Lot Essay
Ces sièges proviennent d’un des rares grands ensembles de mobilier de château restés intacts jusqu’au XXe siècle, celui réuni sur plusieurs générations par la famille de La Rochefoucauld puis par les Rohan-Chabot pour leur château de La Roche-Guyon, qui fut vendu pour la majeure partie voici une trentaine d’années (Sotheby’s, Monaco, 6 et 7 décembre 1987). En effet, lors de la révolution, au moment de l’assassinat du duc Louis-Alexandre de la Rochefoucauld (1743-1792), le château ne fut pas vendu et son mobilier resta en place, la propriétaire, sa mère la duchesse d’Enville n’ayant pas émigré, pas plus que la petite-fille et héritière de cette dernière, Alexandrine-Charlotte de Rohan-Chabot (d.1839). Le château passa alors aux Rohan-Chabot, notamment au cardinal-duc de Rohan Chabot, Louis-François-Auguste. Devenu évêque de Besançon en 1829, il revendit alors le château (avec son mobilier) à François de la Rochefoucauld-Liancourt et le château est ensuite resté dans la famille.
Le château de la Roche Guyon dresse sa silhouette féodale le long d’une des boucles de la Seine entre Mantes et Vernon. Dominant son village et son ancien jardin, il est adossé à une falaise de craie et surmonté par un donjon en ruines, vestige de la forteresse primitive. Le château médiéval devint au fil des siècles une résidence seigneuriale qui perdit ses créneaux et vit ses murailles percées de nombreuses fenêtres. Il connut trois grandes périodes d’aménagements et trois principales campagnes d’ameublement :
si l’ensemble le plus important et le plus connu est le décor néoclassique du grand salon commandé vers 1764-1769 par la duchesse d’Enville (1716-1797), avec les célèbres sièges de Heurtaut du Louvre, les tapisseries de la tenture d’Esther et les tables de Jumel, deux campagnes d’ameublement beaucoup plus importantes l’avaient précédé : à la suite d’un premier ameublement Louis XIV apporté par François VIII, 4e duc de la Rochefoucauld (1663-1728) et son épouse Charlotte Le Tellier (1664-1735), succéda un ameublement Louis XV commandé par Alexandre, 5e duc de la Rochefoucauld (1690-1762), arrière petit-fils du mémorialiste. Cet ameublement correspondait aux travaux entrepris dans le château dans les années 1732-1735 qui virent la réalisation des grands appartements et de l’aile de la bibliothèque, avec des décors de boiseries, trumeaux de glaces et plaques de cheminées. Pour l’année 1733, 33 plaques de cheminée furent livrées. C’est à cette époque que fut édifié le bâtiment annexe abritant le salon et la nouvelle bibliothèque. En 1732, des achats considérables de livres furent faits à Paris et en Hollande, ainsi que des globes, cartes et microscopes. En 1737, huit tableaux furent payés pour la même pièce aux peintres Boucher, Vanloo et Trémolière. En même temps, la comptabilité ordinaire du château (en dépôt aux archives de Cergy-Pontoise) révèle qu’entre 1736 et 1743, furent commandées quantités de lits, tables, chaises ordinaires mais aussi du mobilier de luxe pour la chambre de la duchesse et celles de ses filles. L’enrichissement du château se poursuivit pendant la décennie suivante quand Alexandre de la Rochefoucauld – à la suite de l’affaire de Metz – dut s’exiler dans son château en 1744.
NADAL L’AINE
Jean-René Nadal est sans nul doute le maître menuisier le plus talentueux de la prestigieuse dynastie du même nom. Obtenant sa maîtrise en 1756, c’est grâce à ce précieux sésame qu’il débute sa carrière à Paris, en plein apogée du style Louis XV. Fils de Jean Nadal, mais également frère de Jean-Michel, il sut se faire son propre au nom au sein de la rue de Cléry, fief des plus grands maîtres de la discipline. C’est sous l’égide du Lion d’argent qu’il fit sa brillante carrière, faisant prospérer toujours plus intensément son entreprise.
