Lot Essay
On peut se demander comment des peuples somme toute assez proches, voulant représenter le même concept de gardien de reliquaire et utilisant les mêmes matériaux (du bois recouvert de métal), ont pu aboutir à des expressions à ce point différenciées que les lots proposes dans cette vente. L’une des sources de cette diversité tient sans doute à la double lecture qui peut-être faite des reliquaires kota : une lecture séculière exprimant la légitimité, la puissance et la richesse d’une communauté, mais aussi une lecture plus mystique mettant l’accent sur le monde des esprits et de leur potentialité “magique” (faute d’un meilleur mot). Il est facile de comprendre que ces deux messages aussi valides et importants l’un que l’autre tendent à mener à deux esthétiques antagonistes : l’affirmation de la puissance engendre de grands objets richement décores (voir par exemple les lots 93 et 94) la ou le mysticisme s’accommode très volontiers du mystère qui émane d’une représentation resserrée et sobre dont ce lot est un remarquable exemple. Le nom même de l’objet, mbumba, renvoie à cette réalité : il évoque à la fois l’arc en ciel et le serpent qui (nageant dans l’eau) décrit des courbes, mais surtout sa fonction. Mbumba est en effet le mot utilisé par beaucoup de peuples gabonais pour designer un puissant fétiche, un objet potent capable d’apporter fortune, bonheur et réussite (Raponda-Walker, André, Sillans, Roger, Rites et Croyances des Peuples du Gabon, Paris, 1962). Dans les deux cas, ce qui est représenté au premier chef est l’esprit gardien du village (et partant des reliques) : ainsi que ce soit chez les Ndassa ou chez les Sango chaque nouvelle sculpture sera scrupuleusement rendue différente de toutes les autres sculptures produites précédemment pour garantir que l’esprit représente n’ira pas se disperser à garder d’autres lieux. Mais dans ce cas-ci, l’expression de l’objet se réduit quasiment à un bâton : il me semble plausible que cette forme ait été sciemment choisie pour évoquer l’image d’un serpent, qui elle-même ramène à l'idée de mbumba, qui elle-même décrit la fonction du reliquaire. Une inspection menée par un expert en matériaux indique que l’un des yeux serait taillé dans un coquillage (peut-être un bouton, matériau fréquemment utilise pour les yeux des mbumba) et l’autre dans une dent humaine (ce qui est très étonnant, mais rappelle des pratiques similaires chez les Ngumba).
Frédéric Cloth, septembre 2017
Frédéric Cloth, septembre 2017