La cheminée recouvre le cylindre en fonte puis se rétrécit pour ne former qu’un tuyau étroit qui vient s’ajuster dans l’orifice central du couvercle. Dans ce tuyau est introduit le fourchon en fer surmonté par un bouton que l’on chauffe au rouge pour maintenir l’eau en ébullition (Objets civils et domestiques, vocabulaire typologique, Inventaire général, Imprimerie Nationale, 1984, p. 166). Sur la panse est appliqué un seul robinet qui permet d’ajouter de l’eau au thé directement dans les tasses ou dans une petite verseuse telle que celle au décor similaire réalisée la même année par Leroux qui aurait pu accompagner ce samovar.
Le samovar trouve son origine en Russie, bien qu’il existe des récipients similaires en Chine, sans que l’on puisse affirmer sa date de création, mais c’est dans l’Oural et surtout dans les industries métallurgiques de Toula que se développe la fabrication des samovars probablement au début du XVIIIème siècle (A. Stella, le livre du thé, Flammarion, p.139-143).
La Russie a découvert le thé vers 1567 lorsque deux cosaques, Petrov et Yalychev, font le récit de ce breuvage merveilleux. Mais il faut attendre 1618 pour que des émissaires chinois en offrent au tsar Alexis et à sa cour puis en 1638 lorsque l’ambassadeur Vassili Starkov en rapporte 64 kilos au tsar de la part d’un prince mongol. Ce nouveau breuvage plaît tant qu’en 1689 Pierre le Grand signe un accord avec l’Empereur chinois par lequel ils échangent, grâce à la Route de la Soie, des fourrures contre des briques de thé acheminées par caravanes transportant quelques 60 tonnes de thé. Le thé reste pourtant longtemps la boisson des grandes villes et surtout de Moscou ce qui valut aux moscovites le surnom de « buveurs de thé » ou « buveurs d’eau chaude ».
Parallèlement la Russie a établi au cours des siècles des relations économiques et commerciales avec l’Europe grâce entre autres à sa proximité avec l’Asie, mais aussi afin de briser le monopole des Espagnols et des Portugais sur le commerce de l’Inde et de l’Amérique. Les guerres maritimes, les difficultés du commerce en Asie et dans la Méditerranée, la tension permanente entre la Perse et la Turquie ainsi que la demande croissante pour la soie et les articles chinois dont le thé eurent pour effet d’intensifier le commerce direct avec la Russie mais aussi le commerce de transit en Russie, Perse et Extrême-Orient (H. Kellenbenz, Marchands en Russie aux XVIIe-XVIIIe siècles, Cahiers du monde russe et soviétique, année 1970, vol.11, n° 4, p. 576-620). Ainsi le thé fut importé par la Russie justifiant de l’arrivée du samovar dans les salons des pays du nord, grands consommateurs de thé, puis du reste de l’Europe.
Les Pays-Bas avaient d’abord découvert le thé vers 1640 importé par les Portugais, et considéré alors encore comme une plante médicinale. Montesquieu raconte dans son Voyage en Hollande comment il fût sidéré de voir « une maîtresse de maison boire trente tasses en un seul service » (A. Stella, Le Livre du Thé, Flammarion, p. 150). Il est d’abord servi dans une théière accompagnée d’une bouilloire comme le montre une plaque de Delft, où l’on voit une dame boire du thé, la théière est sur la table, une bouilloire sur un brasero. Puis les fontaines apparaissent, la première à Amsterdam en 1699. Ce sont alors de grosses verseuses tripodes à anse, munies d’un robinet. Avec deux poignées, la forme de leur corps suit au cours du XVIIIème celle des chocolatières et des cafetières: à pans à Liège vers 1711, uni orné d’appliques à Amsterdam en 1733, à côtes droites à Tournai vers 1740, à côtes torses à Augsbourg en 1751, à décor ciselé de rocaille à Bruxelles en 1770. Cependant ces fontaines que l’on trouve en Allemagne ou aux Pays-Bas sont des réserves à eau chaude pour le thé mais aussi à eau froide ou à vin auquel cas la prise du couvercle représente un homme ivre ou assis sur un tonneau. Elles ont presque toutes trois robinets même quand l’intérieur n’est pas divisé en trois compartiments. Lorsque les pieds sont très hauts, on peut glisser un réchaud à esprit de vin sous la panse de manière à maintenir l’eau chaude, mais en aucun cas ne on ne peut y faire bouillir l’eau. C’est ce modèle qui va apparaître dans les dernières années du XVIIIe siècle à Paris : chez Auguste en 1789 et chez Odiot en 1793. Cependant la présence d’une passoire intérieure sur le modèle d’Auguste prouve que les feuilles de thé étaient infusées dans ce récipient.