Notre présent lot est le reflet d’un véritable savoir-faire acquis par Jean-René dès son plus jeune âge. La justesse des proportions mais également le choix judicieux des ornements sculptés démontrent une réelle maturité d’exécution. D’ailleurs, ses talents ne restèrent pas longtemps méconnus des amateurs. En effet, dès 1777 le Comte d’Artois lui commanda des sièges dits « à l’Antique » du plus meilleur goût, notamment destinés au palais prieural du Temple ainsi qu’au château de Saint-Germain-en-Laye. Par la suite Nadal sut parfaitement s’adapter aux évolutions des styles proposant des œuvres Transition extrêmement abouties comme en témoigne le somptueux fauteuil de bureau livré en 1775 pour l’appartement du comte d’Artois à Versailles et aujourd’hui conservé à Paris au musée Nissim de Camondo (inv. Cam 136).
Nous remercions M. Alexandre Pradère de son aide pour la rédaction de cette notice.
Le château de la Roche Guyon dresse sa silhouette féodale le long d’une des boucles de la Seine entre Mantes et Vernon. Dominant son village et son ancien jardin, il est adossé à une falaise de craie et surmonté par un donjon en ruines, vestige de la forteresse primitive. Le château médiéval devint au fil des siècles une résidence seigneuriale qui perdit ses créneaux et vit ses murailles percées de nombreuses fenêtres. Il connut trois grandes périodes d’aménagements et trois principales campagnes d’ameublement :
si l’ensemble le plus important et le plus connu est le décor néoclassique du grand salon commandé vers 1764-1769 par la duchesse d’Enville (1716-1797), avec les célèbres sièges de Heurtaut du Louvre, les tapisseries de la tenture d’Esther et les tables de Jumel, deux campagnes d’ameublement beaucoup plus importantes l’avaient précédé : à la suite d’un premier ameublement Louis XIV apporté par François VIII, 4e duc de la Rochefoucauld (1663-1728) et son épouse Charlotte Le Tellier (1664-1735), succéda un ameublement Louis XV commandé par Alexandre, 5e duc de la Rochefoucauld (1690-1762), arrière petit-fils du mémorialiste. Cet ameublement correspondait aux travaux entrepris dans le château dans les années 1732-1735 qui virent la réalisation des grands appartements et de l’aile de la bibliothèque, avec des décors de boiseries, trumeaux de glaces et plaques de cheminées. Pour l’année 1733, 33 plaques de cheminée furent livrées. C’est à cette époque que fut édifié le bâtiment annexe abritant le salon et la nouvelle bibliothèque. En 1732, des achats considérables de livres furent faits à Paris et en Hollande, ainsi que des globes, cartes et microscopes. En 1737, huit tableaux furent payés pour la même pièce aux peintres Boucher, Vanloo et Trémolière. En même temps, la comptabilité ordinaire du château (en dépôt aux archives de Cergy-Pontoise) révèle qu’entre 1736 et 1743, furent commandées quantités de lits, tables, chaises ordinaires mais aussi du mobilier de luxe pour la chambre de la duchesse et celles de ses filles. L’enrichissement du château se poursuivit pendant la décennie suivante quand Alexandre de la Rochefoucauld – à la suite de l’affaire de Metz – dut s’exiler dans son château en 1744.
NADAL L’AINE
Jean-René Nadal est sans nul doute le maître menuisier le plus talentueux de la prestigieuse dynastie du même nom. Obtenant sa maîtrise en 1756, c’est grâce à ce précieux sésame qu’il débute sa carrière à Paris, en plein apogée du style Louis XV. Fils de Jean Nadal, mais également frère de Jean-Michel, il sut se faire son propre au nom au sein de la rue de Cléry, fief des plus grands maîtres de la discipline. C’est sous l’égide du Lion d’argent qu’il fit sa brillante carrière, faisant prospérer toujours plus intensément son entreprise.
Notre présent lot est le reflet d’un véritable savoir-faire acquis par Jean-René dès son plus jeune âge. La justesse des proportions mais également le choix judicieux des ornements sculptés démontrent une réelle maturité d’exécution. D’ailleurs, ses talents ne restèrent pas longtemps méconnus des amateurs. En effet, dès 1777 le Comte d’Artois lui commanda des sièges dits « à l’Antique » du plus meilleur goût, notamment destinés au palais prieural du Temple ainsi qu’au château de Saint-Germain-en-Laye. Par la suite Nadal sut parfaitement s’adapter aux évolutions des styles proposant des œuvres Transition extrêmement abouties comme en témoigne le somptueux fauteuil de bureau livré en 1775 pour l’appartement du comte d’Artois à Versailles et aujourd’hui conservé à Paris au musée Nissim de Camondo (inv. Cam 136).
Nous remercions M. Alexandre Pradère de son aide pour la rédaction de cette notice.