Lot Essay
Peint par l'artiste florentin Andrea Soldi (1703-1771) lors de son séjour en Syrie et au Levant entre 1733 et 1735, ce petit portrait délicat représente un membre de la Compagnie du Levant. Bien que l'identité du modèle reste un mystère, il convient de rappeler l’existence d’un portrait à grande échelle du même homme assis sur un tapis turc vendu chez Christie's à Londres le 4 juillet 2019, lot 41 (fig. 1).
Les carnets de l'antiquaire George Vertue (1684-1756) constituent la seule source d’information des débuts de la carrière de Soldi, avant son arrivée à Londres. On y lit : 'De son propre pays [l'Italie, Soldi] partit pour la Terre sainte qu'il avait grand désir de voir, sur son chemin ou à son retour à Alep, il fit la connaissance de quelques marchands anglais … [qui] lui conseillèrent de venir en Angleterre' (G. Vertue, Carnet 3, vers 1742, p. 109). Relativement peu de portraits de Soldi de cette classe de marchands privilégiés sont répertoriés. John Ingamells (1934-2013), dans son catalogue des œuvres de l’artiste (The Volume of the Walpole Society, 1980, XLVII), ne mentionne que trois portraits de sa période alépine.
Fondée par charte royale en 1581, la Compagnie du Levant avait le monopole du commerce entre l'Angleterre et l'Empire ottoman, le terme Levant désignant alors l'ensemble des pays situés le long des rives de la Méditerranée orientale. Dirigée par une cour de gouverneurs à Londres et représentée par l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, son siège était à Alep, l'ancienne capitale commerciale de la Syrie. La ville se situait sur les grandes routes commerciales trans-désertiques entre l'Orient et l'Occident : les étoffes de laine, l'étain et le plomb anglais étaient échangés principalement contre de la soie en provenance d'Antioche, de Tripoli, de Beyrouth et, surtout, de Perse, ainsi que contre des épices, du café, des tapis, du fil de mohair et d'autres marchandises exotiques. Alep, avec sa haute citadelle, ses dômes et ses minarets, devait représenter une perspective agréable. Les Anglais y vivaient dans le Khan al-Gumruk, situé sur l'artère principale du souk couvert, semblable à un labyrinthe, au cœur de la ville.
Dans ce portrait, le modèle est représenté en costume turc, portant un turban et un kurk bleu doublé de fourrure sur une chemise blanche. Dans sa thèse sur les portraits levantins de Soldi, Sarah Moulden explique que la présentation et le style vestimentaire des marchands étaient autant une stratégie commerciale qu'une argument social, puisque l'adoption du costume turc local permettait au marchand de s'intégrer à la communauté dans laquelle il cherchait à vivre et à faire des affaires (S.E. Moulden, "Turning Turk" : The negotiable self in Andrea Soldi's Levantine Portraits, c. 1730-33, mémoire de master non publié, Courtauld Institute of Art, Londres, 2007).
Après avoir mené à bien leur mission au Levant, les marchands rentraient à Londres pour occuper des postes prestigieux au sein de la Compagnie. La tradition voulait qu'un marchand fasse peindre son portrait immédiatement avant de rentrer chez lui, préservant ainsi pour la postérité son identité de 'marchand turc'. Ainsi que le raconte Vertue, les portraits de Soldi ont tellement impressionné les marchands qu'ils l'ont encouragé à se rendre en Angleterre, où ses talents l'ont distingué de la vieille garde des portraitistes autochtones et lui ont assuré un succès immédiat en tant que portraitiste mondain.
Les carnets de l'antiquaire George Vertue (1684-1756) constituent la seule source d’information des débuts de la carrière de Soldi, avant son arrivée à Londres. On y lit : 'De son propre pays [l'Italie, Soldi] partit pour la Terre sainte qu'il avait grand désir de voir, sur son chemin ou à son retour à Alep, il fit la connaissance de quelques marchands anglais … [qui] lui conseillèrent de venir en Angleterre' (G. Vertue, Carnet 3, vers 1742, p. 109). Relativement peu de portraits de Soldi de cette classe de marchands privilégiés sont répertoriés. John Ingamells (1934-2013), dans son catalogue des œuvres de l’artiste (The Volume of the Walpole Society, 1980, XLVII), ne mentionne que trois portraits de sa période alépine.
Fondée par charte royale en 1581, la Compagnie du Levant avait le monopole du commerce entre l'Angleterre et l'Empire ottoman, le terme Levant désignant alors l'ensemble des pays situés le long des rives de la Méditerranée orientale. Dirigée par une cour de gouverneurs à Londres et représentée par l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, son siège était à Alep, l'ancienne capitale commerciale de la Syrie. La ville se situait sur les grandes routes commerciales trans-désertiques entre l'Orient et l'Occident : les étoffes de laine, l'étain et le plomb anglais étaient échangés principalement contre de la soie en provenance d'Antioche, de Tripoli, de Beyrouth et, surtout, de Perse, ainsi que contre des épices, du café, des tapis, du fil de mohair et d'autres marchandises exotiques. Alep, avec sa haute citadelle, ses dômes et ses minarets, devait représenter une perspective agréable. Les Anglais y vivaient dans le Khan al-Gumruk, situé sur l'artère principale du souk couvert, semblable à un labyrinthe, au cœur de la ville.
Dans ce portrait, le modèle est représenté en costume turc, portant un turban et un kurk bleu doublé de fourrure sur une chemise blanche. Dans sa thèse sur les portraits levantins de Soldi, Sarah Moulden explique que la présentation et le style vestimentaire des marchands étaient autant une stratégie commerciale qu'une argument social, puisque l'adoption du costume turc local permettait au marchand de s'intégrer à la communauté dans laquelle il cherchait à vivre et à faire des affaires (S.E. Moulden, "Turning Turk" : The negotiable self in Andrea Soldi's Levantine Portraits, c. 1730-33, mémoire de master non publié, Courtauld Institute of Art, Londres, 2007).
Après avoir mené à bien leur mission au Levant, les marchands rentraient à Londres pour occuper des postes prestigieux au sein de la Compagnie. La tradition voulait qu'un marchand fasse peindre son portrait immédiatement avant de rentrer chez lui, préservant ainsi pour la postérité son identité de 'marchand turc'. Ainsi que le raconte Vertue, les portraits de Soldi ont tellement impressionné les marchands qu'ils l'ont encouragé à se rendre en Angleterre, où ses talents l'ont distingué de la vieille garde des portraitistes autochtones et lui ont assuré un succès immédiat en tant que portraitiste mondain.