UNE COMMANDE BELGE A UN ORFEVRE DE TALENT
Le samovar de Leroux fut commandé par une famille établie près d’Ypres dont les habitants avaient pour habitude de venir commander leur orfèvrerie à Lille où les orfèvres étaient plus nombreux mais surtout plus talentueux et habiles. Pourtant il est très étonnant qu’un véritable samovar ait été fabriqué à Lille où aucune fontaine de table ou bouilloire n’a jamais été signalée. Seul l’inventaire après-décès à Arras de la dame Lesaffre, épouse du conseiller Pierre-Isidore de Lannoy en 1791 signale une bouilloire et sa robinetterie dont l’origine et la structure ne sont pas précisées. Leroux a nécessairement eu un plan ou un modèle, cet objet étant encore inconnu en France et a dû collaborer avec un febvre pour la fonte. Malheureusement le Tabellion de Lille n’a révélé aucun contrat de fabrication qui aurait pu exister étant donné le poids de l’ensemble qui compte plus de 6 kilos avec la fonte et le laiton.
Le style de ce samovar se rapporte parfaitement à l’art de Leroux. Le pied est bordé d’une ciselure en draperie et godrons qu’il a déjà utilisé sur un calice en 1761-1762 (N. Cartier, Les Orfèvres de Lille 2, Louvain, 2006, n° 407, p. 716). Ses cafetières à côtes torses, avec des feuilles enroulées sur les pieds, ont la même élégance. Les trois pieds en pattes de lion se retrouvent également en 1785 sur une cafetière de Baudoux dont il était l’ami et le voisin dans la rue Grande Chaussée; leur collaboration sur certaines pièces est d’ailleurs bien connue.
Jean-Baptiste Leroux, fils de l’orfèvre Nicolas, est reçu maître en 1746, il paie déjà 15 livres de capitation en 1749, preuve d’une belle clientèle. En 1768, il a plus de vingt ans de métier. C’est un orfèvre réputé qui laisse plus de soixante-cinq pièces de forme. Avec Baudoux, Pontus, Lemaire et Gellez, il reste le plus doué de sa génération.
Leroux atteint ici la plénitude de son art et ce samovar est la preuve que les orfèvres de province sont capables de réaliser d’exceptionnelles pièces d’orfèvrerie à condition d’avoir la clientèle.
This samovar is exceptional not only for the quality of its composition and craftsmanship, but also because it is unique amongst silver objects of its period; made by one of the most talented provincial goldsmiths of his generation, it was commissioned by a noble family from Ypres and is a testament to the tradition of tea drinking but also to the tea trade from Russia.
ORIGIN OF THE SAMOVAR
The word samovar comes from two Russian words: samo meaning itself and varité boiling, which translates literally as "boiling by itself". The samovar was for making tea rather than keeping water hot. It is made up inside of a cast-iron cylinder covering a grate where hot ashes are placed, below is a hinged receptacle to retrieve and remove the ashes; the openwork in the base is for ventilation; above the cylinder sits a central brass chimney, to release hot air, which narrows at the top to fit in the cover and hold the iron fork terminated by a finial, this fork is heated regularly to keep the water hot (Objets civils et domestiques, vocabulaire typologique, Inventaire général, Imprimerie Nationale, 1984, p. 166). The body is applied with a single tap used to fill the cups individually or a small pot such as the one made by Leroux the same year as this samovar and with similar design, and believed to have been made to match the samovar.
