Lot Essay
Le nom vernaculaire de ce cimier est tu ngünga, ce que l'explorateur allemand Franz Thorbecke a traduit comme «tête» (tu) «danse» (ngünga), littéralement «tête pour la danse». Thorbecke a été le premier à rapporter un cimier féminin de ce type, aujourd’hui dans la collection du Reiss-Engelhorn-Museen Mannheim (# IV.AF.4816), en 1912 (Homberger, L., Cameroun, Art and Kings, Zurich, 2008, page 118, #2). Ils étaient portés sur la tête à l’aide d’un échafaudage de tiges de raphia, et maintenus par deux bretelles de lianes passées sous les aisselles, l’ensemble étant dissimulé par une jupe de fibres. Les danseurs prenaient ainsi l’allure de géants entièrement drapés de tissus et de toiles de coton écru, se mouvant lourdement en agitant des sonnailles. Au son d'un orchestre, les tu ngünga dansaient par paire des deux sexes, évoquant le roi décédé et sa femme. Ils étaient portés par les membres du nsorro, une société secrète de guerriers, regroupant les plus valeureux combattants de l’armée royale. Ils se produisaient aux funérailles d'individus importants tels que les chefs, les membres de la famille royale et les initiés du nsorro (Harter, P., Arts Anciens du Cameroun, Arnouville, 1986, pp. 156-157).
Dans la société Bamun, la majorité des expressions artistiques concernent le roi comme chef divin, gardien du bien-être du peuple et conservateur de la dynastie. Doté du bonnet bilobé royale, cette tête est paradigmatique du souverain idéal. En tant que chef religieux, il avait accès à des forces surnaturelles et était porteur de l'autorité morale de ses ancêtres royaux. Il était réputé posséder une force de vie essentielle (ke), conçue comme souffle, salive et sperme à la fois, incluse dans les joues du roi et émise sous forme de discours, bénédictions et conférant fécondité sur les champs, les animaux, et les gens. La représentation des joues pleines et de la bouche ouverte, omniprésente dans les arts du Grassland, symbolise ainsi le pouvoir et la puissance du roi - le gardien et l'émetteur de cette force de vie divine.
Ce cimier peut être attribué au maître sculpteur Ndam Nji Mare de Makoutam, actif au premier quart du 20ème siècle. Trois autres têtes de cet atelier sont connues. Une première a été recueillie par Henri Labouret qui en a fait don, avant 1934, au Musée de l'Homme à Paris - maintenant la collection du Musée du quai Branly - Jacques Chirac (#71.1934.171.29) ; une seconde auparavant dans les collections de l'artiste Maurice de Vlaminck (1876-1958) et Saul et Marsha Stanoff (voir Sotheby's, New York, 17 mai 2007, lot 22) et un troisième dans la collection Malcolm (Schweizer, H., Visions of Grace, Milan, 2013, page 138, n ° 53) fut trouvé en 1944 dans le village de Makoutam. Ces trois œuvres de ce maître sont considérées comme les chefs-d’œuvre du style expressionniste de Grassland. La tête Labouret - l'un des objets embématique du musée - a même été présentée sur une carte postale dans les années 1950, attestant sa renommée. Ayant vécu dans plusieurs collections privées importantes depuis les années 1940, notre cimier est resté inconnu jusqu'à ce qu’il ait été exposé au public pour la toute première fois au De Young Museum de San Francisco en 2015. C'est le seul exemple dans un collection privée à conserver sa structure en fibres originale autour du cou cylindrique. De même, les grandes coquilles de cauri, placées verticalement, servent comme yeux: les têtes Labouret et Stanoff n'ont qu'une fente verticale sculptée dans le bois, tandis que la tête Malcolm a des paupières circulaires (ainsi que des cercles supplémentaires sur les deux joues). Néanmoins, la tête Labouret a des restes d'un volant de raphia, elle n’a pas une patine profonde. Tant le cimier Stanoff que le cimier Malcolm ont une patine de surface homogène, ce dernier ayant perdu la contraste original entre les zones de couleur différente - les bords de la coiffe, les sourcils, les yeux et la bouche des autres étant dans un bois plus légèrement coloré. Le présent cimier est le seul à avoir des additions rituelles de pigment rouge dans la bouche et les oreilles schématiques. La surface est recouverte d’un enduit noir, épais et luisant. On peut donc argumenter que des quatre têtes connues, c'est probablement l'exemple le mieux conservé et le plus proche de son état originel.
Ndam Nji Mare a réussi à développer un style unique avec un talent exceptionnel pour l'interaction de lignes et de volume. L'artiste a déconstruit l'idée du portrait d'un roi vers ses caractéristiques essentielles: les joues gonflées (pleines de force de vie) dominent le visage. Elles souslignent la grande bouche rectangulaire (ouverte, comme pour parler). Leur rondeur se répète dans les yeux accentués (pour voir tout), qui sont inscrits sous grands sourcils arqués. Le menton forme une cinquième forme hémisphérique. Les espaces ouverts sont ingénieusement utilisés à l'avant entre les différents traits du visage, et à l'arrière entre le revers arrondi de la tête et la grosse coiffe tordue (un insigne royal). Tous les attributs royaux essentiels sont ainsi reconstruits dans ce rendu abstrait de la tête humaine, incarnant involontairement dans cette forme la quintessence de la pensée cubiste. Il est possible que Picasso ait pu voir le travail de Ndam Nji Mare. Une série de dessins et sculptures de Picasso, basés sur la tête de sa compagne Marie-Thérèse Walter et exécutée au début des années trente, viennent naturellement à l'esprit. On a même soutenu que Picasso aurait peut-être même vu la tête Vlaminck (installée dans le studio de l'artiste), lorsqu'il le visitait régulièrement à cette époque ou l'exemple de Labouret au le Musée de l’Homme. Si les résonances visuelles frappantes entre les têtes cubistes de Picasso et les tu ngüngga répondent à une influence directe ou pas, à la fin est sans importance. La monumentalité étonnante, la présence royale et l'expressivité hypnotique de ce cimier du souverain idéal transcendent lieu et temps et mettent le créateur de ce chef-d'œuvre totalement novateur à part de ses contemporains.
Dans la société Bamun, la majorité des expressions artistiques concernent le roi comme chef divin, gardien du bien-être du peuple et conservateur de la dynastie. Doté du bonnet bilobé royale, cette tête est paradigmatique du souverain idéal. En tant que chef religieux, il avait accès à des forces surnaturelles et était porteur de l'autorité morale de ses ancêtres royaux. Il était réputé posséder une force de vie essentielle (ke), conçue comme souffle, salive et sperme à la fois, incluse dans les joues du roi et émise sous forme de discours, bénédictions et conférant fécondité sur les champs, les animaux, et les gens. La représentation des joues pleines et de la bouche ouverte, omniprésente dans les arts du Grassland, symbolise ainsi le pouvoir et la puissance du roi - le gardien et l'émetteur de cette force de vie divine.
Ce cimier peut être attribué au maître sculpteur Ndam Nji Mare de Makoutam, actif au premier quart du 20ème siècle. Trois autres têtes de cet atelier sont connues. Une première a été recueillie par Henri Labouret qui en a fait don, avant 1934, au Musée de l'Homme à Paris - maintenant la collection du Musée du quai Branly - Jacques Chirac (#71.1934.171.29) ; une seconde auparavant dans les collections de l'artiste Maurice de Vlaminck (1876-1958) et Saul et Marsha Stanoff (voir Sotheby's, New York, 17 mai 2007, lot 22) et un troisième dans la collection Malcolm (Schweizer, H., Visions of Grace, Milan, 2013, page 138, n ° 53) fut trouvé en 1944 dans le village de Makoutam. Ces trois œuvres de ce maître sont considérées comme les chefs-d’œuvre du style expressionniste de Grassland. La tête Labouret - l'un des objets embématique du musée - a même été présentée sur une carte postale dans les années 1950, attestant sa renommée. Ayant vécu dans plusieurs collections privées importantes depuis les années 1940, notre cimier est resté inconnu jusqu'à ce qu’il ait été exposé au public pour la toute première fois au De Young Museum de San Francisco en 2015. C'est le seul exemple dans un collection privée à conserver sa structure en fibres originale autour du cou cylindrique. De même, les grandes coquilles de cauri, placées verticalement, servent comme yeux: les têtes Labouret et Stanoff n'ont qu'une fente verticale sculptée dans le bois, tandis que la tête Malcolm a des paupières circulaires (ainsi que des cercles supplémentaires sur les deux joues). Néanmoins, la tête Labouret a des restes d'un volant de raphia, elle n’a pas une patine profonde. Tant le cimier Stanoff que le cimier Malcolm ont une patine de surface homogène, ce dernier ayant perdu la contraste original entre les zones de couleur différente - les bords de la coiffe, les sourcils, les yeux et la bouche des autres étant dans un bois plus légèrement coloré. Le présent cimier est le seul à avoir des additions rituelles de pigment rouge dans la bouche et les oreilles schématiques. La surface est recouverte d’un enduit noir, épais et luisant. On peut donc argumenter que des quatre têtes connues, c'est probablement l'exemple le mieux conservé et le plus proche de son état originel.
Ndam Nji Mare a réussi à développer un style unique avec un talent exceptionnel pour l'interaction de lignes et de volume. L'artiste a déconstruit l'idée du portrait d'un roi vers ses caractéristiques essentielles: les joues gonflées (pleines de force de vie) dominent le visage. Elles souslignent la grande bouche rectangulaire (ouverte, comme pour parler). Leur rondeur se répète dans les yeux accentués (pour voir tout), qui sont inscrits sous grands sourcils arqués. Le menton forme une cinquième forme hémisphérique. Les espaces ouverts sont ingénieusement utilisés à l'avant entre les différents traits du visage, et à l'arrière entre le revers arrondi de la tête et la grosse coiffe tordue (un insigne royal). Tous les attributs royaux essentiels sont ainsi reconstruits dans ce rendu abstrait de la tête humaine, incarnant involontairement dans cette forme la quintessence de la pensée cubiste. Il est possible que Picasso ait pu voir le travail de Ndam Nji Mare. Une série de dessins et sculptures de Picasso, basés sur la tête de sa compagne Marie-Thérèse Walter et exécutée au début des années trente, viennent naturellement à l'esprit. On a même soutenu que Picasso aurait peut-être même vu la tête Vlaminck (installée dans le studio de l'artiste), lorsqu'il le visitait régulièrement à cette époque ou l'exemple de Labouret au le Musée de l’Homme. Si les résonances visuelles frappantes entre les têtes cubistes de Picasso et les tu ngüngga répondent à une influence directe ou pas, à la fin est sans importance. La monumentalité étonnante, la présence royale et l'expressivité hypnotique de ce cimier du souverain idéal transcendent lieu et temps et mettent le créateur de ce chef-d'œuvre totalement novateur à part de ses contemporains.