Samovars originated in Russia, possibly copied from Chinese models. Although it is not known when exactly they were first created it was probably in the Urals and especially in Toula metal works that the manufacture of samovars was developed at the beginning of the 18th century (A. Stella, le livre du thé, Flammarion, p.139-143).
Russia first discovered tea in around 1567 when it was described by two Cossacks Petrov and Yalichev as a “marvellous drink”. It was only in 1618 that tea appeared at the Russian Court when the Tsar Alexis was offered some by Chinese visitors and in 1638 the ambassador Vassili Starkov brought back for the Tsar 64 kg of tea as a gift from a Mongolian Prince. Tea became increasingly popular and in 1689 Peter the Great signed an agreement with the Chinese Emperor to exchange Russian furs for tea via the Silk Road brought over by caravans, transporting some 60 tons of tea on each trip. It was initially delivered mainly to the larger cities and especially to Moscow, which earned the Muscovites the nicknames of “tea drinkers” and “hot water drinkers”.
Over the years Russia established strong economic and commercial relationships with Europe through its proximity with Asia and thus broke up the Portuguese and Spanish trading monopolies. The problems of maritime transport combined with an increasing demand for silk and other Chinese goods, including tea, led to the development of trade with Russia, Persia and the Middle-East (H. Kellenbenz, Marchands en Russie aux XVIIe-XVIIIe siècles, Cahiers du monde russe et soviétique, année 1970, Vol. 11, n° 4, p. 576-620). The importation of tea via Russia certainly explains the arrival of the samovar in Northern countries, who have remained great tea drinkers.
The Netherlands first discovered tea in 1640 imported by the Portuguese and was initially consumed as a medicinal remedy. Montesquieu recounted in his “Travels in Holland” how a “lady could consume some 30 cups of tea in one day” (A. Stella, Le Livre du Thé, Flammarion, p. 150). Tea was first served in a teapot generally presented with a kettle, as depicted on a Delft plaque where a lady is seen drinking tea, the teapot beside her and the kettle on a warmer. Fountains appeared at the end of the 17th century, the first in 1699 in Amsterdam. Their shape and styles largely followed that of coffee and chocolate pots with side handles and taps. Found in Germany and the Netherlands, they are for holding hot or cold water or wine, in which case the finial is shaped as a drunken Bacchus or journeyman. Most have three taps even when the inside isn’t divided into three compartments. The feet are sometimes high to allow for a small warmer to be placed underneath. This latter model appeared in Paris at the end of the 18th century in the workshops of Auguste in 1789 and Odiot in 1793, the former fitted with an internal strainer suggesting that the tea leaves were left to infuse in the fountain.
A BELGIAN COMMISSION TO A FRENCH TALENTED GOLDSMITH
This samovar was commissioned by a family from near Ypres where most patrons usually went to nearby Lille for important or sophisticated pieces. Such a piece would have required Leroux to be given a model and also for a contract to have been made considering its substantial weight (more than 6000 gr. gross) and the fact that Leroux would have had to use a febvre or caster. Sadly, there are no references in the archives of any fountains or kettles being made in Lille at that time. Only in Arras the will dated 1791 of “Dame Lesaffre” wife of the councillor Pierre-Isidore de Lannoy lists a “kettle with a tap”, although no details are given with regards to what it might be.
The style of this samovar is in keeping with the work of Leroux. For instance he used the same chased border of drapes and gadroons on a chalice dated 1761-1762 (N. Cartier, Les Orfèvres de Lille 2, Louvain, 2006, no 407, p. 716). Similarly, the swirling flutes can be found on many of his coffee pots. As for the lion-paw feet, they were used in 1785 on a coffee pot by Baudoux, Leroux’s neighbour, friend and collaborator on the rue de la Grande Chaussée.
Jean-Baptiste was the son of the goldsmith Nicolas Leroux. He became master in 1746 and by 1749 was already paying substantial taxes which indicates he had acquired a large clientele. In 1768 he had been working for more than 20 years. He was a well-established and well known goldsmith who left a substantial body of work. He remains, with Baudoux, Pontus, Lemaire and Gellez one of the most talented goldsmiths of his generation. With this samovar, he reached the pinnacle of his profession proving that provincial goldsmiths could deliver exceptional pieces when given the opportunity.